Alors que Biden ouvre in extremis la voie à une nouvelle escalade de l’implication occidentale en Ukraine qui place le monde au bord d’une troisième guerre mondiale, il est d’autant plus urgent pour les peuples européens de comprendre les véritables enjeux derrière l’intervention militaire de la Russie. C’est pourquoi nous partageons ici nos réponses à un lecteur critique de notre livre Ukraine : la guerre des images sur le fond du problème : agression coloniale ou guerre défensive ?
« Vous dîtes : M. Brzezinski avait tout annoncé dans son livre « le grand échiquier ». Oui, mais pourquoi vous ne parlez point de M. Douguine et de son livre « Fondamentaux de géopolitique » (1997) ? C’est fort intéressant, car les prédictions de M. Douguine sont bien en cours : annexion de l’Ukraine, le sacré, l’influence de la Russie sur le monde… »
M. Brzezinski a collaboré avec toutes les administrations US de Carter à Obama, dont il était conseiller aux Affaires étrangères. Il a été l’un des stratèges les plus influents aux États-Unis et les camps démocrates comme républicains partagent le même objectif stratégique de maintenir leur domination sur le monde. M. Douguine, en revanche, n’a jamais eu de tels postes-clés. Si beaucoup de médias occidentaux l’ont dépeint en conseiller occulte de Poutine à partir d’éléments très faibles (BBC[1], Nouvel Observateur[2] par exemple), rien n’indique de lien clair et direct entre les deux hommes. TV5 Monde notait que « le journal russe Argoumenty i Fakty affirme pour sa part que Douguine et Poutine ne se connaîtraient pas, « le limogeage de Douguine par l’université Lomonossov de Moscou montre l’absence de protection du côté du Kremlin »[3]. » Pour l’analyste de guerre états-unien George Barros, spécialiste de l’Ukraine et de la Russie et farouche défenseur de l’Ukraine dans cette guerre, « Douguine le stratège du Kremlin est un mythe des médias occidentaux[4]. » Il affirme cela sur la base de ses propres connaissances proches des arcanes du pouvoir en Russie, mais aussi sur l’analyse de 2017 de la Rand Corporation (l’un des plus gros think tanks états-unien conseillant l’armée et le gouvernement) et du Wilson Center’s Kennan Institute. La Rand écrivait : « Il n‘apparaît pas qu’il influence directement la politique russe. Il est peut-être plutôt vu comme un provocateur extrémiste avec un impact limité et périphérique plutôt que comme un analyste influent avec un impact direct sur la politique menée. »
« Il n’y a aucun doute sur le colonialisme de la Russie. Regardez cette vidéo enregistrée lors de la conférence sur les frontières par M. Medvedev [ex-Président et actuel Vice-Président du Conseil de sécurité] [Conférence du 4 mars 2024 au Festival Mondial de la Jeunesse]. Il reprend les lignes de Douguine. »
Dans cette conférence, Medvedev développe le concept de frontières stratégiques, un périmètre plus large que celui des frontières géographiques de l’État, au sein duquel la stabilité est considérée comme nécessaire à la sécurité et la souveraineté de la Russie elle-même (« un pouvoir souverain, compétent et prévisible dans les pays voisins »). Si la lecture civilisationnelle imprègne tout son discours, ce sont bien les menées impérialistes des USA et de l’OTAN à travers une Ukraine devenue un « bélier contre la Russie » qu’il présente comme la menace à laquelle cette « opération spéciale » a répondu. Il précise que si les dirigeants ukrainiens avaient respecté les accords de Minsk, l’histoire se serait déroulée autrement. Il ajoute qu’il n’y a, pour autant, pas de retour en arrière.
