Devant des parlementaires britanniques, un chirurgien explique comment l’armée israélienne cible délibérément et quotidiennement les civils à Gaza. La nature génocidaire des opérations menées dans l’enclave palestinienne devient incontestable. L’hégémonie occidentale n’étant plus ce qu’elle était, les violations les plus graves du droit international devraient inquiéter Netanyahou et ses complices.
« 1,4 million de personnes piégées, qui ne peuvent pas partir. Des bombes leur tombent quotidiennement dessus, puis des drones viennent les abattre ». Mardi, le professeur Nizam Mamode a livré un témoignage glaçant devant une commission parlementaire britannique. Entre les mois d’août et septembre, il a travaillé comme chirurgien volontaire à l’hôpital al-Shifa de Gaza. Mamode a retiré du corps de femmes et d’enfants ces petites balles cuboïdes typiques des drones. Il a entendu répéter ces mêmes histoires de quadricoptères, maudits vautours d’acier, venus achever les victimes après le déluge des bombes. Son constat est sans appel : « C’est clairement un acte délibéré et c’était un acte persistant, consistant à cibler les civils, jour après jour. »
En faut-il plus pour réaliser qu’Israël ne se défend pas ? Qu’il ne mène pas une guerre contre le Hamas ? Depuis un an, l’État colonial procède à l’extermination du peuple palestinien à Gaza. Certains se demandent encore si l’on peut parler de génocide. D’autres rejettent carrément l’accusation parce qu’elle n’a pas encore été gravée dans le marbre par une instance officielle. C’est pour ces lobotomisés du bulbe qu’il est inscrit « bananes » sur les emballages transparents de bananes. Devant la pipe de Magritte, ils saignent du nez. Mais si demain, la Cour Pénale Internationale décrétait qu’un génocide est bel et bien en cours à Gaza, ils nieraient malgré tout l’évidence en accusant les juges d’antisémitisme.
Israël persiste et saigne
Alors, rappelons qu’en janvier 2024 déjà, la Cour Internationale de Justice ordonnait à Israël de prendre des mesures conservatoires pour protéger la population de Gaza d’un risque de génocide. Qu’a fait Israël en retour ? Il a continué à massacrer les civils, il a bombardé des camps de réfugiés, il a détruit des hôpitaux et des écoles, il a bloqué l’aide humanitaire… Si bien qu’en mars, la Cour Internationale de Justice ordonnait des mesures supplémentaires. Mais Israël a persisté. Et saigné Gaza.
Aujourd’hui, le ministère de la Santé de l’enclave palestinienne déplore plus de 43.500 morts. 70% des victimes sont des femmes et des enfants selon l’ONU. Des partisans d’Israël accusent le rrrrrrrrhamas de gonfler les chiffres pour faire chouiner dans les chaumières. Mais ils sont confirmés par les services de renseignements israéliens. Et ce bilan officiel est même probablement en dessous de la réalité, comme l’indiquent une étude de la revue médicale The Lancet ou encore un ancien militaire spécialisé dans les bombardements aériens.
Quand ça ressemble à un génocide, que ça pue le génocide, que ça crie le génocide, c’est que c’est un génocide. D’ailleurs, cette semaine, un journaliste du quotidien israélien Haaretz a confronté la guerre menée par son gouvernement aux critères repris par Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies. Netanyahou et ses sbires cochent allègrement quatre des cinq cases, alors qu’une seule suffit. Jeudi, un comité onusien a estimé dans son rapport que les méthodes déployées par Israël dans sa guerre contre Gaza sont « en ligne avec les composantes d’un génocide ».
Mauvaises intentions
« Oui, mais », rétorqueront les pinailleurs malvoyants, « pour qu’il y ait génocide, il faut qu’il y ait intention de génocide ». Alors, disons que depuis assez longtemps, les dirigeants israéliens nous ont livré un chapelet de diatribes laissant peu de doute sur leur conception des Palestiniens : tantôt comparés à des animaux, tantôt considérés comme des terroristes dans leur ensemble – même ceux qui sucent encore la tétine. Sans oublier les appels à larguer une bombe atomique sur Gaza. Pour la grande majorité des Israéliens, les Palestiniens ne sont pas des humains. Tout simplement. Quand le pilote d’un drone, bien au chaud derrière son joystick, appuie sur un bouton pour mitrailler le corps d’un enfant qui vient d’être soufflé par une bombe, il ne tue pas un être humain. C’est pourquoi le terrible bilan des pertes civiles à Gaza ne relève pas de malheureux dommages collatéraux.
