À l’occasion du prochain sommet sur le climat, l’activiste climatique la plus connue formule dans son style habituel un réquisitoire cinglant contre les chefs de gouvernement. Il est encore possible de renverser la vapeur, mais cela, dit-elle, nécessite un changement rapide et radical.
Code rouge
En août, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a qualifié le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de « code rouge pour l’humanité ». Selon Greta Thunberg, cela aurait dû déclencher l’alarme, mais cela n’a malheureusement pas été le cas.
« Le déni de la crise climatique et écologique est tellement ancré que quasiment personne n’y prête encore vraiment attention. Comme personne ne traite la crise comme une crise, les avertissements existentiels continuent de se noyer dans un flot continu de greenwashing et dans le flux d’informations quotidien des médias. »
Selon Greta, nous voulons sauver la planète, mais nous voulons en même temps préserver notre mode de vie non durable. Toutefois, il est désormais trop tard pour cela. « Aussi inconfortable que cette réalité puisse paraître, c’est exactement le choix que nos dirigeants ont fait pour nous par leurs décennies d’inaction. Leurs décennies de bla bla bla. »
Les émissions de CO2 doivent être réduites immédiatement et de manière drastique, à un niveau sans précédent dans le monde. Comme nous ne disposons pas de solutions technologiques capables de le faire pour nous à court terme, nous devrons changer fondamentalement nos sociétés.
La mauvaise direction
La situation va totalement dans la mauvaise direction. Selon les prévisions actuelles, l’année 2021 verra la deuxième plus forte augmentation des émissions et d’ici 2030, on s’attend même à une augmentation de 16 % des émissions par rapport à 2010.
Les faits sont impitoyables. D’ici la fin du siècle, nous nous dirigeons vers un réchauffement de 2,7°C, et cela uniquement si tous les pays tiennent leurs promesses. Mais même cela est loin d’être le cas, souligne Greta.
La production de combustibles fossiles prévue d’ici à 2030 s’élève au double de ce qui serait nécessaire pour rester en dessous d’un réchauffement de 1,5°C. « C’est ainsi que la science nous montre que nous ne pourrons plus atteindre nos objectifs sans un changement systémique. »
Son verdict est sévère : « Nous ne parvenons même pas à atteindre des objectifs qui sont totalement insuffisants ».
Pas de leaders climatiques
Mais il y a pire. En effet, les autorités trafiquent aussi les chiffres. Elles utilisent une comptabilité astucieuse, des failles et des statistiques incomplètes. Greta donne des exemples concrets de son pays d’origine, la Suède, et de son pays d’accueil, la Grande-Bretagne. Mais les deux plus grands émetteurs, la Chine et les États-Unis, en prennent aussi pour leur grade.
Selon Greta, il n’y a à l’heure actuelle pas de véritables leaders climatiques, du moins pas dans les pays à hauts revenus. Selon elle, « le niveau de sensibilisation du public et la pression médiatique sans précédent qui seraient nécessaires pour faire preuve d’un véritable leadership sont encore pratiquement inexistants ».
Pour éviter une crise climatique, des interventions sans précédent seront nécessaires. « Pour que la Cop26 à Glasgow soit un succès, il faut beaucoup de choses. Or ce dont nous avons besoin avant tout, c’est d’honnêteté, de solidarité et de courage. »
Change the system, yes we can !
Pour Greta, la crise climatique actuelle n’est que le symptôme d’une crise de durabilité bien plus vaste. C’est une crise sociale. Une crise d’inégalité qui remonte à la colonisation et même au-delà. Une crise où certaines personnes se sentent supérieures à d’autres et pensent pouvoir exploiter les autres ou voler les richesses de leur pays.
Tout est lié. « Il est naïf de penser que nous pourrons résoudre cette crise sans nous attaquer à ses racines. »
La situation est très grave, mais pas désespérée. « Il faut nous rappeler à nous-mêmes que nous pouvons encore renverser la situation. C’est tout à fait possible, si nous sommes prêts à changer. »
Greta est à la recherche d’un leader mondial, d’un pays à haut revenu, d’une grande chaîne de télévision ou d’un grand journal « qui décide d’être honnête, de traiter la crise climatique comme la crise qu’elle est ». Pour elle, ce serait une percée qui pourrait tout mettre en mouvement.
« Le temps presse. Des conférences de haut niveau continuent d’avoir lieu. Les émissions ne cessent d’augmenter. Qui sera ce leader ? », interroge-t-elle en conclusion de sa lettre.
Source originale: De Wereld Morgen
Traduit du néerlandais par Marc Vandepitte pour Investig’Action