En finir avec les mensonges du « 7 octobre »

Le 15 avril à Bruxelles, le Mouvement du 30 mars et Viva Palestina organisaient une projection-débat autour du film « October 7 », en présence du réalisateur James Kleinfeld. Produite par Al Jazeera et visible sur Youtube, cette enquête repose sur l'analyse déontologique de 7 heures d'images des caméras des assaillants du Hamas, tués par l'armée israélienne le 7 octobre 2023, et sur des centaines de témoignages de survivants, israéliens et palestiniens. Autrement dit : un niveau d'excellence journalistique jamais atteint, depuis six mois, par les médias « israélo-embarqués »... Cinq questions à l'un des organisateurs de  la  soirée, l'activiste et candidat Viva Palestina : Dyab Abou Jajah. 


Investig’Action : Comment analysez-vous les réactions du public bruxellois après la projection du film documentaire « October 7 » réalisé par James Kleinfeld ?

Dyab Abou Jajah : le film a suscité beaucoup d’intérêt et de questions dans le public parce qu’il constitue une réponse journalistique à la justification absolue du génocide qu’Israël est en train de commettre. Ce soir-là, nous avons assisté à une véritable démystification, équilibrée et argumentée, du récit propagandiste autour du 7 octobre. Un récit dont – aujourd’hui encore – les plus effroyables fake news (comme celle des « 40 bébés tués par le Hamas ») ne sont toujours pas dénoncées comme telles par la plupart des médias occidentaux. Ceux-ci se contentent de ne plus les relayer mais refusent de revenir sur ces mensonges et manipulations alors qu’ils n’ont cessé d’en parler matin, midi et soir, durant des mois, après le 7 octobre… En conservant et en respectant les repères déontologiques du journalisme, ce documentaire d’Al-Jazeera révèle et détruit totalement la propagande « justifiant » le génocide. Israël a un sérieux problème avec ça…


I’A : Quel angle neuf apporte ce doc dont le sujet « disruptif » a déjà été traité, de façon journalistique et critique, par plusieurs médias indépendants dont Investig’Action ?


D.A.J : Je pense que cela reste utile et important de montrer ce film à un public le plus large possible ; en conférences, en ciné-clubs ou ailleurs. Au départ, lorsqu’on ma proposé une soirée-débat autour de ce « 7 octobre », j’étais fort réticent. Pourquoi ? Je milite pour la Palestine, les Palestiniens et leur libération depuis des années et – depuis bientôt 7 mois – je suis, chaque jour, horrifié par le nombre de civils palestiniens tués à Gaza, en Cisjordanie, les blessés, les amputations, les ravages des destructions, la famine… Donc moi, je veux qu’on parle du génocide et pas du 7 octobre ! Puis, avec mes réticences, j’ai visionné le film. Et là, j’ai compris deux choses.

D’une part, à quel point, nous, les militants et activistes, pris dans les mille et une choses à faire, prenons pour « évident » ou « connu » ce qui ne l’est pas toujours par une grande partie de la population. D’autre part, le contenu, équilibré et journalistique, de ce documentaire m’a mieux fait mesurer le rôle néfaste des médias mainstream européens. Ce n’est pas à vous que je dois le rappeler mais la majorité de ces médias ont menti, mentent encore ou refusent de reconnaître qu’ils ont diffusé des mensonges et manipulations de la propagande israélienne, par pure partialité, et hors de toute déontologie.

Ce constat, de plus en plus implacable, a conduit, le soir de notre projection, plusieurs personnes à questionner le réalisateur sur cette faillite des médias occidentaux, en termes de crédibilité. Autrement dit : comment se fait-il, qu’en six mois, les médias européens soient incapables de produire un travail journalistique équilibré, tel que cette enquête d’Al Jazeera, dans laquelle tous les acteurs (palestiniens, israéliens, Hamas) sont interrogés avec le même degré d’esprit critique ? Certains ont aussi estimé que cette faillite totale des grands médias européens dans leur couverture du génocide participait de ce « déclin de l’Occident », dont la recrudescence du racisme et l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite ne sont que les facteurs les plus visibles…

I’A : En matière de lutte contre la désinformation, quels sont, selon vous, les extraits les plus révélateurs de « October 7 » ?

D.A.J : Il y en a plusieurs mais je vais vous en citer trois, revenus souvent dans notre débat et dans d’autres discussions. D’abord, le degré inouï d’abus des récits mensongers de l’ONG israélienne Zaka sur le 7 octobre, avec, notamment, les images de Benjamin Netanyahou au téléphone, en train de répéter, un par un, les mensonges de cette ONG. En tant que Premier ministre d’Israël, on peut imaginer que ce type sait bien mieux que d’autres ce qui relève du vrai et du faux concernant le 7 octobre… Eh bien non : il débite tranquillement les mensonges de Zaka à son interlocuteur, sachant pertinemment qu’il s’agit de fake news et qu’il est filmé !