La confusion entre l’espace civilisationnel ou historique russe et l’État russe, entre Russes, russophones et citoyens est patente et volontaire. Cette rhétorique largement problématique – nous y reviendrons – est toutefois toujours défensive. Ainsi sur ses Tweets affichés en arrière-plan on peut lire notamment « chaque pays a le droit d’utiliser la force militaire pour protéger ses citoyens qui sont détruits sur des territoires étrangers », ou encore « La Russie est un pays immense et riche. Nous n’avons pas besoin de territoires étrangers, nous avons tout en abondance. ».
Il convient de noter ici que le parti communiste de Russie, principale force d’opposition politique à Russie Unie, a été un des moteurs principaux pour intervenir au Donbass en soutien aux populations russophones soulevées contre le coup d’État de l’Euro-Maïdan à Kiev. Or le mouvement communiste international s’est illustré depuis sa naissance par son combat anticolonialiste. Cet élément montre qu’il ne faut pas confondre le niveau du discours politique (de Poutine en l’occurrence) et celui de la réalité matérielle. C’est bien de cela qu’il faut partir pour déterminer s’il y a colonialisme. Voici notre analyse :
Ukraine, la guerre des images
25,00 €La Russie n’a actuellement pas les moyens d’être impérialiste. Elle n’a jamais eu de colonies d’où elle aurait pu tirer des surprofits pour alimenter sa puissance. (Notons que l’URSS était tout le contraire d’un empire colonial puisque c’est le centre qui finançait le développement des périphéries, ce qui explique pourquoi c’est la Russie, devenue capitaliste avec Eltsine, qui a voulu sortir de l’Union en premier et l’a ainsi fait imploser. Ceci au mépris du souhait de l’immense majorité des citoyens d’URSS, et en particulier ceux des Républiques « périphériques » où le taux du vote en faveur du maintien de l’URSS au referendum de mars 1991 fut notoirement plus élevé que dans le « centre », à savoir la Russie.)
Ainsi la Russie a toujours occupé une place périphérique au sein du capitalisme devenu impérialiste, sous la pression de cet impérialisme occidentalo-centré qui n’a jamais voulu faire de place à ce géant territorial qui aurait pu devenir un concurrent trop dangereux. Poutine a été du clan Eltsine, car il faisait partie de l’école occidentalisée qui voyait la Russie comme « junior partner » des USA. Mais ceux-ci n’ont jamais joué le jeu du capitalisme sans frontières, dont une partie des élites russes rêvait. Au contraire, on a constaté de 1991 à 2022 une suite de pillages et de surexploitation néocoloniale occidentale accompagnée de provocations otano-états-uniennes, au moyen des fameuses révolutions de couleur[5]. Aujourd’hui encore, l’économie russe est intrinsèquement liée aux entreprises des pays postsoviétiques par des liens de coopérations et de fournitures remontant à l’époque soviétique et qui se sont maintenus. En voulant intégrer l’Ukraine à l’Union européenne et par le biais de l’accord d’association finalement refusé par le président Ianoukovytch, ce qui était visé était en réalité une attaque de l’économie russe. Nous citons à cet égard le constat honnête du Huffington Post (p. 49 dans le livre), que l’on ne peut soupçonner de sympathies pro-russes. L’enjeu de l’accord d’association Ukraine-UE est analysé plus en détail encore dans le livre Ukraine : les torts de l’Occident de Fabrice Garniron aux éditions Delga.
