Campagne du Syndicat national des travailleurs de l’industrie alimentaire : « Parce que j’aime la vie, je ne bois pas Coca-Cola ». Le boycott contre la multinationale de la boisson rencontre des adhésions dans le monde entier.
Le 10 avril 2006 InSurGente , El Grano de Arena, Risal (traduction en français)
L’université du Michigan fut l’une de celles qui a suspendu la vente de Coca-Cola à ses 50 000 élèves ce 1er janvier, occasionnant à la multinationale des pertes estimées à plus de 1,2 million d’euros. Cependant, ce chiffre pourra se multiplier dans les prochains jours car « au moins quelque 1 000 universités et collèges du monde entier pensent rejoindre la campagne mondiale » contre la consommation de cette boisson, d’après les dires d’Edgard Páez, du Syndicat national des travailleurs de l’industrie alimentaire (Sindicato Nacional de Trabajadores de la Industria de Alimentos, Sinaltrainal) qui rassemble 2 500 employés de Coca-Cola en Colombie. La multinationale fait l’objet de quatre procès aux Etats-Unis pour être accusée d’avoir utilisé des paramilitaires pour assassiner neuf syndicalistes.
« Il y a des processus de boycott en marche dans des universités et des centres éducatifs aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en Irlande et au Royaume-Uni qui doivent se concrétiser ces prochains jours, en début d’année quand on renouvelle ou pas les contrats de fourniture d’aliments et de boissons. Rien qu’au Royaume-Uni, le processus de boycott de la consommation de Coca-Cola est en marche dans de nombreuses universités. De plus, nous espérons être rejoints par d’autres organisations sociales dans les prochains mois », souligne Páez.
Selon le quotidien The Atlanta Journal-Constitution, au moins neuf universités nord-américaines ont suspendu leurs contrats avec Coca-Cola à cause de la situation en Colombie.
La multinationale est accusée d’employer des paramilitaires comme tueurs à gage
Avec la devise « Parce que j’aime la vie, je ne bois pas Coca-Cola », le syndicat colombien a lancé il y a deux ans la campagne internationale contre la consommation de la boisson non alcoolisée la plus bue au monde. De plus, le syndicat a entrepris quatre procès contre la multinationale aux Etats-Unis, l’accusant d’avoir employé des groupes paramilitaires d’extrême droite pour assassiner, entre 1992 et 1994, neuf syndicalistes qui travaillaient pour la firme en Colombie et de poursuivre et d’intimider d’autres employés.
Páez explique que le syndicat souhaite que la communauté internationale fasse pression pour qu’une enquête soit ouverte dans l’entreprise qui opère en Colombie afin d’établir les responsabilités à propos des neuf assassinats et sur les enlèvements, les persécutions et les intimidations qu’ont endurés les travailleurs de Coca-Cola en Colombie de la part de groupes paramilitaires supposés être sous contrat avec l’entreprise. « Nous ne voulons pas que cela demeure impuni, spécialement maintenant, avec les négociations de paix entre le gouvernement et les paramilitaires [1] », explique-t-il.
Pesticides en Inde
L’université du Michigan a suspendu la vente de Coca-Cola dans ses trois campus considérant que la multinationale permet les abus contre les droits humains et la dégradation de l’environnement, selon ce qu’elle a dénoncé dans un communiqué annonçant sa décision ; et après avoir reçu et évalué les plaintes de Students Organizing for Labor and Economic Equality. Cette organisation estudiantine accuse Coca-Cola de conspirer avec des groupes paramilitaires en Colombie pour intimider les leaders syndicaux et de vendre ses boissons en Inde avec un taux élevé de pesticide.
L’université a initialement affirmé qu’elle renouvellerait les contrats avec Coca-Cola sous forme conditionnelle, jusqu’à ce que l’entreprise réalise un audit indépendant pour corriger ces anomalies. De plus, elle a offert, en collaboration avec d’autres universités, de financer l’enquête mais Coca-Cola l’a informée qu’elle n’était pas prête à examiner ses pratiques commerciales et de travail en Colombie et en Inde, car une plainte civile l’empêchait de participer à l’enquête.
Le directeur de la communication de Coca-Cola en Colombie, Pablo Largacha, attribue la campagne du syndicat colombien à l’une des plaintes que ce dernier a présentées devant les tribunaux nord-américains en 2001, dans laquelle pour la première fois l’entreprise était associée à l’assassinat de l’un des neuf syndicalistes. Ce crime s’était déroulé dans l’entreprise de Carepa, dans la zone bananière de Urabá (dans l’ouest de la Colombie) il y a presque dix ans.
Défense d’entreprise
De plus, Largacha affirme déplorer que les organisations de défense des droits humains, du travail et de l’environnement, pour la plupart liées aux universités, « soient si mal informées sur ce qui se passe en Colombie » et souligne que l’entreprise détient des preuves que ses directeurs ne sont pas liés à la mort du syndicaliste. « Il y a un verdict qui dit qu’il n’y a aucun indice liant l’entreprise de mise en bouteille de Carepa à la mort de ces leaders syndicaux », assure-t-il.
