This handout photograph released on March 12, 2024 by the Proactiva Open Arms (POA) shows the Open Arms vessel with the humanitarian food aid at the Cypriot port of Larnaca. - A Spanish charity ship taking 200 tonnes of humanitarian food aid to war-ravaged Gaza set sail from the Mediterranean island of Cyprus on March 12, aiming to pioneer a "maritime corridor".AFP

Que est le but véritable du port voulu par Biden à Gaza ?

Dimanche, alors qu’il faisait le tour des côtes de Gaza à bord d’un navire de guerre, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a exprimé son enthousiasme à propos des plans de corridor maritime.

Ce mardi, le premier navire d’aide a quitté Chypre pour la bande de Gaza après que le président des EU, Joe Biden, a annoncé des plans en vue d’un corridor maritime vers l’enclave côtière.

Le navire transporte environ 200 tonnes de nourriture, d’eau et de médicaments.

Les Émirats arabes unis financent la mission, qui est organisée par l’ONG World Central Kitchen (Cuisine centrale du monde), dont le siège est situé aux EU. Le navire a été affrété par une organisation espagnole appelée Proactive Open Arms (Bras ouverts proactifs).

Le navire et la barge qui l’accompagne devraient atteindre une portion de littoral de la partie nord de Gaza d’ici deux jours tout au plus et ils accosteront le long d’une jetée aménagée par l’ONG espagnole.

Biden avait annoncé des plans en vue de construire une « jetée temporaire » au large de la côte méditerranéenne de Gaza afin d’établir un corridor maritime d’aide entre Gaza et le reste du monde.

« Ce soir, je dépêche l’armée américaine dans une mission d’urgence afin d’établir une jetée temporaire en Méditerranée sur la côte de Gaza, jetée qui pourra recevoir d’importantes cargaisons de nourriture, d’eau, de médicaments et d’abris temporaires », a déclaré Biden lors de son discours de la semaine dernière sur la situation de l’Union. « Une jetée temporaire permettra une augmentation massive de la quantité d’aide humanitaire qui entrera à Gaza chaque jour », a ajouté Biden.

Le port « temporaire », dont les responsables ont dit qu’il faudrait entre 30 et 60 jours pour le construire, serait rattaché à un pont-jetée temporaire établi sur la côte de Gaza.

Le 9 mars, les EU ont envoyé sur place les premiers navires logistiques transportant les équipements destinés à installer la jetée.


Les pays qui ont constamment soutenu le génocide israélien des Palestiniens à Gaza ou qui n’ont pas réclamé un cessez-le-feu sont partants pour le plan de « corridor maritime ». L’Union européenne, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, Chypre, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni et les États-Unis sont tous derrière le projet à des titres divers.

La famine engendre un plan de soutien

L’« initiative Amalthea » verra Israël prendre part à l’inspection des marchandises à Chypre, avant que les navires n’appareillent vers la côte de Gaza.

Et l’armée israélienne assurera la « sécurité » du port, a déclaré Biden.

« Qui va assurer la sécurité du port que vous prévoyez de construire en vue de proposer de l’aide à Gaza ? » a demandé un journaliste à Biden quand l’info concernant les plans du port a été révélée. « Les Israéliens », a répondu le président américain.

Citant une « importante source diplomatique », sans toutefois la nommerThe Jerusalem Post a expliqué que le plan de corridor maritime était une idée du Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Ce dernier, dit-on, avait d’abord proposé le plan à Biden en octobre et, en janvier, avait de nouveau insisté sur la question auprès du président américain. « Cette source, proche du Premier ministre, insinuait que Biden appliquait tout simplement un plan de Netanyahou, et qu’en fait, il ne lançait rien de neuf », rapportait le Post.

Dimanche, alors qu’il faisait le tour des côtes de Gaza à bord d’un navire de guerre, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a exprimé son enthousiasme à propos des plans de corridor maritime. « Le processus est destiné à apporter directement de l’aide aux résidents et de poursuivre ainsi l’effondrement du pouvoir du Hamas à Gaza », a-t-il dit.

Dimanche, dit-on, Gallant a eu un briefing en compagnie du commandant de la marine israélienne et du chef de la COGAT, le bras bureaucratique de l’occupation militaire israélienne, à propos de la logistique de l’aménagement du port.

