Le bombardement d’un camp de réfugiés à Rafah a poussé l’horreur des attaques israéliennes à un seuil insoutenable. Soulevant un tollé partout dans le monde. Mais du côté de Joe Biden, pas de condamnation ferme. Il avait pourtant fait de l’invasion de Rafah une ligne rouge à ne pas franchir. (I’A)
Deux jours après que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de mettre fin à son offensive militaire sur Rafah, des dizaines de Palestiniens déplacés ont été tués dans des frappes aériennes israéliennes. Dans la nuit de dimanche à lundi, l’armée d’Israël a bombardé des civils à qui elle avait ordonné de se rendre dans la « zone de sécurité » de Tal Al-Sultan, dans la partie nord-ouest de Rafah.
Israël a bombardé Rafah des dizaines de fois depuis la décision de la CIJ. Mais dimanche, le bombardement des Palestiniens installés dans un campement de tentes derrière une école des Nations Unies à Rafah a provoqué un grand brasier et fait de nombreuses victimes, dont des enfants brûlés vifs dans une mer de flammes. Selon Al Jazeera, les frappes aériennes israéliennes ont touché le camp pendant la nuit. Le feu des bombes tombant sur les tentes en plastique s’est rapidement propagé, tuant au moins 45 Palestiniens, en blessant 249 autres et réduisant le camp de tentes en cendres. Cette attaque aurait été suivie d’une frappe de drone israélien sur l’entrée de l’hôpital koweïtien au moment où les médecins ramenaient les morts et les blessés, tuant deux membres du personnel.
Le directeur de l’hôpital, Suhaib al-Hams, a annoncé lundi que l’hôpital koweïtien devrait suspendre ses services en raison « des attaques répétées et délibérées contre les abords de l’hôpital ».
Des images et les vidéos capturées par des téléphones portables circulent sur les réseaux sociaux – un gamin décapité, des corps carbonisés d’enfants, des femmes et des petits qui courent frénétiquement dans toutes les directions pour tenter d’échapper aux incendies. Ces images sont douloureuses à regarder. Elles portent les atrocités israéliennes à Gaza à un nouveau niveau de cruauté et d’horreur indicibles.
Je ne sais pas comment on peut se remettre d’une telle monstruosité. Faut-il pleurer pour les enfants morts ou ceux qui viennent de devenir orphelins ? Faut-il crier pour les enfants mutilés ou pour les parents qui ont dû envelopper leurs progénitures dans des linceuls blancs ?
Les responsables israéliens ont d’abord déclaré que la frappe était « basée sur des renseignements précis » et ont affirmé que le bombardement avait visé un complexe du Hamas, tuant deux hauts responsables du mouvement. Après le tollé mondial que cette frappe a provoqué, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a commencé à parler d’ « accident tragique ».
Les bombes de fabrication US ont été larguées sur le camp de Tal Al-Sultan après que des frappes aériennes israéliennes ont touché des abris dans le nord de Gaza et à Gaza City, tuant 160 Palestiniens déplacés, selon les responsables de la santé de l’enclave. À Jabalya, au moins quatre personnes auraient été tuées lorsqu’un missile a frappé un immeuble résidentiel lors d’une nuit de bombardements intenses. Des témoins ont fait état d’incendies ravageurs dans toute la ville. Ailleurs dans le nord, les forces d’occupation israéliennes continuent de démolir des quartiers résidentiels, ensevelissant un nombre incalculable de personnes sous les décombres. Des soldats israéliens ont également été vus en train de tirer sur un groupe de Palestiniens qui remplissaient des bidons d’eau dans la région d’Al-Faluja.
Le massacre israélien de Rafah a été largement condamné comme une grave violation du droit international. Mais la Maison-Blanche n’a pas exprimé de critique claire ou d’indignation. Alors que l’administration Biden met l’accent sur la mort des dirigeants du Hamas et prononce les mêmes mots que ceux que nous avons pris l’habitude d’entendre au cours des huit derniers mois, à savoir que les États-Unis exhortent Israël à protéger les civils et à minimiser les pertes, ces déclarations sonnent désormais comme une farce. L’inaction de l’administration Biden et la poursuite des livraisons d’armes à l’État israélien alors qu’il commet de tels massacres sous les yeux du monde entier – et au mépris de la décision de la CIJ – montrent l’ampleur de la complicité et de la participation des États-Unis au génocide de Gaza.
