Les intempéries dramatiques qui ont touché le sud-est de l’Espagne le 31 octobre ont provoqué plus de 200 morts. Et le bilan est encore amené à s’alourdir. La région de Valence a été confrontée à un phénomène météorologique d’une rare violence. Les solidaires se mobilisent pour venir en aide aux victimes. Mais les autorités sont aussi pointées du doigt… (I’A)
Le mardi 29 octobre à partir de 16h30 environ, des pluies d’une rare intensité se sont abattues sur les collines proches de la zone métropolitaine de troisième ville en importance d’Espagne, Valence. Vieille ville romaine, splendide capitale de l’Andalousie médiévale et capitale de la République espagnole en guerre (1938-1939), Valence compte en aujourd’hui plus de 807.000 habitants.
L’agence météorologique espagnole (AEMET) avait annoncé l’arrivée d’une forte DANA, acronyme technique espagnol pour désigner une « Depresion aislada en niveles altos » [Dépression isolée à des niveaux élevés]. Ce phénomène, également appelé “goutte froide”, se produit lorsqu’une poche d’air froid en haute altitude rencontre de l’air chaud et humide venant de Méditerranée. En Espagne, le phénomène est fréquent en automne. Mais dans ce cas-ci, il a été particulièrement extrême: il est tombé en quelques heures l’équivalent d’une année de précipitations.
En 1957 une goutte froide avait déjà ravagé Valence. Le fleuve Turia avait débordé de son lit en plein centre-ville. Le drame avait entraîné la mort de dizaines de personnes.
En réponse aux dangers de ces graves inondations récurrentes, la dictature de Franco détourna le lit du fleuve pour épargner le centre-ville. Mais près de 70 ans plus tard, les communes ouvrières du sud de Valence ne sont pas protégées du débordement du Turia et ont subi de plein fouet l’arrivée d’un déferlement d’eaux provenant des montagnes avoisinantes. Eaux d’une violence et d’une quantité sans précédent, remplies de boue et d’objets ramassés sur leur passage depuis les montagnes, coulant à grande vitesse pour se déverser dans la mer Méditerranée.
AEMET avait alerté huit jours plus tôt sur l’arrivée de cette violente intempérie. Mais il revenait à la droite, au pouvoir dans la région de Valence et dirigée par le président régional Mazon (Partido Popular – PP) de prévenir la population pour qu’elle se protège et de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’interdiction de toute activité sociale, pour protéger l’intégrité des personnes.
Ces autorités ont transmis l’alerte aux téléphones des citoyens sur les coups de 20h12 le 29 octobre. Le plus fort des intempéries avait commencé aux alentours de 16h30. Le trafic était dense sur les routes et autoroutes. Les véhicules ont été pris par surprise par un déversement inimaginable d’eaux boueuses.
Les scènes tragiques se sont multipliées dans une zone métropolitaine hautement peuplée (1.609.856 habitants de l’ensemble de l’aire métropolitaine formée par 44 communes, dont seulement 13 ont été touchés de plein fouet par les inondations).
Parmi les victimes décédées, une bonne partie s’est trouvée noyée à l’intérieur de leur véhicule. D’autres essayaient de se protéger au rez-de-chaussée des maisons et n’ont pas eu le temps de s’échapper avant l’arrivée de la masse d’eau. Des seniors sont décédés dans la maison de retraite où ils vivaient à la suite de l’inondation du rez-de-chaussée de l’immeuble. Deux gardes civiles ont été noyés dans leur caserne. Des travailleurs n’ont pas pu quitter leur entreprise, le patronat n’ayant autorisé la suspension des activités en raison de la catastrophe environnementale.
Des pompiers, des policiers et des militaires ont réussi à sauver des personnes isolées chez elles tandis que l’eau montait dangereusement autour de maisons. Si les réseaux sociaux grouillent de témoignages, on est encore loin de connaitre les milliers d’histoires de solidarité, de panique et de tragédie qui ont suivi pendant des heures le déferlement de cette terrible goutte froide.
Samedi, le bilan dans le sud-est de l’Espagne était de 210 morts. Mais nos sources chez les sapeurs-pompiers de la région signalent qu’après le déblaiement des décombres et des véhicules, le nombre de morts pourrait certainement s’accroître. Selon le ministre de politique territoriale, Angel Victor Torres, des dizaines et des dizaines de personnes sont portées disparues : « Il est clair que plus les jours passent, moins il y a d’espoir de les retrouver vivants ».
Les autorités du PP qui gouvernent l’autonomie de Valence avaient délaissé les services d’urgence. Elles avaient dissous une unité spéciale pour faire face aux catastrophes, créée par le gouvernement précédent du parti PSOE. Un docteur, responsable d’un centre d’accueil pour réfugiés, a été surpris par le manque de moyens dont disposait l’administration pour venir en aide aux personnes qui avaient dû quitter en urgence leur maison ou leur véhicule : « Le PP a démantelé un groupe d’urgence important. Il n’y avait pas de couvertures pour les personnes qui arrivaient complètement trempées, seulement 10 matelas. C’est nous, les médecins qui avons dû demander à un autre hôpital des vêtements pour que les personnes complètement trempées puissent se changer ».
Les forces populaires n’ont pas tardé à réagir à cette crise. Le Parti Communiste d’Espagne (PCE) sous l’initiative de son leader régional Javier Parra a créé une brigade de volontaires pour nettoyer les zones les plus ensevelies par la boue sèche et soutenir la population en détresse[1]. En employant les réseaux sociaux, les habitants ont créé des groupements d’entraide comme « Support Mutu DANA Valencia »[2]. Une vingtaine d’organisations sociales, civiles ou syndicales de la communauté autonome de Valence dénoncent que « le gouvernement valencien, avec le président Mazon en première ligne et comme principal responsable, a fait preuve d’un grave manque de capacité et d’efficacité pour gérer la crise ». Face à l’incompétence des autorités, il y a la colère. Et un slogan devenu populaire : « Seul le peuple aide le peuple ».
Source: Investig’Action
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