Venezuela's President Nicolas Maduro arrives to deliver his annual speech to parliament in Caracas on January 15, 2025. (Photo by Federico PARRA / AFP)AFP

Le Venezuela entame l’année 2025 avec sérénité, mais les vautours survolent le pays

Le 10 janvier, Nicolas Maduro a officiellement rempilé pour un troisième mandat à la présidence du Venezuela. Investig’Action a pu couvrir son investiture. L’occasion de faire le point sur la situation dans ce pays d’Amérique latine qui abrite les plus grandes réserves certifiées de pétrole au monde. Héritée d’Hugo Chavez, la révolution bolivarienne résiste. Mais les menaces restent importantes.

Nicolas Maduro a été investi pour un troisième mandat à la tête du Venezuela le 10 janvier. Mais pour les médias occidentaux qui ont soutenu les tentatives putschistes de la droite pro-étasunienne, le « véritable » président est Gonzalez Urrutia. Pantin de Maria Corina Machado[1], dirigeante de l’opposition d’extrême droite, Urrutia a officié au ministère des Affaires étrangères, la Cancilleria, à une époque où l’institution était contrôlée par le Département d’État US. Urrutia est lui-même en bon termes avec l’establishment étasunien, depuis son séjour à l’ambassade vénézuélienne de Washington en 1978[2].

Pour l’Occident, le président du Venezuela se trouve donc actuellement en exil à Madrid. Malgré tout, le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro apparaît aujourd’hui plus fort que lors de l’investiture de 2019. À l’époque, le président Trump et ses complices Mike Pompeo, Marco Rubio, Elliot Abrams, Mauricio Claver-Cardone et John Bolton – qualifiés de faucons par France 24 – avaient déclenché une opération complexe et agressive. Orchestrée par la CIA, elle visait à renverser le président Maduro pour installer un autre pantin, Juan Guaido. À Belgrade, cet apprenti putschiste avait été formé par la CIA aux tactiques des révolutions colorées. Sans succès. Mais l’opération avait mené le Venezuela au bord du gouffre. Et la révolution bolivarienne avait pu être sauvée de justesse grâce à la mobilisation des masses populaires et au sang-froid de l’État-major dirigé par Maduro – ceux que Libération qualifie de « caciques du pouvoir » tout en soutenant les violents dirigeants de l’extrême droite.

Une investiture dans le calme malgré les menaces

En 2025, l’investiture s’est déroulée dans un climat beaucoup plus serein. La mobilisation des masses à Caracas a fait de cet événement un grand succès politique. Si bien que même les médias mainstream du Venezuela, aux mains des oligarques, ont dû reconnaître à contre-cœur la défaite de la leader réactionnaire Machado et de ses sponsors étasuniens.

Le 7 janvier déjà, quelques jours avant l’investiture, Diosdado Cabello, vice-président du PSUV et ministre de l’Intérieur, avait pris la parole dans une grande assemblée réunissant notamment les collectifs populaires les plus loyaux à la révolution bolivarienne et actifs dans le quartier « 23 de enero » à Caracas ainsi que dans l’État de Miranda[3]. L’occasion de mobiliser ces fers de lance des secteurs les plus politisés au sein des masses populaires pour réagir aux éventuelles « guarimbas ». Les médias occidentaux ont l’habitude de présenter ces mouvements de contestation dressant des barricades comme des protestations démocratiques durement réprimées par la « dictature » vénézuélienne. Ils cachent en vérité le caractère particulièrement violent de ces actions appuyées par la droite pour déstabiliser la société et renverser le gouvernement. On se souvient qu’en 2017, ces émeutiers racistes avaient incendié un jeune noir supposé chaviste.

