Alors que la mobilisation se renouvelle chaque jour en France face à la contre réforme néolibérale et impopulaire de Emmanuel, nous avons interrogé maître Berenger Tourné.
Avocat notamment de Salah Hamouri, de Gilets jaunes et de syndicalistes, il est membre du Syndicat des avocats de France dont la présidente fustigeait hier la répression violente du mouvement social. Face aux comportements brutaux de la police et aux mensonges du gouvernement français, il nous explique comment faire valoir ses droits.
Quelle est votre réaction générale à ce déferlement de violences de la part de la police dans les manifestations ces derniers jours ? Que fait l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), ont-ils les moyens et surtout la volonté d’agir face aux dérives policières qui semble être devenues plus un fonctionnement général qu’une dérive ?
C’est effrayant. Non seulement les scènes de violences policières, que les médias meanstream ne montrent pas, alors que les images pullulent sur les réseaux sociaux, mais aussi la violation du droit de grève par l’abus des réquisitions et de la liberté de manifestation. Il faut dire et redire que manifester n’est pas une infraction mais l’exercice d’une liberté, une liberté fondamentale, et cela que la manifestation soit déclarée ou non ! La Cour de cassation n’a de cesse de rappeler qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée. Donc, normalement, aucune interpellation ne saurait être justifiée au motif que la manifestation n’a pas été déclarée. Mais dans les faits, nous sommes dans un état de droit à géométrie variable en fonction de ce qui plait au Prince…
Concernant l’IGPN c’est 270 agents environ sachant qu’on y trouve un personnel administratif de 20% environ ce qui laisse environ 220 policiers. Il n’est donc pas difficile d’imaginer la saturation du service, puisque, si j’en crois le rapport annuel de 2021 de l’IGPN, le service aurait reçu environ 6000 signalements cette année-là… Cela traduit la volonté du régime de laisser une pleine latitude aux forces de l’ordre qui continue à « nasser » systématiquement les manifestants – on l’a vu encore ces derniers soirs – au mépris de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Quand à l’usage de la matraque, il n’est plus question ni de nécessité ni de proportionnalité. Enfin, il y a la politique du chiffre, reprise à l’unisson par les chaines info : on place en garde à vue sans motifs – c’est-à-dire sans raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction – et dans plus de 90% des cas, il n’y a pas de déferrement ou alors devant un délégué du procureur pour se voir notifier un avertissement, comme ce fut le cas de l’un de mes clients interpellé lors de la manifestation du 15 mars, après son matraquage en règle pour lequel nous saisirons l’IGPN et s’il le faut un juge d’instruction.
La stratégie du gouvernement semble être comme on l’a vu avec les gilets jaunes, la répression policière jusqu’à l’épuisement. Certaines informations parlent de fatigue et mécontentements dans la police contre les directives du gouvernement, est-ce possible de voir une partie des policiers se lever contre ce déferlement de violences ?
Certaines informations vraiment ? Lesquelles ? Quant à on voit le zèle avec lequel les forces de l’ordre sont intervenus lundi dernier à Fos-sur-Mer… La police s’honorerait à faire « crosse en l’air » et œuvrer à redevenir républicaine et au service des citoyens.
Comment peuvent se défendre des personnes qui manifestent et se voient arrêtées abusivement ?
Même face à l’arbitraire et la violence, il ne faut pas résister, ni invectiver lorsque l’on est interpellé, pour éviter de tomber sous le coup des délits d’outrage et rébellion qui sont les shoestrap classiques permettant aux policiers de sauver leur procédure. Une fois interpellé et placé en garde à vue, il faut systématiquement demander l’assistance d’un avocat (des avocats de permanence, rompus à l’exercice de la garde la vue, interviennent à n’importe quelle heure, quelque soit le jour), à voir un médecin et faire appeler ses proches pour les informer de la mesure. Dans le cas de syndicalistes ou militants, cela peut permettre d’organiser un rassemblement de soutien aux abords du commissariat qui va mettre la pression et dans certains cas permettre d’éviter une comparution immédiate et se voir libérer sans charge ou convoquer ultérieurement. Ensuite, il faut ne rien reconnaître qui n’ait été commis, au besoin en faisant usage de son droit au silence car nul n’est tenu de répondre aux questions et l’avocat est précisément là en GAV pour faire respecter ce droit, bien relire ses déclarations et si l’on est déféré, en fonction des cas, demander un délai lors de sa comparution immédiate pour préparer sa défense.
Photo : wikimedia.org, Toulouse 2014