Je tiens le gouvernement étasunien responsable de ce carnage : le siège, la famine et le nettoyage ethnique des Palestiniens de Gaza ; la destruction massive d’hôpitaux, de cliniques, d’écoles, d’universités, de bibliothèques, de bâtiments résidentiels, de lieux historiques et d’infrastructures ; et la dévastation totale de quartiers entiers.
En opposant leur veto ou leur abstention à toutes les résolutions de cessez-le-feu du Conseil de sécurité des Nations unies, les États-Unis sont les principaux responsables de ce terrible cauchemar infligé au peuple palestinien, qui a tout perdu à plusieurs reprises.
Nous avons entendu le président Biden répéter des affirmations démenties et sans fondement selon lesquelles il aurait vu des photos de bébés israéliens décapités qui n’existaient pas – des affirmations que ses propres porte-parole ont dû démentir. Le silence sera-t-il sa réaction face à l’image réelle d’un enfant palestinien décapité lors de l’un des massacres les plus sanglants perpétrés par Israël à ce jour ? Pourquoi notre président ne verse-t-il pas de larmes et ne s’exprime-t-il pas lorsqu’il voit des enfants brûlés vifs dans leurs tentes ? Combien d’actes inhumains et barbares faudra-t-il encore pour que les États-Unis mettent fin à leur soutien financier, militaire et diplomatique « inconditionnel » à l’État israélien ?
Nous assistons à cette horreur jour après jour depuis près de huit mois. Les scènes d’enfants écrasés sous les chars, de mères en sanglots tenant dans leurs bras des êtres chers décédés et de pères extrayant leurs fils et leurs filles des décombres me laissent sans voix.
Israël, Les 100 pires citations
15,00 €Les pratiques génocidaires d’Israël à Gaza ont incité de nombreux pays – Bahreïn, l’Afrique du Sud, la Jordanie, la Turquie, le Chili, la Colombie, le Tchad, le Honduras et d’autres – à ordonner le retour de leurs ambassadeurs, envoyant ainsi au gouvernement israélien un signal clair d’indignation. Le président colombien Gustavo Petro a quant à lui ordonné l’ouverture d’une ambassade dans la ville palestinienne de Ramallah, en Cisjordanie occupée.
Lors d’un appel téléphonique avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, son homologue japonaise, Kamikawa Yoko, a déclaré que Tokyo souhaitait un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza. Elle a ajouté que les décisions de la CIJ sont contraignantes en vertu du droit international et doivent être « observées de bonne foi ».
Le président français Emmanuel Macron s’est dit « indigné » par les frappes. De même, Josep Borrell, responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, les a qualifiées d’« horribles ».
Dans un post sur X, Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme dans le territoire palestinien a écrit : « Le #GazaGenocide ne se terminera pas facilement sans pressions extérieures : Israël doit faire face à des sanctions, à la justice, à la suspension d’accords, de relations commerciales, de partenariats et d’investissements, ainsi qu’à la participation à des forums internationaux. »
Médecins sans frontières a appelé à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et a exprimé son horreur face à ce massacre, déclarant qu’il « montre une fois de plus que personne n’est à l’abri. »
On estime à environ 1,5 million le nombre de Palestiniens bloqués à Rafah, la partie la plus méridionale de la bande de Gaza, près de la frontière égyptienne. Ils ont été déplacés du nord de Gaza et poussés par les forces d’occupation israéliennes vers cette zone soi-disant sûre. En plus d’être privés de nourriture, d’eau et d’aide médicale, ils vivent au quotidien avec la peur inimaginable de mourir sous les bombes qui peuvent tomber à tout instant depuis l’air, la mer et la terre.
Les ministres des Affaires étrangères de l’Espagne, de l’Irlande et de la Norvège – les trois pays européens qui viennent de rejoindre la liste des 143 pays reconnaissant l’État de Palestine – ont fermement condamné le massacre de dimanche et ont exhorté Israël à se conformer à l’ordonnance de la Cour internationale et à cesser son assaut sur Rafah.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, a accusé le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez d’être « complice de l’incitation au génocide contre les Juifs ».
