Le 15 septembre 1981, Raul Castro Ruz, alors ministre des Forces Armées Révolutionnaires et deuxième personnage politique de Cuba, rencontra à Moscou le plus haut dirigeant soviétique, Léonid Brejnev. Lors de cette réunion, le général Castro apprit que son pays pourrait se retrouver seul face à une agression de l’administration Reagan. Cette affaire fut probablement l’un des secrets les mieux gardés de l’Histoire de la Révolution cubaine.
Raul Castro ne le révéla que le 23 octobre 1993 lors d’une entrevue accordée au journaliste mexicain Mario Vazquez Raña. Le général Castro expliqua aussi comment cela les a conduit à développer la doctrine militaire de défense stratégique : « La Guerre de Tout le Peuple« .
« Au début des années quatre-vingt, j’ai visité l’URSS et j’ai eu une entrevue officielle avec le Président du Soviet Suprême et Secrétaire Général du PCUS, à laquelle participèrent le Ministre de la Défense et le Secrétaire du Comité Central pour les Relations Extérieures. Je vins seul, à leur demande. Le traducteur était soviétique.
Devant l’agressivité de l’administration Reagan envers Cuba dès son installation au gouvernement, l’objectif de notre visite à Moscou était d’exposer notre opinion à la direction soviétique, à propos de l’urgence de développer des actions politiques et diplomatiques extraordinaires dans le dessein de freiner les intentions yankees ravivées et visant à porter un coup militaire à Cuba.
Nous avons suggéré que cela pourrait consister en un avertissement officiel soviétique aux États-Unis, comme quoi une « agression contre Cuba ne serait pas tolérée par l’URSS », et exigeant de Washington la stricte application de l’engagement de ne pas attaquer Cuba, adopté lors de la Crise d’Octobre 1962. (…)
Écoute bien, Mario, la réponse du plus grand dirigeant soviétique fut catégorique : « En cas d’agression nord-américaine contre Cuba, nous ne pourrons pas combattre à Cuba – a-t-il textuellement affirmé – parce-que vous êtes à 11 000 kilomètres de nous. Et il ajouta : Nous irions là-bas pour qu’ils nous cassent la figure ?
La partie soviétique nous a fait savoir qu’elle n’était pas en état de donner aux États-Unis un quelconque avertissement relatif à Cuba, ni même de rappeler à Washington l’engagement de Kennedy d’octobre 1962, continuellement remis en question par chaque administration yankee (…)
Comme tu le comprendras, c’était au moment le plus agressif de la première période de l’administration Reagan et de son tout puissant secrétaire d’État, Haig, l’ex général et ex commandant suprême de l’OTAN, qui, comme tu t’en rappelles, exigeait de façon insistante et sans détour, d’étouffer les révolutions en Amérique Centrale en liquidant leur origine qui, selon lui, était Cuba.
Depuis longtemps, nous avions la conviction que l’URSS ne se lancerait pas dans une guerre pour Cuba et nous savions qu’il faudrait seulement compter sur nos propres forces pour nous défendre, mais ce fut justement à ce moment de grand danger que la direction soviétique nous fit solennellement, clairement et officiellement savoir que face à une éventuelle agression militaire du Pentagone, Cuba se retrouverait dramatiquement seule.
Il ne t’échappera pas que le fait de connaître cette position soviétique aurait signifié pour les États-Unis l’encouragement à une nouvelle agression, sachant qu’ils jouiraient d’une totale impunité.
Cela nous obligea à garder jalousement le secret pour ne pas inciter l’ennemi, et à redoubler notre préparation pour livrer la Guerre de Tout le Peuple si l’impérialisme nous l’imposait. (…)
Intérieurement, Fidel, moi et d’autres compagnons que, pour les besoins du travail, nous avons connus seulement après ce qui a pris le nom de code « Cas Pandore », nous supportions l’amertume en silence. Nous avons assimilé l’expérience et tiré une plus grande énergie de tout cela pour nous préparer à assumer seuls notre mission historique. Seuls, comme nous l’avions toujours été pour mener nos guerres pour l’indépendance. (…)
– Général, à ce moment-là, quelles mesures Cuba a t-elle adoptées ?
– Nous avons pris un ensemble de mesures qui nous permettaient d’augmenter au maximum nos réserves militaires de toutes sortes, objectif que nous avons atteint, en plus d’entreprendre la création des réserves d’état, de moderniser et de compléter toute notre industrie militaire, d’améliorer qualitativement l’armement et les moyens de combat de nos troupes régulières et de moderniser ceux déjà existants. (…)
Dans notre système, les troupes terrestres sont les forces décisives, car une fois l’ennemi débarqué, les combats seraient livrés sur notre sol, face à face, à portée de fusil. Et dans ces conditions, la supériorité morale des hommes qui défendent leur patrie est infiniment supérieure à celle de l’odieux envahisseur (…)
L’efficacité de l’aviation ennemie s’annule en partie quand ses soldats et les nôtres se mêlent sur le champ de bataille.
Dans une guerre prolongée, si, avec deux ou trois de notre franc-tireurs en place (et nous en avons des dizaines de milliers), un yankee est tué, un officier de préférence, l’envahisseur pourrait-il assumer tant de pertes et persister dans son agression ? C’est aussi valable en ce qui concerne nos troupes spéciales. Si seulement 20 pour cent de nos millions de compatriotes armés et organisés combattaient – et nous sommes sûrs que le pourcentage de braves est infiniment supérieur – la guerre serait perdue pour l’agresseur.
La lutte se ferait dans chaque coin du pays, sans front ni arrière-garde. Nous comptons pour cela, outre les troupes régulières, sur les milices de Troupes Territoriales et les Brigades de Production et de Défense, organisées dans chaque province et leurs 169 communes.
Il y aurait des combats dans les plus de mille quatre cents zones de défense si l’ennemi était capable d’arriver jusque là, hypothèse fort peu probable, car cela nécessiterait des millions de soldats. Et même ainsi, ils seraient extrêmement affaiblis car où qu’ils aillent, ils pourraient marcher sur une mine, être liquidés par une balle ou une grenade, et les embuscades seraient leur cauchemar. Le sol brûlerait sous leurs pieds, depuis les entrailles de la terre, suite à leurs frappes aériennes. Les combattants surgiraient pour leur régler leur compte sur le sol sacré de la Patrie qui n’admet aucune botte d’envahisseur et finalement, le pouvoir révolutionnaire surgirait de nouveau. (…)
Source : Texte traduit par France-Cuba et reproduit dans le livre « Cuba, 50 ans de révolution. Hasta la victoria siempre » (Plusieurs auteurs. Coordination Hernando Calvo Ospina). Édité par l’Association France-Cuba et Le Temps des Cerises éditeurs, Paris, 2009.
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