An Israeli soldier stands guard next to a pickup truck mounted with machine gun in the southern city of Sderot on October 7, 2023, after the Palestinian militant group Hamas launched a large-scale surprise attack on Israel. - At least 40 people have been killed in Israel during fighting with Palestinian militants on October 7, the Magen David Adom emergency medical services said in a statement. (Photo by Oren ZIV / AFP)AFP

100 jours après le 7 octobre: établir un bilan objectif pour sortir du narratif israélien

L’attaque menée par le Hamas et d’autres factions palestiniennes le 7 octobre reste entourée de nombreux mystères. Il subsiste des questions sans réponses, notamment sur la faillite de la sécurité et des renseignements israéliens. Il y a aussi eu tout son lot de fake news déversées par la propagande israélienne pour justifier le massacre en cours de Gaza. La tragédie des événements mérite une véritable enquête internationale et indépendante que le gouvernement Netanyahou refuse jusqu’ici. En attendant, Jihad Wachill dresse un bilan sur base ce que l’on sait après 100 jours de guerre. De quoi remettre en question le narratif Israélien visant à justifier un massacre qui de toute façon est injustifiable. (I’A)

Le 7 octobre 2023, le monde se réveillait incrédule. Dans la nuit, le « mur de sécurité » israélien autour de Gaza, réputé infranchissable, était tombé sous les efforts conjugués des combattants palestiniens du Hamas, mais aussi d’autres factions palestiniennes, qui déferlaient dans le sud d’Israël. Le bilan humain monte alors en flèche, atteignant 1.400 Israéliens tués (avant d’être revu à 1.200, nous y reviendrons). Des récits épouvantables, mais dont l’essentiel se révéleront faux, sont déversés dans les médias et les réseaux sociaux, servant de justification à une invasion israélienne de la bande de Gaza au bilan encore plus effroyable, montant de deux crans dans l’horreur : près de 25.000 morts (essentiellement des civils), probablement plus de 30.000 si on compte la dizaine de milliers de « disparus », plus de 60.000 blessés, près de 2 millions de déplacés en plein hiver, 80 % d’habitations détruites. Pour ces actes, Israël est aujourd’hui accusé non plus seulement de crimes de guerre caractérisés, mais de « génocide » devant la CIJ (Cour internationale de Justice).

Le 7 octobre 2023 n’est pas « un coup de tonnerre dans un ciel bleu azur »

Les événements du 7 octobre viennent après 75 ans d’oppression du peuple palestinien et font suite à des attaques israéliennes récurrentes contre Gaza. Des décennies marquées par l’expulsion et la spoliation de centaines de milliers de Palestiniens et ponctuées de nombreux massacres, dont les plus tristement célèbres sont ceux de Deir-Yassin en 1948 et de Sabra et Chatila en 1982, faisant du peuple palestinien un peuple dont la majorité vit en exil, un peuple de réfugiés.

Concernant Gaza plus spécifiquement, on estime que les deux tiers de la population sont formés de réfugiés et de leurs descendants. Des familles originaires des territoires situés aujourd’hui au sud d’Israël où se sont déroulés les événements du 7 octobre. Pour quelques milliers de Palestiniens de Gaza, le 7 octobre a représenté la possibilité d’exercer pendant quelques heures le droit au retour qu’est censé leur garantir le droit international, de revoir la terre de leurs ancêtres dont ils ont été expulsés et spoliés. Voire de se venger pour une fraction d’entre eux, faute d’autre perspective plus positive, après plus d’une vingtaine d’années de siège, de blocus, d’encerclement, d’enfermement dans une prison à ciel ouvert dont ils étaient arrivés à « s’évader » quelques heures. Rien à voir donc avec les pogroms européens, à savoir le ciblage d’une population opprimée et sans défense servant de « bouc émissaire » : l’oppresseur est ici israélien et il est loin d’être sans défense. Et si pogroms il y a, ce sont les Palestiniens qui en sont victimes (en Cisjordanie ces derniers mois par exemple).

Le 7 octobre 2023, une attaque en trois phases, qu’il convient de bien distinguer

L’attaque du 7 octobre se déroule en trois phases. D’abord, les combattants palestiniens détruisent des pans du « mur de sécurité » israélien ou parviennent à le contourner avec ingéniosité. Ceci afin d’attaquer une base militaire israélienne et des casernes, pour « neutraliser » les soldats stationnés là. Cette première phase est légitime et conforme au droit international : elle correspond en effet à un affrontement entre deux forces combattantes, mais elle relève aussi du droit à résister à l’oppression. Elle ne saurait dès lors décemment être qualifiée de « terroriste ». Elle est par ailleurs un succès militaire indéniable. Environ 300 militaires israéliens sont tués lors de cette phase, et une centaine faits prisonniers.

