Washington frappe les Pasdaran via le Jundallah

Plus d’une trentaine de commandants des Pasdaran dont le vice commandant des forces terrestres de cette milice et 9 chefs tribaux ont trouvé la mort dans un attentat à l’explosif dans la région de Sistan et Baloutchistan. Le groupe armé du Jundallah dont les membres se réfugient régulièrement au Pakistan a revendiqué l’attentat. Téhéran a accusé les Etats-Unis.

 

Il y a trois ans, le Jundallah s’était fait connaître par une attaque très meurtrière contre un convoi officiel des Pasdaran dans l’est du pays dans une zone frontalière proche du Pakistan. Le groupe équipé d’armes américaines et de lunettes de vision nocturne a par la suite multiplié les coups de force ou attentats uniquement contre cette milice chargée de la sécurité du régime. Quand on regarde de plus près les dates de ces coups, on s’aperçoit que chaque coup est survenu après un rejet par Téhéran d’une offre de dialogue formulée par Washington. L’élément qui confirme ce lien entre les deux processus est qu’en juillet 2008, quand Téhéran a accepté de rencontrer officiellement un représentant américain à Genève, le Pakistan, allié stratégique des Américains dans la région, a arrêté et livré aux mollahs plusieurs commandants du Jundallah qui vivaient au Pakistan.

A la même époque, le Jundallah n’était pas le seul groupe armé menant des actions contre les Pasdaran grâce à des bases arrière chez un Etat voisin, allié des Etats-Unis. À l’autre extrémité de l’Iran, à l’ouest du pays au Kurdistan iranien, le Pejak basé dans la région autonome du Kurdistan irakien harcelait les troupes des Pasdaran. Quand l’administration Bush a délivré les chefs du Jundallah, elle a aussi envoyé un message subliminal aux mollahs en stoppant les attaques du Pejak. On était alors à 6 mois de la fin de son mandat et il espérait finir sur une entente irano-américaine dont les enjeux sont l’accès à l’Asie Centrale, la maîtrise des mollahs faiseurs d’opinion de la rue arabe, mais aussi la paix en Afghanistan car Téhéran approvisionne les Talibans avec des armes russes et chinoises. En dernier lieu, Washington espère utiliser les mollahs pour agiter la région musulmane de Xinjiang où repose 144 milliards de barils de pétrole pour priver la Chine de cette réserve. L’entente permettrait de mettre KO la Chine. Bush n’a pas réussi à parvenir à cette entente vitale dans les derniers six mois de son mandat, malgré les missions de médiation de ses alliés régionaux. En janvier 2009, il a transmis le bébé à Obama. Ce dernier est allé plus loin que Bush en classant le Pejak comme une entité terroriste avant de proposer son offre de dialogue sans condition préalable. Téhéran a refusé. Obama a repris les opérations armées au Kurdistan iranien et au Baloutchistan dès le mois de mars 2009.

On a ainsi retrouvé ces actions paramilitaires en Iran. Certains ont évoqué l’avènement d’une guerre civile susceptible de balkaniser l’Iran. Mais ceci n’a jamais été dans les intentions américaines : pour balkaniser l’Iran, Washington mise sur l’arrivée au pouvoir de ses poulains fédéralistes (comme dans le cas de l’Irak). D’ailleurs pour éviter tout dérapage vers une guerre civile, les deux groupes armés liés à Washington n’ont jamais visé des cibles civiles comme des ponts, des usines, des lieux de cultes, des bâtiments publics ou même des mollahs, mais uniquement des Pasdaran. L’objectif a toujours été de frapper la milice chargée de la sécurité du régime. Il s’agissait donc uniquement d’avertissement : menacer les dirigeants pour qu’ils marchent droit (qu’ils acceptent l’entente). La puissance de chaque frappe était à la mesure de l’importance de l’avertissement.

Le présent attentat est à ce jour l’avertissement le plus fort car il a éliminé le général milicien Shoushtari (ci-dessous), le n°2 des forces terrestres des Pasdaran au niveau national ainsi que les membres de son QG régional, les miliciens Mohammad-Zadeh et Moradi, tous en mission spéciale pour encourager la réconciliation entre le régime et les chefs tribaux. Ce super avertissement est une réponse à une situation exceptionnellement déplaisante pour les Etats-Unis.

 

Motif de l’avertissment

Actuellement, malgré une très forte détérioration de leur situation économique, les mollahs refusent tout apaisement. Washington qui a besoin d’eux comme agitateurs régionaux n’a d’autre choix que de retenir ses sanctions. Il est même allé plus loin car il a autorisé le Français Total et le Coréen GS Engineering & Construction (GS E&C) à engager des négociations avec les mollahs pour investir 10 milliards d’euros en Iran. Les mollahs ont pris l’argent et dévoilé les affaires pour ne rien devoir en échange. Ils ont même laissé entendre qu’ils pourraient remettre en cause leurs derniers engagements nucléaires vis-à-vis des Six lors de la réunion du 19 octobre à Vienne.

En réponse à ce nouveau refus de dialogue, à la veille de cette rencontre, Washington a frappé la tête des Pasdaran. C’est un geste fort, mais sans effet si Washington continue à retenir ses sanctions.

 

Source: Iran – Resist

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