La région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, est l’une des raisons pour lesquelles l’invasion russe a été planifiée. Selon les analystes de défense occidentaux, cette région pourrait également se révéler décisive dans la manière dont la guerre se terminera. Vue d’ensemble de la stratégie russe.
La stratégie russe a déjà fait couler beaucoup d’encre depuis l’attaque du 24 février. Dans la phase initiale, ce que le Kremlin prévoyait n’était pas du tout clair. Mais après un mois, les contours de ce plan commencent à se dessiner. Dans un récent article bien documenté, le Financial Times fait une tentative honorable pour démêler la stratégie de l’armée russe.
Trois fronts
Selon ce journal économique, l’armée russe progresse sur trois fronts (voir la carte). Selon les analystes, les forces impliquées sont parmi les mieux entraînées du pays.
Premièrement, il y a une offensive dans le nord-est de la Crimée. L’attaque du port d’Odessa serait une tactique de diversion pour retenir les troupes ukrainiennes dans le sud afin qu’elles ne puissent pas venir en aide à leurs collègues de Marioupol.
Un deuxième front est situé à la frontière russe et progresse vers le sud, au-delà de la ville assiégée de Kharkov.
Un troisième front est constitué par les séparatistes soutenus par la Russie qui, avec des unités importantes de l’armée russe, progressent vers l’ouest à partir du Donbass.
Une double stratégie
La stratégie actuelle est double et se concentre principalement sur la région du Donbass. Le premier objectif est de bombarder un certain nombre de villes avec de l’artillerie et des roquettes et de consolider la zone qui les entoure. Il s’agit de villes stratégiquement importantes, comme Kharkov. Ces villes encerclées pourraient alors être utilisées comme monnaie d’échange dans les négociations de paix.
Selon Jacques Baud, ancien colonel de l’armée suisse et analyste stratégique, l’armée russe n’a pas l’intention – sauf exception – d’occuper ou de conquérir les villes elles-mêmes. Ce qui est confirmé par un article récent de Newsweek.
Le deuxième objectif est le plus important : vaincre les forces de Marioupol et encercler les troupes ukrainiennes dans le Donbass (marqué en jaune et bleu sur la carte). Marioupol est importante pour établir un corridor terrestre entre la Russie et la Crimée.
Les troupes ukrainiennes dans le Donbass représentent un quart de la force terrestre. Si la Russie parvient à fixer ces troupes sur place, elles ne seront plus en mesure de défendre les villes situées plus à l’ouest, comme Kiev.
Un coup de massue
Selon un officier de l’OTAN, c’est dans cette région que la Russie a fait “les plus grands progrès” et a “la capacité militaire de briser l’armée ukrainienne”. Le fait qu’elle semble procéder de manière plus méthodique est inquiétant”. Si les troupes russes des trois fronts réussissent leur encerclement, elles peuvent effectivement vaincre les troupes stationnées dans le Donbass.
La neutralisation d’une partie importante des forces armées régulières de l’Ukraine serait un coup moral très lourd pour Kiev. Selon un analyste du Royal United Services Institute de Londres, cela pourrait conduire à l’arrêt des combats, rendant superflu un siège de longue durée de Kiev.
Pour Moscou, l’un des principaux objectifs de l’invasion aurait alors été réalisé : la démilitarisation de l’Ukraine. Moscou bénéficierait également d’une position de négociation forte.
Bien sûr, tout peut arriver sur le terrain. Rien n’est plus imprévisible que l’issue d’une guerre. De plus, l’armée russe peut avoir subi des pertes importantes et avoir sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens.
Mais les communiqués triomphalistes que colportent nos grands médias cachent les vulnérabilités de l’armée ukrainienne, selon le Financial Times. Nous ne devons pas commettre l’erreur de croire notre propre propagande.
Source originale: De Wereld Morgen
Traduction du néerlandais : Anne Meert pour Investig’Action
Photo: Wikipedia / CC BY 4.0