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Les sit-in des étudiants pour la Palestine renouent avec une tradition européenne radicale et efficace

Les sit-in des étudiants pour la Palestine ne sont pas des importations américaines naïves, ils font partie d’une tradition européenne radicale qui donne des résultats, écrit Nabila Ramdani.

Les apologistes de l’armée israélienne utilisent de nombreux artifices pour diaboliser ceux qui s’opposent au massacre du peuple palestinien. Ils tentent de faire croire que ceux qui accusent une force largement financée par l’Occident de perpétrer un génocide sont en quelque sorte stupides, malhonnêtes et même pro-terroristes.

La plupart des attaques les plus absurdes sont actuellement dirigées contre les jeunes, avec dans le viseur les étudiants qui organisent des blocus très médiatisés et d’autres manifestations au sein des universités.

Alors que leurs homologues de Gaza sont massacrés et que les universités sont réduites en ruines, ils sont continuellement agressés – physiquement par les forces de l’ordre et verbalement par les médias – parce qu’ils tentent de réagir et de mobiliser.

L’une des accusations les plus courantes portées par les impudents réactionnaires des pays européens est que les jeunes importent des tactiques associées à une culture de division venue des États-Unis. Les valeurs traditionnelles seraient particulièrement menacées par l’occupation des établissements d’enseignement, affirme-t-on, comme si cette pratique était intrinsèquement américaine.

Comme l’a déclaré Gillian Keegan, ministre britannique de l’éducation : « Nous ne voulons pas que nos universités et nos campus ressemblent à ceux que nous voyons sur nos écrans de télévision dans d’autres parties du monde, comme les États-Unis ».

Le problème, c’est le wokisme, a suggéré le Premier ministre français G. Attal, qui a affirmé que ces blocages représentaient « une idéologie d’outre-Atlantique ». Il a également cloué au pilori une « minorité dangereuse », tout en omettant de mentionner qu’il aurait lui-même participé à des blocages lorsqu’il était étudiant.

Attal n’a que 35 ans, mais son hypocrisie sans limite met en lumière une longue histoire de protestation étudiante européenne qui dément l’invention de « l’importation d’Amérique ».

Le soulèvement étudiant de 1968 à Paris – l’un des plus célèbres dans notre mémoire – a commencé dans la banlieue de Nanterre le 22 mars de cette année-là. Environ 150 hommes et femmes ont occupé un bâtiment administratif dans l’annexe de la Sorbonne avant d’être encerclés par la police.

Des millions de personnes se sont ensuite rassemblées dans toute la France au cours d’une période de troubles civils qui a duré près de deux mois. On craignait une véritable révolution, les revendications portant notamment sur la fin de la guerre du Viêt Nam.

Le président Charles de Gaulle a secrètement fui la France pour l’Allemagne de l’Ouest pendant une brève période, probablement parce qu’il s’attendait au pire.

Le « Mouvement du 22 mars » français s’était déjà constitué avant une occupation similaire du Hamilton Hall de l’université Columbia à New York. Les étudiants y avaient découvert des liens institutionnels entre leur lieu d’études et la poursuite de la guerre au Viêt Nam par les États-Unis.

D’autres questions clés ont été soulevées et ont été engagées avec succès par les jeunes tout au long de l’année 1968 et au-delà, notamment les droits civiques et le féminisme.

De nombreuses occupations ont eu lieu en Grande-Bretagne, de la London School of Economics au Hornsey College of Art dans le nord de Londres.

Des universités, comme celle d’Essex, accueillent les visites d’hommes politiques d’extrême droite, comme Enoch Powell, par des sit-in. Une marche initialement pacifique contre la guerre du Viêt Nam a donné lieu à des émeutes généralisées autour de l’ambassade des États-Unis à Grosvenor Square.

Le fait que l’on parle encore de ces événements aujourd’hui est une preuve suffisante de leur impact international. L’idéalisme et l’énergie se manifestent aujourd’hui dans toutes les manifestations pro-palestiniennes dont j’ai été témoin dans des villes comme Londres et Paris.

J’ai parlé à des étudiants vêtus de keffiehs et de kippas, qui ont tous demandé un cessez-le-feu immédiat à Gaza et un désinvestissement de leurs universités vis-à-vis d’Israël.

Les objectifs sont clairs et tout à fait réalisables : l’université de Leeds est invitée à rompre ses liens avec l’entreprise aérospatiale BAE Systems, le fabricant d’armes britannique qui fournit Israël. Une organisation appelée Cambridge Jews for Justice in Palestine (Juifs de Cambridge pour la justice en Palestine) a installé des tentes sur la pelouse du King’s College, l’une des universités les plus prestigieuses de la ville, établissant ainsi une « zone libérée ».