En Colombie, il existe 20 entreprises de mise en bouteilles de Coca-Cola, dont 17 appartiennent à l’entreprise Panamco Colombia S.A. et trois sont dirigées par des particuliers. Les travailleurs de ces entreprises sont affiliés au Sinaltrainal, un syndicat fondé en 1982 par la fusion d’autres syndicats de compagnies multinationales du secteur alimentaire et de la boisson.
En plus de la Colombie, de nombreux travailleurs de Coca-Cola au Guatemala ont aussi dénoncé des abus. Selon les sources des syndicats, entre 1968 et 1980, six de leurs dirigeants ont été assassinés et quatre autres ont disparu sans laisser de trace.
A ce sujet, Paéz signale qu’« en Colombie, nous ne permettrons pas que les assassinats et les autres abus commis ici demeurent dans l’impunité ».
Colombie : un soda à base de feuille de coca
Les indigènes nasa du sud de la Colombie ont développé un soda à base de feuilles de coca, dans le cadre d’une stratégie pour « améliorer le nom et désataniser l’usage » de cette plante et concurrencer les boissons transnationales « de l’Empire », a annoncé un de ses créateurs.
« Nous qui participons à ce projet, nous sommes de la réserve indigène de Calderas …Depuis six ans, nous nous attelons à redorer le nom de la feuille de coca qui est une feuille et une plante possédant d’énormes propriétés médicinales et alimentaires », a déclaré le chef d’entreprise nasa David Curtidor à Associated Press.
Les indigènes ont d’abord commercialisé une infusion à base de feuille de coca qui se trouve dans de nombreux supermarchés du pays et ont commencé, il y a un an et demi, à tenter de refroidir cette boisson et de lui ajouter les ingrédients nécessaires pour la servir comme un soda en bouteille.
Les expériences ont donné des résultats quand ils ont obtenu une formule « qui permet à la boisson de se conserver jusqu’à cinq mois et à sa saveur de ne pas s’altérer », a affirmé l’interviewé.
A l’infusion de feuille de coca qu’ils ont laissé refroidir « ont été ajoutés du gaz et d’autres ingrédients. Donc, c’est une boisson naturelle, qui est extraite d’une feuille avec du gaz et qui a un goût délicieux ».
« Elle a beaucoup plu aux centaines de personnes qui l’ont goûtée », a-t-il expliqué.
Des échantillons de la boisson en bouteilles de verre transparent qui permettent de voir le soda jaune, mis en bouteille sous le nom de « Coca Sek », sont exposés dans une foire d’artisanat de Bogotá, d’où ils partiront, dans quelques jours, pour rejoindre les rayons des magasins afin d’être vendus aux consommateurs.
L’étiquette dévoile la marque en lettres blanches qui en français veut dire « Coca du soleil » sur un fond bleu avec une bande verte qui fait ressortir le bord.
Le produit sera mis sur le marché le 16 décembre et ils espèrent le commercialiser d’abord dans les régions de Cauca et Valle, au sud de la Colombie et, petit à petit le distribuer à Bogotá afin d’améliorer le prestige de la coca, le produit faisant office d’une sorte de déclaration politique des indigènes colombiens qui, selon Curtidor, refusent de consommer du Coca-Cola.
Curtidor a déclaré que dans la réserve de Calderas, « une campagne a été lancée contre la consommation et l’achat de Coca-Cola. Alors maintenant, nous leur offrons une boisson de substitution ».
Les raisons de ce boycottage de la boisson nord-américaine sont « qu’elle symbolise une domination impériale, c’est un produit d’une transnationale qui n’achète même pas sa matière première en Colombie ».
On a cherché à obtenir un commentaire de la part de Coca-Cola en Colombie mais il a été impossible de l’avoir pour l’instant.
Curtidor a admis que son soda a le désavantage de ne pouvoir être exporté en raison des restrictions internationales en vigueur sur tout produit fabriqué à base de coca. Bien qu’ils soient parvenus à vendre au Canada, en France et aux Etats-Unis de minimes quantités de l’infusion qu’ils préparent, ils ne pensent pas qu’ils pourront le faire à une plus grande échelle.
Cela ne limite pas l’ingéniosité des nasas qui dans leur ardeur pour revendiquer le nom et les usages de la coca ont développé d’autres produits comme du vin, des biscuits et des fruits déshydratés et des recherches des plus novatrices pour fabriquer des savons et du dentifrice avec cette herbe.
« Nous avons un marché très grand à conquérir et les gens, par solidarité et aussi pour le goût si délicieux de la coca, vont nous préférer », a assuré le chef d’entreprise indigène.
[1] [NDLR] Consultez le dossier « Avec Uribe, l’impunité pour les paramilitaires » sur RISAL.