En représailles à l’annonce de l’Espagne, de l’Irlande et de la Norvège, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré qu’il cesserait de transférer les fonds destinés à l’Autorité palestinienne (AP). Israël perçoit des impôts pour le compte des Palestiniens depuis des décennies, en vertu d’accords signés dans les années 1990, et transfère ensuite ces recettes à l’Autorité palestinienne chaque mois. L’arrêt du transfert de ces recettes fiscales entraînera de graves difficultés pour les Palestiniens des territoires occupés.
Autre mesure de rétorsion prise à la suite de l’arrêt de la CIJ : le parlement israélien votera cette semaine la désignation de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, comme organisation terroriste. L’objectif est de rompre tous les liens avec la plus grande agence de secours qui fournit des services de santé et d’éducation à 5,9 millions de Palestiniens en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est, ainsi que dans des camps de réfugiés ailleurs au Moyen-Orient.
L’auteur de ce projet de loi, Yulia Malinovsky du parti Yisrael Beiteinu, a écrit dans l’introduction : « L’objectif de ce projet de loi est de déclarer l’UNRWA comme une organisation terroriste à toutes fins utiles et d’ordonner la cessation des relations [et de la coopération] de l’État d’Israël avec l’agence, que ce soit directement ou indirectement. »
Les responsables israéliens ont ouvertement déclaré qu’ils voulaient détruire l’UNRWA et l’empêcher de fournir des services à des millions de réfugiés palestiniens. En janvier, ils ont accusé l’agence de secours de l’ONU d’abriter des membres impliqués dans l’attaque du 7 octobre, mais ils n’ont pas été en mesure d’étayer leurs accusations par des preuves tangibles. Reuters a ensuite révélé qu’un rapport de l’UNRWA concluait qu’Israël avait contraint certains employés de l’agence à admettre faussement des liens avec le Hamas. En conséquence, la plupart des pays – à l’exception des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Lituanie, des Pays-Bas et de l’Autriche – ont rétabli leur financement de l’UNRWA, financement qui avait été interrompu lorsqu’Israël avait porté ses fausses accusations.
Les complices de génocide, ça ose tout
Plus de 36 000 Palestiniens ont été tués lors de l’assaut israélien contre Gaza. Le Hamas a tué près de 1 200 Israéliens le 7 octobre et enlevé 250 otages. Huit mois plus tard, le Hamas détient encore 132 otages, tandis qu’Israël compte 3 424 détenus administratifs palestiniens dans ses prisons. Ces détenus ne font l’objet d’aucune inculpation ni jugement. Selon un responsable égyptien, le cessez-le-feu et les négociations sur les otages entre Israël et le Hamas, qui étaient dans l’impasse, devraient reprendre au Caire cette semaine.
Il est difficile de comprendre comment des journalistes tels que James Kirchick, chroniqueur invité du New York Times, peuvent encore affirmer cette semaine que « l’une des plus grandes illusions de masse du XXIe siècle est la croyance qu’Israël commet un génocide contre les Palestiniens ». Au moins, certains segments du courant dominant US semblent enfin prendre conscience de l’horreur du génocide actuel. Aryeh Neier, cofondateur juif de Human Rights Watch et ancien directeur de l’ACLU, a ainsi été récemment invité à s’exprimer sur CNN au sujet de la conclusion qu’il avait formulée dans son article de la New York Review of Books : Israël tente de commettre un génocide en attaquant la bande de Gaza.
À l’heure où j’écris ces lignes, Israël continue de bombarder Rafah avec des tirs d’artillerie, causant de nouveaux décès de Palestiniens et blessant des dizaines de civils. Par le passé, Joe Biden a invoqué l’invasion israélienne de Rafah comme une ligne rouge qui réduirait le flux d’armes US à destination d’Israël. Cette ligne rouge n’a-t-elle pas été franchie ? Dans le monde entier, les personnes de conscience demandent que l’on mette fin au génocide. N’est-il pas temps pour les États-Unis de mettre fin à leur propre complicité ?
Source originale: Truthout
Traduit de l’anglais par Investig’Action
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