Un membre du groupe m’a dit : « Nous voulons que les universités britanniques cessent d’apporter un soutien financier et moral à Israël. Nous sommes engagés en faveur de la paix et de la justice, et pourtant nos adversaires nous menacent et tentent même de faire croire que nous ne savons pas de quoi nous parlons ».

Ces manifestants très éloquents et bien informés rejettent avec véhémence les accusations selon lesquelles ils seraient coupables d’antisémitisme ou rendraient la vie difficile à d’autres étudiants juifs.

« La tactique consiste à créer une crise autour de nos manifestations », a déclaré un autre manifestant à Cambridge, qui a demandé à être appelé « Jo ». « Il s’agit de détourner l’attention des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme associés au génocide de Gaza. »

Hilary Clinton est typique des vieux bellicistes qui tentent désespérément de salir les jeunes en prétendant qu’ils « ne savent pas grand-chose de l’histoire du Moyen-Orient ou, franchement, de l’histoire de nombreuses régions du monde ».

En réalité, de nombreux étudiants originaires du Moyen-Orient participent aux manifestations, notamment des membres de la diaspora mondiale des réfugiés palestiniens – une diaspora créée par des décennies d’expulsions forcées et d’autres formes de violence de la part des Israéliens, y compris l’épuration ethnique.

Si Mme Clinton veut savoir ce qu’est l’ignorance, elle devrait s’adresser à David Lammy, secrétaire d’État britannique aux affaires étrangères. Celui-ci a même prétendu que feu le président sud-africain Nelson Mandela se serait opposé aux manifestations universitaires, déclarant de manière trompeuse : « Il y a une différence entre une protestation pacifique telle que Mandela l’aurait préconisée et la violence et l’émeute ».

Lammy ne sait peut-être pas que Mandela a passé 27 ans en prison après avoir initialement prôné la résistance armée contre les suprémacistes blancs. Mandela a également déclaré un jour : « Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ».

Si Lammy avait passé un peu de temps avec les manifestants d’aujourd’hui, il aurait rapidement découvert que la plupart d’entre eux sont de toute façon tout à fait pacifiques, à moins d’être attaqués par la police ou par des manifestants rivaux.

Le concept même d’éducation libérale devrait, en fait, impliquer la dissidence – c’est une période de la vie où le militantisme devrait être aussi important que l’échange d’idées. La liberté d’expression devrait certainement être une priorité, surtout à l’ère des médias sociaux, où le moindre acte de défiance peut être diffusé instantanément dans le monde entier.

Cela n’a pas empêché la police d’intervenir et de renforcer le sentiment d’indignation à l’échelle mondiale.

Les tactiques répressives rendent sans aucun doute une cause plus populaire auprès de nombreux téléspectateurs. L’intervention policière musclée est perçue comme une violation de la justice et, comme dans les générations précédentes, elle suscite la colère et la mobilisation de ceux qui, autrement, seraient restés indifférents.

Malgré les milliers d’arrestations, certains responsables d’établissements se sont montrés beaucoup plus éclairés. « La cause des manifestants est importante : attirer l’attention sur le meurtre d’innocents », a déclaré Michael Roth, président de l’université Wesleyan, dans le Connecticut.

Jusqu’à présent, les manifestations d’étudiants pro-palestiniens en France se sont déroulées en dents de scie. Les blocages d’universités parisiennes telles que la Sorbonne et Sciences Po – alma mater du président Emmanuel Macron et de son premier ministre, M. Attal – sont accueillis par une répression policière quasi immédiate.

Cela cadre avec l’establishment français, qui condamne les manifestations comme étant aussi clivantes que les mouvements #MeToo et Black Lives Matter.

Le président américain Joe Biden, qui a montré peu de remords pour avoir soutenu et permis le meurtre de dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à Gaza, a exprimé un point de vue similaire. Il a fait des déclarations totalement fausses sur les manifestants : « Menacer les gens, les intimider, leur inspirer de la peur, ce n’est pas une manifestation pacifique ».

Le massacre d’innocents ne l’est pas non plus, M. Biden, et c’est la raison pour laquelle les manifestations se poursuivront. Elles s’inscrivent dans une longue et fière tradition européenne et ont manifestement leur utilité parce que des acteurs du pouvoir comme vous y prêtent attention.


Source : Middle East Monitor

Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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