Trois questions sur la crise politique au Sénégal à Joseph Mendy du Pastef Belgique

Alors que le début de la campagne présidentielle devait s'ouvrir ce samedi 03 février, le président Macky Sall annonçait le report des élections présidentielles prévues le 25 février. Nous interviewons Joseph Mendy pour en savoir plus sur ce qui se passe au Sénégal. 

Que se passe-t-il au Sénégal depuis samedi?

Le président sortant a décidé en évoquant un décret, d’annuler les élections présidentielles du 25 février. Ce qu’il s’est passé c’est un coup d’État constitutionnel! En tant que président, la constitution ne lui permet pas de faire ça, il n’a pas ce pouvoir ni les compétences d’annuler ou de reporter des élections.

Il y avait des suspicions laissant croire que le président n’était pas prêt à partir malgré ses promesses de renoncer à la candidature du troisième mandat.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer son comportement. L’impopularité de son dauphin a été de plus en plus flagrante. Son parti est en crise avec la démission de ministres qui ont osé se présenter sur la liste de candidats pour la présidence.

Il a tenu des propos lors d’une rencontre avec des militants en France, lors de laquelle il a déclaré que s’il perdait les élections ils iraient tous en prison. Les vidéos sont sur la toile. Cela justifie à mon avis son acte anticonstitutionnel et antidémocratique.

C’est une atteinte flagrante à la démocratie et à l’état de droit au Sénégal. Depuis l’indépendance, il y a toujours eu des élections, sans céder aux menaces de coups d’Etat militaire. L’exemple du Sénégal est régulièrement cité comme un pays démocrate. Depuis ce samedi cette tradition est remise en cause. Macky Sall prive là le peuple sénégalais de ce droit fondamental qui est de choisir nos représentants!

Des manœuvres politiques se font dans toutes les instances par le régime en place. Nous l’avions constaté depuis que le leader du PASTEF Ousmane Sonko s’est présenté comme candidat aux élections présidentielles de 2024. L’invalidation de sa candidature est purement et simplement politique mais elle est évitée sous un prétexte juridique. En si peu de temps on a vu opérer une justice à deux vitesses alors que le motif de l’invalidation de sa candidature a été mené par des administrateurs d’Etat comme la CDC (caisse de dépôt et de consignation). Ils n’ont pas remis au mandataire de Ousmane Sonko la quittance après avoir déposé sa caution et cette quittance est un élément qui compte pour avoir un dossier complet .

Comment réagit la population et l’opposition politique ?

La décision de monsieur Sall plonge le Sénégal dans l’incertitude. Il y a de la frustration, beaucoup de gens ont été surpris !

Même si les militants de Pastef savaient que Sall n’avait pas dit son dernier mot, qu’il ne respecte pas forcément sa parole et nous a habitué à ses manœuvres, nous ne nous attendions pas à un tel coup. La réaction de la population sénégalaise était d’abord de ne pas tomber dans des violences. Une majorité attendait le jour du 25 février pour le sanctionner par le vote. On croit dans l’état de droit.

Mais beaucoup de gens sont abasourdis, meurtris, après avoir déjà beaucoup lutté pour que ce président parte. Le réflexe naturel était tout de même de sortir dans les rues et manifester contre cette décision. Mais les forces de défense ont quadrillé les zones les plus ciblées par les manifestants comme la place de l’indépendance et l’assemblée nationale.

L’opposition dénonce ce coup d’État constitutionnel. Des manifestations ont lieu partout au Sénégal. L’opposition exige que l’on rétablisse la date initialement fixée pour l’élection présidentielle. Nous allons continuer notre campagne électorale ! Ce que l’on répète c’est “Macky Sall n’est plus président le 2 avril”!

L’Assemblée nationale était très chaotique lundi ! Des députés de l’opposition et des indépendants n’étaient pas d’accord avec ce qu’impose le parti présidentiel. Il y avait une présence de force de l’ordre à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’assemblée nationale. Nous allons user de tous nos droits pour arrêter cette situation indigne. Pour moi, comme pour d’autres, c’est un coup d’Etat constitutionnel.

En tant que Collectif de la Diaspora pour la Défense de la Démocratie Sénégalaise nous organisons une manifestation contre le coup d’État au Sénégal par Macky Sall ! Le rassemblement est ce jeudi à 16h à la station de métro Porte de Namur à Bruxelles, avec une marche vers la Place du Luxembourg.

On a vu récemment le rôle que peut jouer la Cédéao quand il s’agit d’intérêts occidentaux menacés, comment agit-elle actuellement?

Ils sont dans l’obligation de la prudence surtout sachant que la zone du Sahel (dont le Sénégal fait parti ) est dans une instabilité. Si le Sénégal tombe dans la crise cela peut se répercuter sur les intérêts qui lient les pays membres de la Cédéao , dont le but est de promouvoir la coopération et l’intégration avec l’objectif de créer une union économique et monétaire ouest-africain et comme on dit souvent les pays n’ont pas d’amis mais que des intérêts.
Ils ont adressé un communiqué en rappelant les règles générales et appelant à la stabilité mais ils ne se sont pas adressés directement à Macky Sall comme ils l’ont fait avec les putschistes dans d’autres pays voisins.


Source : investig’Action

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