Donnant écho aux « guarimbas », les médias mainstream vénézuéliens et internationaux ont pris l’habitude de souffler sur les braises pour accuser le gouvernement d’insuffler le chaos. Cette propagande distille ainsi la peur dans les esprits des électeurs de droite au Venezuela, des gens issus de la bourgeoisie et des classes moyennes qui craignent de voir des vandales faire irruption dans leurs demeures. La recette n’est pas nouvelle[4]. La propagande a toujours entretenu des peurs sur base de clichés enfantins : la peur du soulèvement des esclaves, la peur du communisme, la peur des Cubains, la peur de la guérilla…

Ces techniques de manipulation sont ou ont été utilisées dans toute l’Amérique latine par les médias aux mains des oligarques afin de créer les conditions de l’affaiblissement et du renversement de gouvernements populaires : Honduras, Paraguay, Équateur, Pérou, Bolivie, Colombie, Brésil ou encore Argentine. Mais au Venezuela, ces opérations d’intox touchent seulement les segments de la droite bourgeoise. En effet, les masses populaires ont développé une culture politique plus profonde et plus solide que dans les autres pays cités. Ainsi, le discours de Diosdado Cabello aux militants a accordé une place importante au « problème de classes » dans la métropole Caracas : d’un côté, une bourgeoisie qui méprise historiquement le peuple pauvre ; de l’autre, les larges masses issues de la paysannerie et de l’esclavage qui ont dû se battre pour survivre dans une société incapable de partager les richesses nationales.

Le 9 janvier, veille de l’investiture de Nicolas Maduro, de grandes manifestations – ignorées par les médias mainstream – ont rassemblé des milliers de personnes dans les quartiers populaires du district de Caracas. Un cortège est parti de la paroisse civile de Sucre et de son faubourg Petare plus précisément. Des pêcheurs, des agriculteurs, des membres des « Comunas »[5] ou encore des artistes ont battu le pavé et ont traversé le quartier chic de Chacao, sans aucun incident.

Ayant tiré les leçons des tentatives précédentes de coups d’État, d’actions terroristes et même d’assassinats, le gouvernement avait déployé dans la métropole de Caracas un vaste système de sécurité. Et si la présence policière était importante dans les quartiers chics, ce n’était pas pour réprimer, mais pour protéger une manifestation de l’opposition selon le président Maduro. Le cortège a d’ailleurs croisé le chemin de manifestants chavistes, sans qu’il y ait de violences, mais plutôt du dialogue et même des embrassades. Maduro l’a souligné dans son discours de clôture du Congrès antifasciste le 11 janvier : personne ne veut de coup d’État et d’interventions militaires, mais des rencontres et la réconciliation après des années de souffrance et de violence.

Selon nos informations provenant de sources au plus haut niveau, des mercenaires armés ont tout de même traversé la frontière depuis la Colombie entre les 9 et 12 janvier pour commettre des attentats dans l’État de Tachira. L’action rapide des autorités a permis d’avorter cette tentative. On ne déplore pas de morts, comme lors des « guarimbas » précédentes. Mais les terroristes arrêtés ont tout de même été présentés par les médias mainstream comme des « opposants pacifiques victimes de la dictature ».

Maduro veut lancer une grande réforme contre le bureaucratisme

Les menaces ne viennent pas uniquement des mercenaires. Fin connaisseur du pays, un avocat vénézuélien nous confie : « Après l’échec de la tentative de coup d’État de la droite la plus radicale menée par Maria Machado, le pire ennemi est l’inefficacité, le bureaucratisme et la corruption ». Ces fléaux gangrènent l’appareil d’État.

Le président Maduro en est manifestement conscient. Le 8 janvier, il a proposé un large débat à l’Assemblée nationale afin d’engager une réforme constitutionnelle capable de « transformer cet État en un État vraiment démocratique, pour les gens et avec les gens. » Il reconnaît ainsi que le bureaucratisme entrave la vie sociale, le développement d’un État de droit et le fonctionnement d’une véritable démocratie où le pouvoir est exercé par les masses.

Quelques signaux concrets témoignent de l’engagement sincère du président Maduro dans cette lutte capitale pour le renouveau de la révolution bolivarienne. Le mouvement paysan « Union Comunera » va ainsi gérer le ministère des « Comunas » pour faire de cette instance du pouvoir populaire un axe central du nouvel État. Évidemment, il faudra pouvoir obtenir un consensus au sein des classes moyennes et de la bourgeoisie nationale opposée à l’agression impérialiste et à ses opérateurs locaux.

Autre signe d’un engagement renouvelé à gauche : entouré du leader du Mouvement des paysans sans terre du Brésil Joao Stedile, de la présidente du mouvement pour la jeunesse de Russie Laüra Popova, du secrétaire général du Parti communiste d’Afrique du Sud Soli Mapaïla et du chef des relations internationales du Parti communiste de Cuba Emilio Lozada, le président Maduro a lancé un appel pour étudier et commémorer le 80e anniversaire de la « victoire de l’Armée rouge sur les nazis ». Un hommage sera rendu au Maréchal Zhukov qui « prit Berlin et installa le drapeau héroïque de l’Union soviétique ».

