(AFP)

Le « plan Rwanda » du Royaume-Uni est un affront aux droits de l’Homme

Genève - L'insistance du gouvernement britannique à faire avancer son « plan Rwanda » pour l'expulsion des demandeurs d'asile est une mesure régressive qui sape des décennies de progrès en matière de protection des réfugiés.

La légalité et la moralité de ce plan sont sérieusement défectueuses et représentent une attaque contre le fondement même du droit international. L’Observatoire Euro-Med Monitor des droits de l’Homme demande instamment au Royaume-Uni de respecter ses obligations au titre de la Convention de 1951 sur les réfugiés, de respecter la dignité et les droits inhérents des demandeurs d’asile et de s’abstenir de pénaliser les individus en fonction de la manière dont ils sont entrés sur le territoire.

Le gouvernement britannique a annoncé un protocole d’accord en avril 2022 avec le gouvernement du Rwanda, intitulé Partenariat pour la migration et le développement économique. Ce protocole a ensuite été transformé en traité officiel, rebaptisé Partenariat pour l’asile entre le Royaume-Uni et le Rwanda, et signé par le ministre britannique de l’Intérieur et le ministre rwandais des Affaires étrangères en décembre 2023.

Le projet de loi prévoit que les demandeurs d’asile qui ont effectué des « voyages non autorisés » (sans visa ou autre autorisation) vers le Royaume-Uni seront envoyés dans le pays d’Afrique centrale-orientale, où leurs demandes d’asile seront entendues et examinées. Dans le cadre de cet arrangement, il incomberait au système d’asile rwandais de déterminer si ces personnes ont besoin d’une protection internationale.

Le projet de loi a reçu le feu vert en décembre 2022 lorsque le tribunal britannique a statué en faveur de la politique rwandaise, la jugeant conforme aux exigences juridiques internationales et nationales, à condition qu’un examen approprié de la situation de chaque demandeur d’asile soit effectué avant tout renvoi.

Les requérants ont toutefois fait appel de cette décision, qui a été annulée par la Cour d’appel.

La Cour a estimé que cette politique était illégale, le Rwanda n’étant pas un pays sûr, il existait un risque réel que les demandeurs d’asile qui y étaient transférés soient soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, en violation flagrante de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette fois, les autorités ont fait appel devant la dernière instance du Royaume-Uni, la Cour suprême, qui a rendu son jugement à l’unanimité le 15 novembre 2023. La Cour suprême a confirmé les conclusions de la Cour d’appel selon lesquelles le plan était illégal et le Rwanda n’était pas un pays sûr en tant que destination pour les demandeurs d’asile, bloquant ainsi l’envoi de tout demandeur d’asile dans ce pays.

Le projet de loi Royaume-Uni-Rwanda a suscité des débats publics, non seulement sur sa moralité, mais aussi sur sa légalité. En juin 2022, le premier vol britannique prévu pour transporter des demandeurs d’asile au Rwanda a été interrompu par des injonctions de dernière minute de la Cour européenne des droits de l’homme, car les migrants à bord seraient « confrontés à un risque réel de dommages irréversibles ».

Pourtant, la légalité du plan d’expulsion semble toujours faire l’objet d’un débat, car le jour même du jugement de juin 2022, le Premier ministre a annoncé qu’il conclurait immédiatement un accord juridiquement contraignant avec le Rwanda et introduirait une nouvelle législation d’urgence confirmant que le Rwanda est un pays sûr vers lequel envoyer les demandeurs d’asile.

En décembre 2023, le Premier ministre a conclu un nouveau traité avec le Rwanda et a présenté une nouvelle législation pour combler les lacunes en matière de protection identifiées par la Cour suprême. La loi sur la sécurité du Rwanda (asile et immigration) a été présentée au Parlement en même temps que le traité de partenariat en matière d’asile entre le Royaume-Uni et le Rwanda, déclarant le Rwanda comme un pays sûr.

Le nouvel accord interdit expressément que les demandeurs d’asile qui ont déjà été transférés au Rwanda soient ensuite retransférés ailleurs qu’au Royaume-Uni. Cette disposition ainsi que la forme améliorée d’un traité juridiquement contraignant visent à convaincre les tribunaux britanniques du bien-fondé du plan, mais cela semble loin d’être suffisant.

Par exemple, le projet de loi ne peut empêcher une personne menacée d’être renvoyée au Rwanda de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, qui, elle, a le pouvoir de prendre des mesures provisoires contraignantes pour le Royaume-Uni.

Des inquiétudes ont également été exprimées quant à l’impact du projet de loi sur l’Irlande du Nord et l’Irlande en général, étant donné qu’un nombre croissant de migrants traversent la frontière dans l’espoir d’éviter d’être expulsés vers le Rwanda.

« Le traité de partenariat entre le Royaume-Uni et le Rwanda propose un modèle d’asile qui sape le système international de protection des réfugiés établi après la Seconde Guerre mondiale », explique Michela Pugliese, chercheuse sur les migrations et l’asile à l’Observatoire Euro-Med des droits de l’homme. « Il n’est pas compatible avec le droit international des réfugiés ; au contraire, il est conforme aux politiques d’externalisation croissantes et défaillantes qui dominent, à la fois désespérément et avec enthousiasme, le cadre de l’UE en matière de migration et d’asile.

L’externalisation des frontières et des obligations en matière d’asile présente de graves risques pour la sécurité des demandeurs d’asile et des réfugiés et ne permet pas de mettre de l’ordre dans les flux migratoires ni de réduire le nombre d’arrivées, a conclu M. Pugliese. Le problème, c’est qu’ils sont forcés d’arriver, et la réponse n’est pas de les renvoyer ».

Euro-Med Monitor appelle le Royaume-Uni à respecter les garanties auxquelles les demandeurs d’asile ont droit, en particulier le droit de demander et de bénéficier de l’asile et le principe de non-refoulement, y compris le non-rejet à la frontière et l’admission des demandeurs d’asile dans les États. Euro-Med Monitor rappelle que la Convention de 1951 sur les réfugiés, dont le Royaume-Uni est signataire, interdit toute pénalisation pour entrée irrégulière dans un pays, ce qui signifie que la façon dont une personne se rend au Royaume-Uni ne devrait pas avoir d’incidence sur sa demande d’asile ou sur la procédure d’asile.


Source : Euro-Med Monitor

Traduis de l’anglais par Falasteen pour Investig’Action

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