Israël, Les 100 pires citations
15,00 €Spécialiste de l’holocauste, Raz Segal a très vite compris les mécanismes à l’œuvre dans l’offensive sur Gaza. Dès le mois d’octobre 2023, l’historien israélien soulignait qu’il s’agissait d’un « cas d’école de génocide ». De son côté, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés s’évertue à tirer toutes les sonnettes d’alarme. En mars dernier, Francesca Albanese remettait un rapport aussi détaillé qu’accablant pour Israël. On y lit : « Les actes génocidaires ont été approuvés et mis en œuvre à la suite de déclarations d’intention génocidaire émises par de hauts responsables militaires et gouvernementaux. »
Ce rapport historique d’Albanese n’a pas provoqué de tsunami médiatique. À la même époque, les médias nous apprenaient que Benyamin Netanyahou avait été opéré « avec succès » d’une hernie. On imagine le soulagement dans les rédactions. Malgré tout, la nature génocidaire de l’offensive israélienne percole. Même chez les observateurs longs à la détente. Mardi, un journaliste du Guardian écrivait : « J’ai cru que le gouvernement israélien massacrait les civils sans discernement. J’avais complètement tort. Il s’agit d’un massacre délibéré, massif et carrément génocidaire. »
You know Israel is seriously losing the PR war when even Guardian columnist George Monbiot wakes up to what's been staring him and the rest of the Guardian staff in the face for a year: that Israel is deliberately executing children in Gaza. https://t.co/POSW2jnZWp
— Jonathan Cook (@Jonathan_K_Cook) November 13, 2024
Entre génocidaires
Et les dirigeants du monde libre dans tout ça ? Prenons les États-Unis, champions de la démocratie et des droits de l’homme. Tellement forts qu’ils ont inventé un « ordre international fondé sur les règles ». Personne ne connait les règles en question, mais elles ne relèvent visiblement pas du droit international. En un an, Joe Biden a accordé plus de 18 milliards de dollars d’aide militaire aux génocidaires israéliens.
L’Allemagne est le deuxième plus grand exportateur d’armes vers Israël. Après l’attaque du 7 octobre, Berlin avait autorisé des exportations pour quelque 326,5 millions d’euros d’armement. Soit dix fois plus que l’année précédente. Au printemps dernier, on apprenait que ces transferts étaient suspendus. Pas parce que des enfants meurent de faim à Gaza. Ni parce que des réfugiés sont brûlés vifs dans leurs tentes. Et encore moins parce que 60% des Allemands sont opposés à ces livraisons d’armes. En réalité, Berlin craignait des recours juridiques. Mais les fariboles du droit humanitaire mises de côté, le gouvernement Scholz a remis la machine en marche. Le mois dernier, nous apprenions que les approbations pour des exportations d’équipement militaire avaient repris cet été pour 94,05 millions d’euros. Deux fois plus que prévu !
Les États-Unis, l’Allemagne… Deux pays ayant une certaine expérience du génocide. Et la France ? Emmanuel Macron entretient le flou artistique. Le président appelle à un boycott européen des armes vers Israël. Mais « en même temps », son gouvernement livrerait des composants utilisés pour la fabrication d’armement, notamment des drones. Vous voyez ? Ces petits engins qui tirent sur les enfants de Gaza avant que le professeur Namode tente de les sauver avec du scotch et trois bouts de ficelle.
Notez au passage que les autoproclamés chantres du monde libre apportent un soutien quasi inconditionnel aux génocidaires israéliens. Tandis que les étiquetés docteurs No des plus viles dictatures – de Pékin à Caracas en passant par Téhéran – se tiennent du bon côté de l’Histoire. Faites ce que vous voulez de cette information.
Le poids des mots, le choc des sanctions
Un génocide est bel et bien en cours à Gaza. On pourra rétorquer que c’est juste un mot. Que l’orphelin se moque bien de savoir si sa famille a été décimée dans le cadre d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité ou d’un génocide. Mais pour les coupables et leurs complices, ce n’est pas la même chose.
Il y a vingt ans, George W. Bush pouvait envahir l’Irak, déféquer sur la table du Conseil de sécurité et s’essuyer avec la Charte des Nations unies. Le temps et les rapports de force ont changé. En témoignent les actions judiciaires intentées contre Israël par des pays comme l’Afrique du Sud. Washington et ses sbires doivent comprendre qu’ils ne sont plus au-dessus des lois. La mobilisation populaire est là pour leur rappeler. La répression de plus en plus raide, les contre-feux de plus en plus grossiers de la propagande israélienne et les tentatives désespérées de nier la réalité n’y changeront rien. Ils prouvent surtout que le soutien inconditionnel à l’apartheid prend du plomb dans l’aile. C’est bon signe.
Source: Investig’Action