C’est le même Gallant qui avait annoncé, le troisième jour du génocide israélien à Gaza, qu’Israël « imposerait un siège total à Gaza. Ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant – tout est fermé. » « Nous combattons des bêtes humaines et nous agissons en conséquence » avait-il déclaré sur le moment en parlant des 2,3 millions de Palestiniens de la population de Gaza, dont une moitié d’enfants et dont la plupart sont des réfugiés de régions situées au-delà de la frontière de Gaza.

Il y a quelques jours, Gallant a déclaré : « Nous apporterons l’aide via une voie maritime coordonnée avec les EU sur le plan sécuritaire et humanitaire, avec l’assistance des EAU sur le plan civil, et une inspection appropriée à Chypre, et, avec l’aide des Américains, nous apporterons les marchandises importées par les organisations internationales. »

Des motivations politiques

Mais pourquoi Israël, le responsable de la famine à Gaza, soutient-il l’idée d’établir un corridor maritime d’aide afin de faire face à une crise qu’il a lui-même déclenchée et qui, aujourd’hui, empire de jour en jour ?

Cela pourrait sembler paradoxal si l’on présumait que le but premier du corridor maritime consiste à livrer de l’aide.

C’est avec crainte et suspicion que les Palestiniens de Gaza ont accueilli ces informations concernant les plans du port.

Des commentateurs ont estimé que cela pourrait être un stratagème en vue d’éliminer l’Égypte comme une liaison entre la bande de Gaza et le reste du monde et d’annihiler la dépendance de l’enclave côtière vis-à-vis de l’Égype sur les plans économique et politique via le passage de Rafah contrôlé par la même Égypte – le seul point de sortie et d’entrée pour la plupart des gens de Gaza.

Cela concrétiserait manifestement le contrôle complet par Israël de la bande de Gaza sans devoir dépendre de la coopération égyptienne, aussi fiable ait-elle été.

Abdel Bari Atwan, un journaliste palestinien mondialement connu et né à Gaza, a invoqué l’évacuation de Beyrouth en 1982, facilitée par les EU, des milliers de combattants de la guérilla palestinienne de l’OLP comme une indication de ce que pourraient suggérer ces plans.

Les combattants palestiniens avaient été transférés de la côte de Beyrouth vers Chypre, et finalement, vers la Tunisie, par des navires de guerre américains.

Atwan a montré que le corridor maritime allait créer une voie pour l’évacuation forcée par mer des Palestiniens.

D’autres commentateurs ont exprimé des craintes similaires.

Mercredi, lors d’un briefing de presse, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a nié implicitement l’hypothèse que cette démarche allait fermer en permanence la frontière à Rafah et le passage commercial de Kerem Shalom.

« Et je veux insister : c’est un complément – et non un substitut – à d’autres façons de faire entrer l’assistance humanitaire à Gaza », a déclaré Blinken. « Et, en particulier, les routes terrestres restent la façon la plus importante de faire entrer de l’aide à Gaza et ensuite de la faire parvenir aux gens qui en ont besoin. »

Ces garanties n’apaiseront guère les inquiétudes. Lorsque le port américain contrôlé par les Israéliens sera en place – s’il l’est jamais – on ne peut prévoir ce que Tel-Aviv et Washington pourraient faire ensuite.

Un « détournement flagrant de l’attention »

Michael Fakhri, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la nourriture, a sèchement qualifié d’« absurdes » les plans américains d’entrée de l’aide à Gaza, que ce soit par parachutage ou via un port temporaire.

« Du point de vue humanitaire, du point de vue international, du point de vue des droits humains, c’est absurde et de façon sombre et cynique », a-t-il dit.

Les organisations des droits humains ont rejeté les annonces concernant l’aménagement d’une jetée temporaire afin de détourner l’attention de la politique systémique et délibérée d’Israël visant à provoquer la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

« Le corridor humanitaire maritime et le port de mer temporaire proposés sont un autre outil d’instrumentalisation de l’aide », a déclaré Badil, l’organisation de défense des réfugiés palestiniens.

L’opération est destinée à « dégager Israël de ses responsabilités et obligations et à soutenir Israël dans son « lendemain des projets » : éliminer et remplacer l’UNRWA [l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens], et établir un mécanisme potentiel qui facilitera le transfert forcé des Palestiniens hors de la bande de Gaza ».

