Jean -Claude Lefort demande d’agir dans les meilleurs délais pour obtenir auprès des autorités israéliennes, qui foulent aux pieds avec arrogance et en toute impunité les droit de l’Homme, la libération de Salah Hamouri.
Ivry, le 6 mars 2008
Madame Rama Yade Secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des droits de l’Homme 37, Quai d’Orsay 75007 Paris
Madame la Ministre,
Je m’adresse à vous au sujet du jeune franco-palestinien emprisonné sans raison depuis trois ans par Israël, le jeune Salah Hamouri que j’ai tenu à rencontrer en sa prison le 18 février dernier.
Répondant le 25 février à une lettre de Joseph Convert, Président de l’AFPS de l’Ain qui vous a été adressée le 10 janvier – soit près de deux mois après, ce qui est incroyable s’agissant d’une situation aussi dramatique – votre Chef de cabinet écrit en votre nom deux « énormités » qui aboutissent à rendre bien peu crédibles et sérieuses vos actions en faveur des droits de l’Homme.
Il écrit que Salah Hamouri emprisonné « bénéficie » – c’est le mot choisi – d’une « permanence médicale hebdomadaire ». Je ne sais d’où votre Chef de cabinet tient cette « information », en tout cas elle est strictement fausse. On ne peut pas dire ou écrire n’importe quoi, Madame la Ministre, s’agissant tout spécialement d’un cas si douloureux que je suis avec la plus grande attention.
Il écrit également que l’avocate du jeune Salah, Maître Léa Tsemel, peut « introduire une demande de mise en liberté provisoire ». Mais c’est tout simplement impossible et témoigne d’une légèreté invraisemblable de vos services : Salah Hamouri est jugé par un Tribunal militaire et il devrait être connu, à tout le moins, que ce genre de démarche est dès lors strictement impossible. Strictement. Pourquoi et comment votre cabinet peut-il écrire pareilles « âneries » qui marquent une désinvolture insupportable vis-à-vis d’un cas de mise en cause patent et notoire des droits de l’Homme qui touche violemment un jeune citoyen français ? Comment est-ce possible ? Sous la dictée de qui cette lettre qui vous engage personnellement a-t-elle été rédigée ?
Et comme si tout cela ne suffisait pas, la lettre de votre Chef de cabinet n’évoque à aucun moment la seule action attendue et légitime de la France dans ce dossier, à savoir la demande de libération immédiate de Salah Hamouri auprès des autorités israéliennes ?
Puisque ni vous ni vos services ne semblent sérieusement au fait de cette affaire très grave de mise en cause patente des droits de l’Homme par Israël, je me dois de rappeler deux choses auprès de vous.
La première, c’est que Salah Hamouri est un jeune franco-palestinien. Comme tout le peuple palestinien il est l’objet d’une occupation étrangère. C’est un civil qui a été arrêté sur sa terre occupée et colonisée et il a été transféré en territoire israélien, en violation des Conventions de Genève. Il ne peut être accepté par principe que la France reconnaisse à un pays occupant le droit de « juger » un membre d’un peuple occupé.
La seconde, même en entrant dans le processus judiciaire, c’est que depuis trois ans il est en prison et toujours pas « jugé » par le Tribunal militaire car il n’y a aucun élément justifiant cette arrestation et cet emprisonnement. Salah a été arrêté trois mois après être passé en voiture devant le domicile d’un rabbin extrémiste notoire : le rabbin Yossef Ovadia qui dirige le parti Shass soutenant le gouvernement Olmert.
Le tribunal militaire – encore une fois – cherche à démontrer que l’appartenance de Salah Hamouri au FPLP est la preuve qu’il avait l’intention d’agir contre ce rabbin qui coule des jours paisibles et n’a été l’objet d’aucune attaque d’aucune sorte, à fortiori de la part de Salah. Depuis trois ans le tribunal essaie d’établir ce délit d’intention à partir de cette appartenance politique supposée de Salah qui n’existe tout simplement pas. De sorte que plus de 20 audiences ont été annulées faute de témoins pouvant accréditer cette thèse. Les témoins annoncés étant des prisonniers il est pourtant facile de les « trouver » mais aucun ne s’est présenté à la barre ! Qu’importe, Salah n’est toujours pas jugé, et s’il devait l’être il risque une peine de 7 ans de prison pour « délit d’intention » !
Et vous avez déclaré, Madame la Ministre, dans un débat au Sénat que « Israël est un Etat de droit » ! Et vous êtes en charge des droits de l’Homme dans le monde. Et vous avez affaire ici à un citoyen français victime d’un arbitraire absolu. Et votre Chef de cabinet raconte des contrevérités. Et vous n’agissez pas pour la libération de Salah Hamouri. Trop c’est trop, Madame !
Je vous demande donc non seulement de demander à vos services sérieux et esprit de responsabilité mais aussi et surtout , je vous demande instamment, pour les raisons indiquées ci-dessus, d’agir dans les meilleurs délais pour obtenir en l’exigeant auprès des autorités israéliennes, qui foulent aux pieds avec arrogance et en toute impunité les droit de l’Homme, la libération de Salah Hamouri.
J’attends que vous me répondiez personnellement à cette lettre et ceci non pas dans un délai de deux mois. Il y a un jeune français de 22 ans injustement emprisonné en Israël qu’il vous revient de sortir de là. Vous ne pouvez pas, sous peine de pratiquer vous aussi un insupportable « deux poids, deux mesures », demander d’un côté la libération du caporal Shalit et de l’autre demander un « procès rapide » pour Salah Hamouri. C’est la libération des deux qu’il convient d’exiger. Ou alors quoi ?
Il ne sert à rien de faire lire la lettre du jeune Guy Môquet dans les écoles françaises si la France adopte aujourd’hui une attitude complice avec une force occupante. Que celle-ci soit israélienne ou autre, il est un principe absolu : les droits de l’Homme ne se découpent pas. Ils sont ou ne sont pas. En l’occurrence ils ne sont pas.
Dans l’attente de votre réponse rapide,
Je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’assurance manifeste de ma plus grande vigilance démocratique.
Jean-Claude Lefort
Député honoraire