Quartier de Gaza bombardé(AFP)

Faute d’arguments, les apologistes d’Israël ne peuvent recourir qu’aux attaques ad hominem

Depuis quelques jours, les questions tournent autour du nombre de morts palestiniens. Le massacre en cours choque l’opinion internationale. L’ONU a même mis en garde contre un nettoyage ethnique. À court d’arguments pour défendre l’indéfendable, les supporters d’Israël remettent donc en cause la véracité des faits et leurs sources. La technique n’est pas nouvelle, comme l’explique Caitlin Johnstone. (I’A)

Dans un article récent, le Washington Post explique pourquoi lui et d’autres grands médias se réfèrent au ministère de la Santé de Gaza pour le nombre de victimes des bombardements israéliens en cours. Le journal souligne que le ministère a l’habitude de rendre compte de ces décès de manière véridique et précise.

Tout le monde utilise les chiffres du ministère de la Santé de Gaza, car il a été prouvé qu’ils étaient généralement fiables“, a déclaré au Post Omar Shakir, de Human Rights Watch. “Lorsque nous avons vérifié nous-mêmes les chiffres relatifs à certaines frappes, je n’ai pas connaissance d’une seule fois où il y ait eu une différence majeure. »

Ce point est gênant pour les défenseurs d’Israël – y compris le président des États-Unis. Ils ont suggéré ces derniers jours que le décompte des morts à Gaza n’était pas fiable parce que le ministère de la Santé de Gaza fonctionnait sous l’autorité du Hamas.

Je n’ai aucune certitude que les Palestiniens disent la vérité sur le nombre de personnes tuées“, a déclaré Biden à la presse mercredi, ajoutant : “Je n’ai aucune confiance dans les chiffres utilisés par les Palestiniens“.

Adam Taylor, l’auteur de l’article du Washington Post mentionné ci-dessus, souligne à juste titre que les déclarations de Biden sont quelque peu étranges. En effet, son propre département d’État considérait le ministère de la Santé de Gaza suffisamment fiable pour citer le nombre de décès dans ses propres rapports il y a quelques mois encore.

Qu’est-ce qui a changé ? Les intérêts de l’empire US ont changé en matière d’information.

Il y a quelques heures sur Twitter, j’ai attiré l’attention sur tout cela. J’ai immédiatement commencé à recevoir des commentaires d’apologistes d’Israël. Ils rejetaient les informations que je fournissais parce que Human Rights Watch est mauvais et peu fiable et parce que le Washington Post est mauvais et peu fiable. Tout cela pour défendre leur conviction que le ministère de la Santé de Gaza est lui-même mauvais et peu fiable.

Ce sont les méthodes de ceux qui n’ont plus d’arguments. Ils ont compris qu’en matière d’information, la montée en flèche du nombre de victimes dans le massacre permanent perpétré par Israël est dévastatrice pour les intérêts du camp qu’ils soutiennent. Ils doivent donc broder des fables sur la façon dont le Washington Post, Human Rights Watch et le département d’État US sont engagés dans une grande conspiration depuis des années pour donner une mauvaise image d’Israël.

Évidemment, cela n’implique pas de croire aveuglément les affirmations du Washington Post ou de Human Rights Watch – j’ai moi-même émis des critiques importantes à l’égard de ces deux institutions au fil des ans. Croire qu’ils sont infaillibles serait aussi erroné que croire qu’ils mentent toujours.

C’est exactement ce que j’essaie de dire ici : ce n’est pas la source qui compte, c’est la force de l’argument. Attaquer la source au lieu d’attaquer l’argument, c’est ce que font les gens lorsqu’ils ne peuvent pas attaquer l’argument. Il s’agit d’une attaque ad hominem typique.

Beaucoup de gens pensent qu’une attaque ad hominem, c’est quand on dit quelque chose de blessant sur les sentiments de quelqu’un avec qui on n’est pas d’accord. Mais ce n’est pas le sens exact. L’attaque ad hominem est une tactique de débat fallacieuse destinée à détourner la conversation de la recherche de la vérité et des faits pour mieux rejeter les arguments qui ne vous plaisent pas. On peut tout à fait interroger les motivations et le caractère de quelqu’un lorsque c’est la seule information dont on dispose et que cela est pertinent pour le débat. Mais lorsque cette technique est utilisée comme un substitut à la recherche de preuves et d’arguments, elle relève du sophisme.  

Et c’est le seul outil que les apologistes d’Israël semblent avoir en stock ces derniers temps. C’est exactement ce qu’ils font lorsqu’ils vous accusent d’être un “partisan du terrorisme” ou un “antisémite” parce que vous critiquez Israël ; ils ne peuvent pas répondre à vos critiques réelles parce que les actions d’Israël à Gaza sont indéfendables, alors ils tentent de calomnier votre personnalité ou vos motivations pour clore le débat et empêcher les gens de vous écouter.

La réplique “vous ne pouvez pas vous fier à ces chiffres de mortalité parce qu’ils proviennent du ministère de la Santé d’un gouvernement ennemi” peut être utilisée dans n’importe quelle guerre et contre n’importe quel ennemi. Mais les personnes qui s’intéressent aux faits ne s’intéressent pas à la fiabilité gouvernementale d’une source. Elles cherchent à savoir si les institutions en question sont fiables ou pas, et si leurs affirmations sont étayées par des preuves.

Alors que défilent des photos et des vidéos de pâtés de maisons entiers réduits en ruines dans une zone connue pour être pleine d’enfants, il faudrait être totalement idiot pour ne pas supposer qu’il y a un nombre massif de morts civiles à Gaza en ce moment. Comme l’a récemment noté Dave DeCamp d’Antiwar, l’augmentation spectaculaire du nombre de morts à Gaza est en corrélation directe avec les déclarations du gouvernement israélien indiquant avoir augmenté le nombre de bombes larguées. C’est ce à quoi vous pouvez vous attendre, si le ministère rapporte bien le nombre de décès.

Par tous les moyens possibles, les apologistes d’Israël font tout ce qu’ils peuvent pour minimiser et justifier les crimes d’Israël. En effet, si les Occidentaux commencent à regarder objectivement les crimes, ils cesseront de consentir à cet horrible massacre génocidaire que leurs gouvernements soutiennent pleinement.  

La vérité n’est pas de leur côté. La moralité n’est pas de leur côté. Dès lors, tout ce qu’ils peuvent faire, c’est attaquer les sources des idées et des informations qui ouvrent les yeux du public sur les crimes d’Israël et de ses alliés occidentaux.


Source originale: Le blog de Caitlin Johnstone
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

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