Concrètement, en Russie, la priorité économique est à la reconstruction suite à l’effondrement des années 1990. Pas à la conquête de marchés, moteur objectif réel des visées expansionnistes dans les pays impérialistes dont le capital national atteint une saturation en interne et voit son taux de profit stagner. C’est à l’aune de cette analyse économique que l’on peut décrypter les conceptions idéologiques du pouvoir russe pour ce qu’elles sont. Avec le coup d’État de Maïdan, le gouvernement russe a définitivement compris que les États-Unis cherchaient à casser la Russie et conquérir ses marchés par des méthodes agressives. C’est alors qu’il a mobilisé une rhétorique identitaire néo-tsariste. Faute d’une direction socialiste au pouvoir, il fallait bien offrir à la population un imaginaire pour accepter la guerre (intervention en Crimée, notamment pour sécuriser l’accès à la base militaire de Sébastopol). Dans ce contexte, on observe en Russie beaucoup de confusions idéologiques avec un russo-centrisme réel. Mais il n’est qu’un phénomène réactif face à l’agressivité euro-atlantique qui impose le « diviser pour régner » dans toute l’Eurasie, et pas seulement contre la Russie. Objectivement la guerre devrait pousser la Russie vers un nouveau socialisme, mais les oligarchies n’y ont pas intérêt d’où le patchwork idéologique actuel qui est extrêmement confus et contradictoire. La Russie de Poutine se refuse d’ailleurs à faire une mobilisation nationale, car cela signifierait la fin du système libéral actuel. Elle mène donc une guerre d’usure contre l’Ukraine et l’Occident en espérant qu’ils s’essouffleront et, pour finir, négocieront un compromis.
Nous montrons (pp. 220-222) qu’un mois seulement après le début de la guerre, la Russie était prête à se retirer des territoires ukrainiens en échange de la neutralité de l’Ukraine. Cela contredit factuellement l’hypothèse d’une guerre coloniale. Ce sont les Occidentaux qui ont refusé à Zelensky d’abandonner l’entrée dans l’OTAN pour sauver les vies ukrainiennes. En 2019, le conseiller de Zelensky déclarait déjà : « Notre prix pour rejoindre l’OTAN est une grande guerre avec la Russie » (p. 223). Cette guerre aurait largement pu être évitée si l’alliance transatlantique ne s’était pas entêtée à l’élargir jusqu’à absorber les États aux frontières de la Russie, malgré ses promesses de 1990[6]. De nombreux stratèges aux États-Unis avaient tiré la sonnette d’alarme, comme William Perry, secrétaire à la Défense de Bill Clinton, qui avait failli démissionner en son temps pour s’opposer à la poussée vers l’Est. L’insistance des États-Unis et de leurs médias à parler de la guerre « non provoquée » de la Russie en Ukraine est à ce titre révélatrice en creux de leurs provocations, qu’ils cherchent grossièrement à masquer. Les révélations du New York Times, ultérieures à la parution de notre livre, sur l’implication de la CIA en Ukraine depuis 2014[7] n’ont fait que confirmer l’ampleur des manœuvres occidentales pour empêcher la paix en Ukraine et provoquer militairement la Russie.
« Qui menace qui ? » Vous ne vous sentez pas menacés quand vous savez que la capacité destructrice de la bombe Tsar Bomba est 2 850 fois plus puissante que celle de la bombe d’Hiroshima pendant la Seconde Guerre mondiale ? Soit 25 fois la puissance totale de toutes les bombes qui ont été tirées durant la Seconde Guerre mondiale.
Si l’on illustre cela sur une carte de l’Europe avec la Russie : d’un côté, vous avez 500 bombes nucléaires et de l’autre, vous en avez 5 000. Et les tirs balistiques peuvent atteindre leur cible en moins de 5 minutes. Peu importe le rideau de défense que vous mettez en place, ces bombes atteindront leur objectif.
En tant qu’Européen, êtes-vous serein après mes énoncés ? On peut retourner la question : « qui se défend de qui ? »
C’est bien parce que la menace d’un dérapage nucléaire du conflit, potentiellement exterminateur, est terrifiante que nous combattons d’autant plus les mensonges des médias et appelons sans discontinuer à faire pression sur nos dirigeants pour le cessez-le-feu, des négociations et le retour de la paix. Le fantasme, ressassé ad nauseam, des « ambitions territoriales de la Russie en Europe, après l’Ukraine » est un mensonge criminel qui alimente le risque réel d’une guerre en Europe par voie d’escalade en Ukraine. On manipule la peur des gens, cet allié naturel de la paix, pour fomenter la guerre !