Les opérations de l‘UNRWA à Gaza sont au bord de l’effondrement du fait que les pays donateurs, dont les EU, le plus important sponsor financier de l’agence, ont suspendu pour 440 millions de USD d’aide au mois de février, après qu’Israël y est allé d’allégations non vérifiées disant qu’une poignée de membres du personnel de l’agence de l’ONU pour les réfugiés avaient été impliqués dans les attaques du 7 octobre.

L’agence joue un rôle significatif dans la distribution de l’aide à l’intérieur de Gaza. La chose a été reconnue par des pays comme la Suède et le Canada qui, ces toutes dernières semaines, ont annoncé qu’ils reprenaient leurs contributions financières au travail de l’UNRWA.

Vingt-cinq ONG et organisations des droits humains ont sorti une déclaration disant qu’un « cessez-le-feu immédiat et permanent », ainsi que l’ouverture de « tous les passages terrestres » devaient constituer la principale priorité.

« Les États ne peuvent se dissimuler derrière des parachutages et des efforts en vue d’ouvrir un corridor maritime afin de créer l’illusion qu’ils en font assez pour couvrir les besoins à Gaza : leur première responsabilité est d’empêcher les atrocités de se multiplier et d’appliquer une pression politique réelle afin de mettre un terme aux incessants bombardements et aux restrictions qui entravent la livraison en toute sécurité de l’aide humanitaire », ont déclaré les organisations.

Au nombre des signataires figurent Amnesty International, Oxfam, Action Aid International et l’American Friends Service Committee.

Le plan américain de jetée temporaire à Gaza « est un détournement flagrant de l’attention du véritable problème : la campagne militaire disproportionnée, sans la moindre discrimination, et le siège punitif menés par Israël », a déclaré Médecins sans frontières (MSF). « Ce n’est pas un problème logistique, c’est un problème politique », a ajouté l’organisation. « La nourriture, l’eau et les fournitures médicales dont ont si désespérément besoin les gens de Gaza se trouvent juste de l’autre côté de la frontière. »

Les images satellitaires montrent des milliers de camions d’aide agglutinés au passage de Rafah du côté égyptien et incapables d’entrer à Gaza parce qu’Israël ne les y autorise pas et que Washington refuse de recourir au moindre de ses énormes leviers pour forcer Tel-Aviv à s’exécuter ou à mettre un terme au siège de Gaza.

La construction d’une jetée temporaire et le parachutage aérien de paquets d’aide sont des gestes politiques visant à manœuvrer et à établir des réalités politiques sur le terrain.

Il n’y a pas de raison technique pour laquelle les camions d’aide ne devraient pas être à même d’entrer à Gaza par voie terrestre. C’est la méthode la plus efficace, la plus efficiente sur le plan des coûts et la plus sûre de livraison d’aide à Gaza.

Les parachutages tuent

Israël a permis à plusieurs pays, avec l’aide des forces aériennes jordaniennes, de parachuter des paquets d’aide dans la bande de Gaza.

Cet effort est entièrement coordonné avec les autorités israéliennes.

Les forces aériennes jordaniennes ont collaboré avec les États-Unis, la Belgique, la France et le Royaume-Uni pour larguer cette aide dans la bande de Gaza.

L’armée israélienne a publié une vidéo où on peut la voir en train de coordonner l’un de ces parachutages au cours de ce mois.

« Israël est en contact avec plusieurs pays d’un peu partout dans le monde et facilite le parachutage d’équipement humanitaire de façon contrôlée et coordonnée », a déclaré l’armée israélienne.

Des photos des paquets d’aide attachés à des parachutes ont fait copieusement le tour des médias sociaux et montrent également des Palestiniens de Gaza se précipitant pour retrouver tout ce qu’ils peuvent des marchandises parachutées.

Ces parachutages humiliants ne sont rien d’autre que du cirque humanitaire et ils ne contribuent en aucun cas à mettre un terme à la campagne de famine systématique et délibérée qu’Israël et ses alliés américains et européens mènent actuellement contre les Palestiniens avec la complicité des régimes régionaux.

Les paquets d’aide largués dans la bande de Gaza par une coalition de pays ont tué cinq Palestiniens et en ont blessé plusieurs autres la semaine dernière.


Source originale: The Electronic Intifada
Traduit de l’anglais par Jean-Marie Flémal pour Charleroi pour la Palestine

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