Il y a six semaines, une délégation de deux personnes est arrivée en secret à Damas : il s’agissait de civils d’Alep représentant des éléments de l’Armée syrienne libre, le groupe rebelle composé essentiellement de combattants qui ont déserté l’armée du régime dans la première année de la guerre. Ils ont fait l’objet d’une garantie de sécurité, et ont rencontré, me dit-on, un haut fonctionnaire au sein des proches collaborateurs du président Bachar al-Assad. Et ils avaient avec eux une proposition extraordinaire : qu’il pourrait y avoir des pourparlers entre le gouvernement et les officiers de l’ASL (Armée Syrienne Libre) qui « croit en une solution syrienne » à la guerre.
La délégation a traité 4 points : qu’il doit y avoir un « dialogue interne syrien » ; que les propriétés privées et publiques doivent être maintenues ; qu’il doit y avoir une fin – et la condamnation – pour les conflits civils, sectaire, ethniques, et que tous doivent travailler pour une Syrie démocratique où le droit primera. Il n’y avait pas de demande – au moins à ce stade – pour le départ d’Assad.
La réponse est apparemment venue rapidement. Il devrait en effet y avoir « un dialogue au sein de la patrie syrienne », et aucune condition préalable pour le dialogue et la garantie de la sécurité présidentielle pour les hommes de l’ASL y participant.
Et maintenant, paraît-il, un autre développement remarquable est en train de se produire : dans sept zones tenues par les rebelles dans Ale – la plupart d’entre elles sous le contrôle de l’ASL – les employés civils peuvent retourner au travail dans leurs bureaux et les institutions gouvernementales et les écoles peuvent rouvrir.
Les étudiants qui sont devenus des miliciens au cours des deux dernières années seront désarmés et retourneront dans leurs salles de cours.
Certains membres de l’ASL ont formé ce qu’ils appellent l ’« Union nationale pour le salut de la Syrie », même si les membres de l’opposition politique dans les zones échappant au contrôle du gouvernement ont perturbé des réunions en condamnant l’armée gouvernementale et, selon les personnes impliquées dans le « syndicat », en faisant des commentaires sectaires à l’encontre des chiites et condamnant l’Iran.
La semaine dernière, il y a eu plusieurs défections d’unités de l’ASL au profit du Front al-Nusra, lié à al-Qaïda, ce qui a compliqué encore les choses. Si l’ASL est prête à discuter avec le régime, combien seront-ils encore à prendre part à de futurs accords entre les deux parties ?
Depuis des mois , les responsables pro-régime ont exploré comment ils pourraient ramener les déserteurs de l’armée de leur côté – et la croissance du Front al-Nusra et d’autres groupes islamistes a certainement déçu plusieurs milliers d’hommes de l’ASL qui estiment que leur propre révolution contre le gouvernement a été volée. Et dans les zones de la province de Homs, il est un fait que les combats entre l’ASL et l’armée ont pratiquement cessé. Dans certains villages et villes tenus par le gouvernement, l’ASL est présente sans être inquiétée.
Et les avantages pour Assad sont clairs. Si les hommes de l’ASL pourraient être ramenés dans les rangs de l’armée du régime en toute sécurité, de vastes zones de territoires tenus par les rebelles reviendraient sous contrôle du gouvernement sans coup férir. Une armée renforcée par ses déserteurs revenus au bercail pourrait alors se retourner contre al- Nusra et de ses affiliés d’Al-Qaïda au nom de l’unité nationale.
Les combattants islamistes dans l’opposition syrienne sont certainement une source de profonde préoccupation pour tous ceux qui sont impliqués dans la guerre – pas moins, bien sûr, pour les Américains qui continuent de tergiverser quant à savoir s’ils doivent donner des armes aux rebelles.
Après que l’administration américaine ait suivi les conseils de John McCain, quelques-unes des armes qui auraient été données à l’ASL seraient déjà dans les mains d’ al-Nusra, maintenant que trois unités au sein de l’ASL sont passées du côté islamique. Les combattants islamistes en Syrie sont quant à eux en train de devenir une menace sérieuse pour l’existence même des chrétiens du pays.
Les évêques et les patriarches de toute la région se sont réunis à Beyrouth vendredi dernier pour déplorer l’exode des chrétiens du Moyen-Orient. Le cardinal catholique maronite Bechara Rai, du Liban, a décrit comment pour les chrétiens,« le ’printemps arabe’ avait tourné à l’hiver, au fer et feu » .
Les prélats ont été particulièrement bouleversés par les énormes dégâts causés aux églises de Raqqa – maintenant sous le contrôle du groupe al-Nusra – et par l’ attaque d’al-Nusra sur Maaloula.
J’ai moi-même vu la semaine dernière combien pervers était cet assaut sur ??la ville syrienne à majorité chrétienne au nord de Damas. Dans les foyers chrétiens, les crucifix avaient été brisés, et les envahisseurs d’al-Nusra semblaient prendre un malin plaisir à ravager les maisons [des chrétiens]. Dans un appartement en sous-sol, ils avaient vidé le réfrigérateur de la nourriture qui s’y trouvait et fourré à l’intérieur plein de chaussures.
Maintenant, je vais vous exposer quelque chose qui va vous secouer !
Alors que le monde s’était convaincu que le régime Assad avait tiré les obus à gaz sarin le 21 août, il est vraiment temps de lire la version intégrale du rapport des inspecteurs d’armes chimiques des Nations Unies venus en Syrie.
Les détails de la mort et de la souffrance des innocents de la région de Ghouta de Damas donnent froid dans le dos. Deux frères, apparait-il, étaient les seuls survivants de leur famille de 40 qui vivait tous dans le même immeuble. Mais un ou deux paragraphes méritent une lecture attentive:
« Un chef des forces d’opposition locales (sic) qui était dit important dans la région … a été identifié et invité à prendre ’soin’ de la mission [de l’ONU], » dit le rapport. Naturellement, les inspecteurs des Nations Unies voulaient se sentir en lieu sûr. Mais ils étaient, de fait, entre les mains des rebelles. Une liste de questions pour les victimes a également été « distribuée aux contacts de l’opposition ».
Un peu plus inquiétant, cependant, est un court paragraphe de la page 22.
Sur les sites où des missiles de gaz sarin ont été tirés, dit le rapport, les inspecteurs ont constaté que « les emplacements ont été bien visités (sic) par d’autres personnes avant l’arrivée de la mission …
Pendant les moments passés à ces endroits, les individus en question sont arrivés en transportant d’autres munitions suspectes, ce qui indique que ces éléments de preuve potentielle ont été déplacés et éventuellement manipulés ».
Manipulés ? Bizarre, mais je ne me souviens pas d’avoir vu cette citation dans les reportages des médias sur le rapport des inspecteurs …
* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.
Traduction : Info-Palestine.eu – al-Mukhtar
Source : Independent.co.uk
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