Vous comparez ici les capacités nucléaires de la Russie avec celles des pays de l’Europe en omettant la puissance nucléaire états-unienne. L’Europe bénéficie pourtant du « parapluie nucléaire américain » dans le cadre de l’OTAN et de son fameux article 5, susceptible d’engendrer une réponse collective potentiellement nucléaire à l’agression d’un seul de ses membres. En réalité le nombre d’ogives nucléaires russes et le total des ogives de l’OTAN sont sensiblement équivalents[8], voire à l’avantage de l’OTAN selon les études[9]. Et l’arsenal nucléaire russe est héritier de la course aux armements menée par les États-Unis contre l’URSS et non d’un surarmement délibérément conçu pour menacer l’Europe.
Mais ce type de comparaison purement théorique n’apporte pas grand-chose puisque, si la première arme nucléaire est déclenchée, nous ferons face à un engrenage fatal qui serait techniquement à même de compromettre toute vie sur Terre. L’enjeu est donc d’éviter à tout prix l’utilisation de l’arme nucléaire. D’où l’importance effectivement de bien cerner d’où vient la menace. Il convient alors de rappeler que :
A) Les USA sont les seuls jusqu’ici à avoir utilisé des armes nucléaires contre la population civile du Japon en 1945, alors que celui-ci était militairement vaincu et que le territoire des États-Unis n’était aucunement menacé. C’est bien le contrepoids exercé par l’Union soviétique, ou l’équilibre de la terreur, qui a contraint les États-Unis à ne plus recourir à de telles armes.
B) Ce qui n’a pas empêché le centre impérialiste mondial de confronter militairement des révolutions socialistes très loin de leurs frontières (Corée, Vietnam) et de mener des opérations secrètes partout dans le monde, orchestrant coups d’État et déstabilisations, soutenant les pires dictatures de la planète pour limiter les contre-modèles et continuer à piller le monde au profit de leurs multinationales (Nicaragua, Iran, Chili, Afghanistan pour ne citer que quelques exemples).
L’État voyou
18,00 €C) La chute de l’URSS et la fin de cet équilibre de la terreur a permis aux États-Unis et leurs alliés occidentaux de démultiplier des opérations guerrières ouvertes, en particulier en Yougoslavie et au Moyen-Orient, dans des régions où des États résistaient aux exigences de la mondialisation néolibérale. Synonyme en réalité d’aspirateur à plus-value pour les multinationales US, notamment grâce à l’hégémonie du dollar découplé de l’or, in fine garantie par… la menace militaire états-unienne permanente et la corruption des élites aux quatre coins du globe. Vous n’ignorez pas que les États-Unis disposent de plus de 700 bases militaires dans le monde, leur offrant un contrôle sur la totalité des voies maritimes. Parallèlement et en dépit de ses promesses, l’OTAN a entrepris d’absorber tous les anciens pays du bloc soviétique, jusqu’aux portes de Moscou, en prenant soin d’en écarter la Russie, un temps candidate. Gorbatchev a cru troquer le socialisme contre la paix, les Russes ont récolté le capitalisme et la menace de guerre.
D) Pour couronner le tout, les États-Unis de Trump se sont retirés unilatéralement de plusieurs accords importants de réduction et de contrôle des armes nucléaires, faisant dire à Libération en juin 2020 que « c’est le régime de contrôle des armements et désarmement post-guerre froide qui vacille sous les assauts répétés de la Maison Blanche[10] ».
Sans avoir à l’esprit cet historique, que les médias prennent soin de passer sous silence, il est alors facile pour nos dirigeants occidentaux de présenter les agissements actuels de la Russie comme des menaces. Arguant du soutien logistique et militaire des États-Unis à l’Ukraine, la Russie a suspendu en février 2023 le dernier traité de limitation nucléaire bilatéral entre les deux pays, afin de stopper les partages d’information et visites de contrôle réciproques, tout en assurant continuer à respecter les engagements du traité baptisé « New Start », applicable jusque 2026. Ce conflit qui met aux prises les deux blocs nucléaires les plus armés de la planète constitue indubitablement une menace gravissime pour le monde. Dans ce contexte, les dirigeants occidentaux, Biden en tête, font preuve d’une irresponsabilité inouïe en autorisant l’Ukraine à frapper la Russie avec leurs missiles de longue portée, car tout État disposant de l’arme nucléaire, arme à juste titre appelée « de dissuasion », cherche par ce moyen à protéger son territoire de toute attaque.