Lors d’une seconde phase, des combattants (et des civils ?) palestiniens se dispersent par groupes dans le sud d’Israël afin de capturer un maximum d’otages. C’est cette seconde phase, plus confuse, qui donne lieu à des faits qualifiables de crimes de guerre, à commencer par la prise d’otages civils. Toutefois, l’ampleur de ces crimes de guerre a été grandement exagérée à but de propagande de guerre. Ni bébés décapités ou mis au four, ni viols et/ou mutilations systématiques donc. Ils ne semblent par ailleurs pas avoir donné lieu à planification et relever plutôt d’actes isolés.

Puis ces combattants palestiniens se sont repliés vers Gaza avec des otages dans une troisième phase, confrontés à une réaction militaire israélienne de forte intensité, voire déjà indiscriminée.

Un bilan jusqu’à aujourd’hui indéterminé parmi les assaillants palestiniens

Parmi les 1400 victimes initialement décomptées, 300 sont des militaires israéliens. Une centaine serait des policiers qui ont tenté de s’opposer aux assaillants. Il est apparu par la suite que plus de 200 de ces victimes initialement décomptées étaient… des combattants palestiniens. Il est d’ailleurs à noter qu’aucune indication précise n’existe concernant le nombre de combattants palestiniens tués lors des événements du 7 octobre et des jours suivants. Il est probable que ces 200-250 combattants palestiniens décomptés côté israélien soient « la partie émergée de l’iceberg ». Nous supposerons que le nombre de victimes combattantes lors de la première phase de l’attaque du 7 octobre soit équivalent de part et d’autre, de l’ordre de 300 donc. Il y aurait donc dès lors eu 500 combattants palestiniens tués, 300 soldats israéliens, une centaine de policiers et environ 750 civils israéliens.

Un bilan humain à comparer avec d’autres terrains de guerre comparables

Si la mort de civils est toujours regrettable, il convient toutefois de sortir du cliché propagandiste de la « guerre zéro mort ». Par définition, un conflit armé fait des morts, parmi lesquels des civils, et ce quelles que soient les précautions prises. Dès lors, seules les statistiques permettent de déterminer si ces précautions ont bien été prises ou si l’usage de la force est excessif.

En règle générale, tous les conflits armés de forte intensité font 30 à 40 % de victimes civiles sur leur théâtre d’opérations. Avec 750 civils tués sur 1650 victimes estimées, les affrontements du 7 octobre sont un peu au-dessus de cette moyenne, sachant toutefois que le nombre de victimes palestiniennes est peut-être sous-estimé dans notre décompte. Toutefois, en appliquant le prorata, on peut estimer que 500 à 700 des victimes civiles seraient de simples « victimes collatérales » des affrontements, dont la férocité et la violence côté israélien a trop souvent été négligée.

Le degré de militarisation de la société israélienne, par exemple, peut fausser certains éléments du décompte : parmi les civils, un nombre non négligeable (miliciens, soldats réservistes ou en permission) était armé et a pu faire usage de leurs armes, devenant de facto… des combattants. Ces éléments intégrés, on peut estimer que seulement 100 à 200 des victimes civiles sont susceptibles de relever de crimes de guerre et/ou d’un usage excessif de la force armée. Du côté palestinien, mais aussi… du côté israélien. Car l’usage excessif et indiscriminé de la force par l’armée israélienne, en particulier lors de la troisième phase de ces événements, peut cacher des crimes de guerre, y compris… contre sa propre population.

La prise d’otages, un crime de guerre imputable au Hamas, mais aussi à… Israël

La prise d’otages est vue comme un crime de guerre en droit international. Au moins sur ce plan, des crimes de guerre prémédités et planifiés ont été commis par le Hamas et les autres groupes palestiniens qui se sont associés à lui dans cette opération. Toutefois, ces enlèvements étaient surtout destinés à ouvrir la voie à des échanges de prisonniers, comme ça avait déjà été le cas par le passé au Liban, même si c’était alors par la capture de militaires uniquement. Mais le nombre important de Palestiniens emprisonnés dans les prisons israéliennes sans procès, des milliers, a probablement conduit les groupes combattants Palestiniens à décider d’enlever aussi des civils et pas seulement à faire des prisonniers de guerre militaires.

Un parallèle mérite d’être fait entre les otages israéliens et les emprisonnements arbitraires de Palestiniens : à bien des égards, ils sont eux aussi assimilables à des prises d’otages, et donc à des crimes de guerre. À noter que les prisonniers de guerre ou otages civils ne semblent pas avoir été spécialement maltraités, si on excepte les exhibitions humiliantes des défilés dans les rues de Gaza qui ont suivi leur enlèvement. Certains semblaient même avoir établi un lien d’empathie, voire d’ordre amical, avec leurs geôliers. Et si ceux qui ont été libérés sont traumatisés, c’est plus du fait d’un traitement identique à la majeure partie de la population de Gaza de la part de leur propre armée, à savoir bombardements indiscriminés et meurtriers. Quant à ceux qui ont été tués, c’est comme l’est depuis une centaine de jours la population palestinienne de Gaza, sous les bombes israéliennes ou victimes de tirs indiscriminés de soldats israéliens.


Source: Investig’Action

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