Ensuite, ce moment où la mythomanie d’un des membres de Zaka est démasquée, en direct, par le journaliste d’Al Jazeera. Ces images sont dévastatrices. Le propagandiste de l’ONG l’invite à regarder sur son téléphone la photo d’un enfant israélien prétendument « assassiné par le Hamas » le 7 octobre. Après avoir regardé, le journaliste déclare : « Je ne vois pas d’enfant sur cette image »…

Enfin, ce qui est factuellement bien montré dans le film, c’est que les kibboutz, attaqués par les combattants du Hamas et d’autres factions de résistance, sont des ex-territoires palestiniens. Il ne s’agit donc pas de villages pacifiques, composés d’habitants innocents, injustement attaqués par le Hamas, tels que s’évertuent à le présenter la plupart des médias mainstream occidentaux. Comme le montre et le contextualise l’enquête de James Kleinfeld, il s’agit surtout d’une histoire coloniale dans laquelle le « 7 octobre » est une conséquence logique de cette longue et meurtrière oppression coloniale israélienne. Idem pour la manière dont la bande de Gaza a été créée et surpeuplée. C’est un fait colonial israélien qui depuis, six mois, s’est accéléré en un génocide, totalement inacceptable pour tout défenseur des droits humains.



I’A : Vous êtes co-listier de Viva Palestina. Une liste qui figurera aux élections régionales du 9 juin prochain. Quels sont vos objectifs et pourquoi l’électeur bruxellois devrait-il voter pour vous ?

D.A.J : Il y a plusieurs partis politiques belges qui disent défendre les Palestiniens ou du moins leurs droits fondamentaux. Mais pour ces partis, la Palestine comme le sort des Palestiniens n’est qu’un « dossier » parmi 50 autres. Et, sur le plan électoral, ce dossier devient un peu plus important à leurs yeux, lorsqu’il y a massacre, lorsque le sang coule…

Viva Palestina n’a rien avoir avec ces petits calculs électoralistes à durée déterminée. Puisque, dès le 10 juin 2024, ces partis remettront et oublieront le « dossier palestinien » au fin fond d’un de leurs tiroirs. Tout au contraire, Viva Palestina est une liste citoyenne avec la Palestine pour raison d’être, comme seul sujet, sur lequel nous avons travaillé et travaillons d’arrache-pied quant à ces quatre aspects fondamentaux : 1) le Génocide 2) l’Apartheid 3) le Boycott 4) la Colonisation.

Ensuite, nous sommes effarés de constater que, six mois après le début du génocide, il n’existe en Belgique aucune résolution ou appel parlementaire à reconnaître qu’il y a génocide ! Or, nous avons maintes fois interpellé les partis et leurs parlementaires sur ce sujet crucial. Sans obtenir la moindre réponse… Ce qui nous conduit à deux hypothèses : soit ils ne reconnaissent pas qu’il y a un génocide en Palestine ; soit ils restent englués dans leurs petits calculs politiciens qui les condamnent au silence et à l’inaction.

Les candidats de Viva Palestina, eux, se sont engagés à travailler, politiquement et juridiquement, sur la reconnaissance officielle du génocide et on veut aboutir au vote d’une résolution parlementaire, tant au niveau régional que fédéral. Le vote d’une telle résolution constituerait un précédent international qui forcerait le gouvernement belge à revoir ses relations avec Israël.



I’A : Votre objectif ambitieux est de faire élire un ou deux députés Viva Palestina au Parlement bruxellois. Si ce « miracle » électoral se produit le 9 juin, que feront ensuite, concrètement, votre ou vos députés minoritaires ?


D.A.J : Viva Palestina n’est pas qu’un slogan. C’est un engagement, un appel à l’action, pour toutes celles et ceux qui sont solidaires de notre démarche et résolument contre l’injustice. Au Parlement bruxellois, nous plaiderons en faveur de sanctions et de boycotts stricts contre Israël et d’autres de ses complices.

Notre objectif est aussi de positionner Bruxelles comme l’épicentre mondial de la lutte contre le colonialisme et l’apartheid en Palestine, en donnant l’exemple à l’Union européenne et ailleurs. Au quotidien, nos futurs élus travailleront à galvaniser la cause palestinienne au sein du Parlement bruxellois et à travers tout le spectre politique belge, en faisant campagne pour la reconnaissance internationale des droits et de la souveraineté des Palestiniens. De même que nous sommes engagés à défendre vigoureusement les droits des Palestiniens à l’autodéfense, à l’autodétermination et à la création d’un État.

Cela, parce que c’est à Bruxelles, au cœur du processus décisionnel européen, que notre mouvement trouve sa voix. Nous plaiderons et travaillerons aussi d’arrache-pied pour que Bruxelles soit le fer de lance des efforts internationaux visant à traduire en justice les responsables du génocide.

Propos recueillis par Olivier Mukuna

Source : Investig’Action

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