Les défis de la scène internationale

Le contexte international présente aussi son lot de défis pour le Venezuela en 2025. Les menaces pèsent toujours sur le pays. Kaja Kallas, commissaire des Affaires étrangères de l’Union européenne, estime ainsi que le président Maduro n’a « aucune légitimité démocratique ». Ce qui n’empêche pas l’UE de reconnaître la nouvelle dictature intégriste de Syrie, le régime non élu de Kiev ou encore les monarchies héréditaires du Golfe.

En Colombie, l’ancien président Alvaro Uribe, connu pour ses liens avec les meurtrières bandes de paramilitaires, a appelé à une « intervention militaire » au Venezuela. L’idée est soutenue par l’oligarchie pro-impérialiste emmenée par Maria Machado. Mais aussi par le gouvernement de Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche. Ferme opposant de la révolution bolivarienne, son nouveau Secrétaire d’État, Marco Rubio, plaide déjà pour l’adoption de nouvelles sanctions afin de bloquer le redressement économique du Venezuela.

Le maintien au pouvoir de laquais de Washington en Équateur, au Pérou, en Argentine, au Guatemala, au Paraguay et au Chili ainsi que l’influence de la droite fasciste de Colombie menacent la construction d’une unité régionale, bouclier essentiel du Venezuela.  Certes, Maduro renouvelle son engagement au sein de l’ALBA, l’alliance de pays progressistes d’Amérique latine et des Caraïbes inaugurée par Hugo Chavez. Mais le bloc est menacé par la crise interne en Bolivie entre l’ancien président Evo Morales et l’actuel président Luis Arce. Si le Mouvement au Socialisme (MAS) fondé par Morales ne se présente pas uni aux prochaines élections présidentielles, ce pays, membre historique de l’ALBA, risque de tomber entre les mains de la droite pro-impérialiste. Dans son discours du 11 janvier, Maduro a appelé pour la première fois à l’unité de la gauche au sein du pays frère de Bolivie.

Le Venezuela doit en outre reprendre le chemin ouvert par Hugo Chavez en janvier 2004 pour ressouder les liens à travers la coopération et l’amitié avec la République coopérative de Guyana. Comme le Venezuela, cette république est née de la lutte des anciens esclaves africains et de la lutte anticoloniale. Résoudre les liens avec la Guyana empêchera le South Command des États-Unis ainsi que la multinationale Exxon Mobil de semer la discorde entre ces deux pays frères.

Après des années de souffrance, de privations[6] et de luttes, le peuple vénézuélien entrevoit une période plus calme, sans tomber dans la naïveté. Les amis des causes justes et du peuple vénézuélien devront malgré tout rester vigilants en 2025 et se tenir prêts à secourir ce pays des Caraïbes en cas de besoin.


Source: Investig’Action


Notes:

[1] Voir notre article d’août dernier « Pourquoi les médias cachent le vrai visage de la leader de la droite vénézuélienne, Maria Machado? »

[2] « Diplomatic List: Volume 202 of Department of State publication: Department and Foreign Service series ». United States Department of State. 1978. p. 69. «Mr. Edmundo GONZALEZ-URRUTIA; Mrs. Gonzalez-Urrutia First Secretary».

[3] Au Venezuela les unités territoriales que composent le pays s’appellent « États ».

[4] C’est au lointain 1963 qu’un spécialiste vénézuélien a analysé l’effet de la médiatique de style US dans la construction d’une mentalité néocoloniale pro US et consumériste du peuple vénézuélien. Antonio Pasquali, Comunicación y cultura de masas, Caracas.

[5] Pour Chavez les « Comunas » « seront les cellules géo-humaines du territoire organisé par les communautés, le noyau spatial de base et indivisible de l’Etat socialiste ».

[6] Selon l’économiste de la droite José Guerra le Venezuela cumule entre 2013 et 2024 une inflation de 6.191,561%, chiffre que montre la souffrance quotidienne qu’ont du affronter les masses populaires vénézuéliennes.

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