Gideon Levy : les Palestiniens seuls face aux pogroms, et traités de terroristes quand ils se défendent !

« Au milieu du chaos total créé par l’occupation, l’interdiction faite aux Palestiniens de se défendre est l’une des règles les plus folles ; c’est une norme acceptée qui n’est même pas discutée. Pourquoi les Palestiniens n’ont-ils pas le droit de se défendre ? Qui exactement est censé le faire pour eux ? Pourquoi, quand on parle de “sécurité”, ne s’agit-il jamais que de la sécurité d’Israël ? », se demande le journaliste Gideon Levy dans Haaretz.

« Les Palestiniens ont plus de victimes d’agressions, d’effusions de sang, et de violences – et aucun outil défensif à leur disposition. En trois jours la semaine dernière, 35 pogroms ont été perpétrés par des colons. Depuis le début de l’année, environ 160 Palestiniens ont été tués par des soldats, la grande majorité inutilement et la plupart criminellement. Du bébé Mohammed Tamimi au vieil Omar As’ad, des Palestiniens ont été tués sans raison.

Il n’y avait personne pour empêcher les soldats de tirer à l’aveuglette, personne pour faire face aux tireurs d’élite. Aucune autorité israélienne n’a même envisagé de retenir des centaines de colons déchaînés. Par ses actions et ses omissions, Tsahal a été pleinement complice des pogroms – tout comme la police. Les Palestiniens ont été abandonnés à leur sort. Abandonnés, les résidents palestiniens ont regardé, impuissants, les colons odieux incendier leurs maisons, leurs champs et leurs voitures, effrayés même de respirer. Essayez d’imaginer des centaines de voyous répugnants à l’entrée de votre maison, brûlant et détruisant tout, et vous-même espérant qu’ils n’entrent pas dans votre maison et ne blessent pas vos enfants, et ne pouvant rien y faire jusqu’à ce qu’ils partent enfin. Il n’y a personne à appeler ou à qui demander de l’aide. Il n’y a pas de police, pas d’autorités et personne pour appeler à l’aide. Toute mesure prise en état de légitime défense serait considérée comme un acte de terrorisme. Essayez de l’imaginer.

Lorsque les courageux combattants du camp de réfugiés de Jénine – qui sont bien plus courageux que les soldats de Tsahal bien protégés, et plus justes – tentent d’arrêter les invasions militaires du camp avec leurs armes moins puissantes, ils sont, bien sûr, considérés comme terroristes, avec un seul destin qui les attend. L’envahisseur est légitime, et celui qui défend sa vie et ses biens est un terroriste. Les critères et règles moraux sont incompréhensibles dans leur absurdité. Chaque meurtre par un soldat est considéré comme juste, y compris celui de Sadil, une jeune réfugiée de 15 ans tuée sur le toit de sa maison la semaine dernière. Tout tir en légitime défense sur un soldat envahisseur est considéré comme un acte de terrorisme brutal.

Dans une autre réalité, on pourrait au moins rêver d’une force juive israélienne se mobilisant pour défendre les Palestiniens sans défense. On pourrait rêver d’une gauche israélienne se mobilisant pour la défense de leur victime, à l’instar de ce que certains individus remarquables, dont certains juifs exemplaires, ont fait pour aider à défendre les Sud-Africains noirs sous l’apartheid, combattant avec eux et étant blessés et emprisonnés pendant de nombreuses années à leurs côtés.

Accompagner les élèves dans les écoles pour leur protection est noble, mais cela ne suffit pas. C’est facile de parler mais difficile d’agir. Cette idée n’a jamais décollé pendant toutes les années d’occupation, à l’exception d’une ou deux tentatives immédiatement bloquées par Israël.

Cette semaine, davantage de Palestiniens seront tués sans raison et leurs biens seront détruits. Les enfants mouilleront leur lit, craignant tout bruissement dans la cour, sachant que leurs parents ne peuvent rien faire pour les protéger. Encore une fois, les Palestiniens seront laissés sans défense. L’envahisseur est légitime, et celui qui défend sa vie et ses biens est un terroriste. »

Traduit de l’anglais par CAPJPO-EuPalestine

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