Elections au Venezuela: attention, c’est beaucoup plus que ça!

Au Venezuela, des élections régionales viennent d’avoir lieu, principalement celles des 327 maires et 22 gouverneurs.

Durant la campagne électorale, les médias internationaux ont prédit des résultats serrés pour tenter d´influencer l´électorat, accomplissant leur rôle de serviteurs dans une guerre médiatique dirigée depuis Washington et qui a pour objectif d’éliminer Chavez d´un territoire qui, comme celui de la Bolivie, de l´Argentine, de l´Equateur, du Nicaragua ou du Paraguay, est en train d´échapper à l´emprise des Etats-Unis.

Caracas, le 3 décembre 2008

Comme souvent lors d’élections, les différents acteurs démontrent, chiffres à l’appui, qu´ils sont tous vainqueurs.

Or, si tous les candidats partisans de Chavez, réunis au sein du PSUV, Parti Socialiste Uni du Venezuela, ont reconnu les résultats, même avec des défaites, en revanche plusieurs de leurs adversaires malheureux ont provoqué des incidents.

Ceux-ci ont été retransmis par les médias étrangers et semblaient dus à une action concertée et préméditée.

Dans certaines municipalités perdues par l´opposition, des actes de vandalisme ont eu lieu, comme à Colon dans l´Etat Zulia, fief du membre de l´opposition Manuel Rosales, qui de gouverneur devient maire de Maracaibo.

Des incidents similaires se sont produits dans l´Etat Guarico où deux personnes ont été assassinées dans des circonstances suspectes et où les autorités ont arrêté des camions qui démantelaient des équipements.

La couverture médiatique a permis de minimiser les résultats électoraux réels et notamment le fait que les partisans de Chavez ont obtenu 77% des gouverneurs et 81% des maires.

Elle a également occulté le fait que ces élections sont un démenti flagrant des efforts médiatiques cherchant à présenter Chavez comme le dictateur d´un régime antidémocratique : cette thèse apparaît en effet clairement comme absurde puisqu´il s´agissait …. des douzièmes élections depuis que Chavez est au pouvoir !

Et que, sans incident majeur, les Vénézuéliens sont allés voter, avec une participation record depuis ces dernières années.

L´opposition, de son côté, a désormais pour elle les gouverneurs d´importants Etats comme Miranda (zone Caracas), Carabobo et Zulia (zone pétrolière) ainsi que la mairie principale de Caracas. Ces résultats démontrent ainsi que l´opposition avait une capacité de mobilisation supérieure à celle des chavistes.

Ceci est dû en partie au fait que les secteurs populaires ont fait preuve de confiance et se sont donc moins mobilisés pour voter. C’est dû aussi au fait que la campagne médiatique de l´opposition a porté ses fruits auprès de la classe moyenne : celle-ci a été en effet habilement qualifiée de « bourgeoisie », terme qu´elle a assimilé à un message de danger.

Probablement enfin également, certains secteurs populaires ont été déçus du peu d´assistance de certains des pouvoirs publics pour l´aide au développement de leurs programmes.

Au Venezuela, l’idéologie de l´opposition se résume en un projet politique unique, l’« antichavisme», qui est le renversement de Chavez.

En observant la nouvelle carte politique du pays et sa carte démographique, on voit que l´opposition a gagné dans les régions urbaines, habitées par la classe aisée, et que le chavisme s´est imposé dans les secteurs populaires, parfois avec une forte majorité.

Si l´opposition a conservé le gouverneur de l´état Zulia et gagné la mairie de Maracaibo, le chavisme a, de son côté, gagné 13 des 19 mairies de ce même Etat.

Dans l´Etat Miranda, qui englobe la région de Caracas, l´opposition a gagné le gouverneur et les mairies des quartiers aisés mais le chavisme s´est imposé dans les grands secteurs populaires, obtenant 15 des 20 mairies, dont la plus peuplée.

Dans l´Etat de Carabobo, fief de l´opposition, le chavisme a obtenu 11 des 13 mairies.

Dans les capitales des Etats, 18 de 24 mairies ont été gagnées par le chavisme.