Le 19 novembre dernier, la Russie a révisé sa doctrine nucléaire en abaissant considérablement son seuil d’utilisation. De réponse à une menace sur « l’existence même de l’État », l’arme nucléaire peut désormais répondre à toute « menace critique sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Russie », notamment en cas d’attaque aérienne massive, par avions ou par drones. Toutefois, Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche stratégique financée et dirigée par le ministère français des Armées – pas un agent d’influence russe donc – rappelle que « contrairement à ce que l’on dit souvent [depuis le début de l’offensive en Ukraine], il y a extrêmement peu de signaux et d’agressivité nucléaires russes de la part du Kremlin. » Cette « nouvelle doctrine nucléaire reste assez « classique », et ne constitue pas une révolution stratégique. » « La Russie veut être prise au sérieux, car ses fameuses lignes rouges ne sont pas respectées et ses avertissements sont ignorés[11] » analyse-t-il.
Si l’on compare en effet avec la doctrine nucléaire française, on retrouvera un même flou sur les conditions d’emploi, les « intérêts vitaux » de la France n’étant jamais définis. Et une conception du périmètre de la sécurité nationale qui ne se limite pas aux frontières du territoire, tout à fait similaire à celle des « frontières stratégiques » de Medvedev. « La France doit se sentir menacée dès que les territoires de l’Allemagne fédérale et du Benelux seraient violés » disait de Gaulle en 1964 aux responsables des forces nucléaires[12]. Posture officialisée dans le Livre Blanc de 1972 : « Nos intérêts vitaux se situent sur notre territoire et dans ses approches. » Ensuite confirmée successivement par tous les présidents, avec un périmètre tendant de plus en plus à englober l’Europe entière. Ainsi le 7 février 2020, Macron proclamait aux officiers de l’Ecole de guerre que « les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne ».En matière nucléaire, en France comme en Russie, on ne saurait confondre déclarations politiques et protocole militaire réel. Car le propre de la bombe atomique est d’être un levier politique pour éviter la guerre.
Ces rappels donnent une réponse plus complète à la question « qui menace qui ? ». Et comme le pointe Greenpeace dans un récent rapport, hormis le domaine nucléaire, les pays de l’OTAN dépensent dix fois plus que la Russie dans leurs forces armées. Même sans les États-Unis, les forces de guerre conventionnelles européennes surpassent celles du voisin russe[13]. Cette nouvelle « course aux armements des pays occidentaux » que dénonce Greenpeace n’est pas sans effet sur la Chine et la Russie qui, à leur tour, se réarment. Il faut toutefois être capables de voir qui alimente les tensions pour enrayer ce cycle infernal et mortifère pour les peuples. Notre combat est tout entier dirigé vers la paix. C’est en ce sens que Michel Collon et Saïd Bouamama ont écrit le livre « La gauche et la guerre » que nous vous recommandons vigoureusement[14]. Et que notre livre sur l’Ukraine vise à « s’armer [bien sûr avec les armes de la connaissance et de l’action pacifique] pour défendre la paix » (p. 417).
« Cette guerre est grotesque. Elle a été alimentée par de nombreuses personnes. Retirer les attentions de la Russie sur l’Ukraine est un déni de communiquer une grosse part de la vérité. »
Le but de notre livre était de fournir une analyse critique de nos médias, ceux qui influencent l’opinion des gens autour de nous, et de fait les poussent à soutenir la guerre plutôt qu’à défendre la paix. Nous l’annoncions dès la deuxième page de l’introduction : « Être critique envers le discours des politiques et des médias occidentaux ne signifie pas approuver le discours russe. Bien sûr, chaque État en guerre mène sa propagande, que ses citoyens ont intérêt à analyser avec esprit critique. Puisque nous vivons en Occident et sommes influencés par cette propagande de guerre-là, nous balayons devant notre porte… ».