Cette nouvelle carte politique se dessine dans un pays où la Révolution Bolivarienne a mis en place, avec le pouvoir populaire, 3.500 conseils communaux, de nombreuses missions sociales, une chaine de distribution de produits alimentaires à bas prix, un réseau de 989 centres de médecine intégrale, 16 hôpitaux et, dans les quartiers pauvres, 3.358 cabinets médicaux avec plus de 30.00 médecins et spécialistes cubains, et avec une première génération de 13.500 vénézuéliens formés dans le concept de la médecine intégrale sociale.

A peine deux jours après les élections, des informations circulaient au sujet de nouveaux gouverneurs et maires d´opposition : ceux-ci prétendraient occuper des installations appartenant aux services de santé et d´éducation.

Le peuple vénézuélien est pacifique, avec une majorité silencieuse et ignorée des médias. Mais c’est aussi un peuple qui a montré sa capacité à se mobiliser en quelques heures, comme en 2002, lors du coup d´Etat et de la prise de pouvoir par un président de facto : cela ne dura que 47 heures avant que Chavez, qui avait été démis et arrêté, ne reprenne la présidence.

Il semble évident que les secteurs populaires n´accepteront pas sans réagir d’être privés par l´opposition des nouveaux bénéfices dont ils jouissent et des espaces qu’ils ont conquis.

Si l’on observe le parcours Chavez depuis 10 ans, il est aussi facile d´imaginer qu´il n´abandonnera pas le peuple face à de nouvelles autorités locales, surtout s´agissant des programmes sociaux, de santé, d´éducation, de logement et d´alimentation.

Chavez l´a annoncé durant la campagne électorale : lors des élections régionales, l’opposition poursuivait un programme parfaitement élaboré et dont l’ objectif est de renverser Chavez. Programme qui est, de toute évidence, non seulement appuyé mais financé par Washington pour qui l´enjeu réel, comme dans tous ses conflits, est seulement de s’accaparer les richesses naturelles du pays.

Les médias s´appliquent à présenter au monde extérieur les opposants comme des victimes politiques alors qu’en réalité, ils sont accusés par la justice de corruption ou de délinquance.

Par exemple Rosales, gouverneur sortant du Zulia, qui jouissait d´immunité, est accusé de détournements de fonds. Il vient d´être élu maire de Maracaibo, mais il est probable qu´il devra répondre de ses actes devant la Justice. Et ceci laisse prévoir une nouvelle campagne médiatique au sujet de « la dictature de Chavez », où la corruption de Rosales sera soigneusement omise.

De son côté, le gouverneur élu de Miranda, Henrique Radonsky, a été l´un des principaux acteurs du coup d´état de 2002. A cette occasion, en sa qualité de maire, il participa à une tentative de prise d´assaut de l´ambassade cubaine et aussi, personnellement, à l´arrestation du Ministre de l´intérieur de l´époque.

Le nouveau maire principal de Caracas a été un acteur remarqué lors de la proclamation du président de facto, Pedro Carmona, toujours en fuite et réfugié en Colombie.

Tous ces faits sont loin d´être des secrets, ils ont été observés par la population et diffusés en direct par les chaînes de télévision.

A la suite de ces élections, le Venezuela semble être revenu à l´époque de 2002, où se sont préparés et déroulés trois coups d´Etat : un coup d’Etat « conventionnel », un « boycott industriel » et un « sabotage pétrolier »; et tous les trois avec la participation active et démontrée de Washington.

Mais cette fois, les adversaires se connaissent bien et l´effet-surprise de 2002 ne se reproduira pas pour les secteurs populaires. Si les uns jouissent d’appuis extérieurs et médiatiques, les autres sont maintenant mieux organisés et mieux regroupés grâce à leurs missions, leurs conseils communaux, leurs coopératives et leurs EPS, Entreprises de Production Sociale.

Certains des nouveaux candidats d´opposition ont annoncé qu’ils gouverneraient dans l’intérêt de « tous », mais les antécédents de beaucoup d’entre eux font qu’on a peine à les croire. Dans un pays en révolution, où les inégalités sociales sont trop grandes, il est difficilement envisageable que le capitalisme puisse cohabiter avec le socialisme.

La guerre qui est prévisible est celle du capitalisme contre le socialisme, celle d´une minorité puissante économiquement contre une majorité populaire, celle des riches contre les pauvres.

Jean Araud, Caracas, pour Investig’Action

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