Nous n’éprouvons aucune sympathie pour le nationalisme de Poutine. Mais derrière les idéologies, notre enquête montre que ce sont les pays occidentaux, États-Unis et Grande-Bretagne en tête, qui ont utilisé l’Ukraine pour mener une guerre économique et militaire contre la Russie. Une guerre que Poutine a tenté d’éviter pendant huit ans. Une guerre que l’Ukraine perd sur le champ de bataille et que les pays occidentaux continuent pourtant chaque jour d’envenimer, avec le sang des Ukrainiens, et plaçant aujourd’hui les populations européennes face au terrible danger de se retrouver embarquées dans une guerre directe avec la Russie.
L’absence de condamnation de l’intervention russe en Ukraine en dehors des pays occidentaux, bien que celle-ci viole le droit international, est très révélatrice. Les pays de l’Ancien Monde colonisé sont conscients qu’il s’agit d’une guerre défensive de la part de la Russie, et que ce sont les États-Unis et leurs vassaux qui l’ont provoquée. À l’heure où Gaza colonisée souffre le martyre avec le soutien de l’ensemble du bloc occidental, comment accorder un quelconque crédit à leur version des faits sur le conflit en Ukraine, duquel ils sont partie prenante ? Leur prétendue défense du droit international et de la souveraineté de l’Ukraine face aux appétits territoriaux de l’ogre russe ne sonne-t-elle pas comme une farce honteuse lancée à la face de l’humanité ?
Michel Collon, Daniel Garcia, José Antonio Egido et Pauline Detuncq du collectif Test Médias, avec l’aimable concours de Bruno Drweski, auteur de « La nouvelle Russie est-elle de droite ou de gauche ? », 2016, éditions Delga.
Source: Investig’Action
[1] https://www.bbc.com/afrique/monde-61118506
[2] https://www.nouvelobs.com/monde/ukraine-la-revolte/20140503.OBS6009/le-raspoutine-de-poutine.html
[3] https://information.tv5monde.com/international/russie-qui-est-alexandre-douguine-lideologue-de-poutine-1144216
[4] https://providencemag.com/2019/07/west-overestimates-aleksandr-dugins-influence-russia/
[5] Voir à cet égard le documentaire très instructif de Manon Loizeau « États-Unis : à la conquête de l’Est ».
[6] https://www.monde-diplomatique.fr/2018/09/DESCAMPS/59053
[7] https://www.nytimes.com/2024/02/25/world/europe/cia-ukraine-intelligence-russia-war.html
[8] https://www.lefigaro.fr/international/vu-d-ailleurs-n0151-le-nucleaire-seul-domaine-dans-lequel-la-russie-egale-l-otan-20241116 ;
[9] https://www.armscontrol.org/factsheets/nuclear-weapons-who-has-what-glance
[10] https://www.liberation.fr/planete/2020/06/16/donald-trump-deserte-les-traites-internationaux_1791473/
[11] https://www.lefigaro.fr/international/bruno-tertrais-depuis-le-debut-de-la-guerre-en-ukraine-washington-et-moscou-font-montre-d-une-grande-maitrise-de-l-escalade-20241122
[12] https://www.frstrategie.org/publications/defense-et-industries/dissuasion-nucleaire-francaise-enjeu-europeen-2024
[13] https://www.lefigaro.fr/international/vu-d-ailleurs-n0151-le-nucleaire-seul-domaine-dans-lequel-la-russie-egale-l-otan-20241116
[14] Saïd Bouamama, Michel Collon, La gauche et la guerre, Investig’Action, Bruxelles, 2019.