Sur la visite d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en Amérique du Sud

Les 17 et 18 juillet, Bruxelles accueillera une trentaine de dirigeants d’Amérique du Sud et des Caraïbes à l’initiative de la Commission européenne. Le traité commercial gelé entre l’UE et certains pays d’Amérique du Sud, appelé « Mercosur », devra être réactivé. Pour s’y préparer, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est rendue en Amérique du Sud le 12 juin. Elle y a rencontré successivement les présidents du Brésil, de l’Argentine, du Chili et du Mexique. Outre le commerce, la politique était également à l’agenda : gagner des âmes pour la guerre de l’Occident contre la Russie et la Chine.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’est pas une personnalité irréprochable. Elle est issue de l’ancienne élite allemande. En tant que ministre de la Défense, elle a donné des dizaines de millions à des sociétés de conseil, pour des raisons qui ne sont pas claires. Dans le cadre de l’accord d’un milliard de dollars avec Pfizer lors de la crise Covid, elle a refusé de faire la lumière sur ses communications avec le géant pharmaceutique Pfeizer.

La guilde des diplomates volants

Ursula von der Leyen est une atlantiste endurcie et agit en missionnaire, comme consul général de Washington en Europe. La confrontation de l’Occident avec la Russie et la Chine ne se déroule pas sans heurts. La Russie n’a pas été écrasée par la guerre économique occidentale et n’est pas isolée dans le monde. La Chine poursuit son développement en vue de devenir une superpuissance sous la direction du parti communiste dans le cadre d’un projet à long terme de « socialisme aux caractéristiques chinoises ». À la grande fureur des élites occidentales. Il faut faire quelque chose.

Ursula appartient à la guilde des hauts diplomates occidentaux qui parcourent le ciel avec des dizaines d’avions en partance pour des pays lointains dans une croisade contre la Russie et la Chine. Et dans le même temps, pour négocier de nouveaux accords commerciaux afin de neutraliser la dépendance européenne vis-à-vis de ces pays.

La plupart des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud souhaitent commercer et coopérer, mais certainement pas entrer en guerre économique avec la Russie et la Chine. Ils rejettent l’invasion, mais prônent la désescalade et les négociations pour l’Ukraine.

Les Allemands s’envolent pour l’Amérique du Sud

La tournée d’Ursula en Amérique du Sud, ans la foulée de son voyage désastreux en Chine, fait suite au voyage du chancelier allemand Olaf Scholz au Brésil au début de l’année. Il est venu ouvertement demander des livraisons d’armes à l’Ukraine. Le social-démocrate allemand est revenu bredouille de son voyage et il a dû écouter, lors d’une conférence de presse, le président social-démocrate L.I. Lula da Silva que le Brésil ne participerait pas à la fièvre guerrière. Il appelle à la désescalade, aux initiatives de paix et aux pourparlers. Il y a quelques semaines, la belliqueuse ministre allemande des affaires étrangères, Annelena Baerbock (Verts), a reçu une douche froide. Le président brésilien et son ministre des affaires étrangères n’ont pas eu le temps de lui parler, bien que la visite ait été planifiée à l’avance.

Le président était trop occupé à préparer la réunion des BRICS en août prochain et le ministre des affaires étrangères Mauro Vieira était en Éthiopie pour s’entretenir avec le premier ministre de ce pays. La ministre Annelena Baerbock a dû se contenter d’un assistant du cabinet du ministre.

Agenda économique et géopolitique

Ursula von der Leyen a un agenda économique et géopolitique lors de sa visite au Brésil, en Argentine, au Chili et au Mexique. En tant qu’atlantiste, elle est la vendeuse européenne des plans de Washington sur l’Ukraine et la Russie. Washington laisse à Ursula le soin de traiter avec les voisins méridionaux des États-Unis. En effet, les États-Unis eux-mêmes ne sont plus bienvenus dans de nombreux pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes, compte tenu de leur histoire sanglante et douloureuse avec les États-Unis.

Ursula a tenté de sortir du congélateur le projet d’accord commercial entre l’UE et le Mercosur. Ce projet est le fruit d’un long calvaire de négociations. Il a été lancé en 1999. En 2019, l’UE a signé un accord de principe avec les pays du Mercosur (Brésil, Paraguay, Uruguay et Argentine).

Il a été mis au congélateur parce qu’au Parlement européen et dans les milieux syndicaux et environnementaux, on disait qu’il y avait trop peu de normes applicables en matière de droits du travail et de normes environnementales.
Les 17 et 18 juillet, à Bruxelles, le projet d’accord sera à nouveau discuté dans le but de le signer définitivement d’ici la fin de l’année.

Huile de graissage

Pourquoi l’accord gelé du Mercosur est-il réactivé maintenant ? Comme nous l’avons dit, il s’agit de contrer la montée en puissance de la Chine et les sanctions contre la Russie. Il oblige la Commission européenne à trouver de nouveaux partenaires pour les marchés et les fournisseurs de matières premières.
En prévision de cet accord, Mme Von der Leyen a fait un certain nombre de promesses pour améliorer les relations. L’UE a promis d’investir dix milliards d’euros dans les pays d’Amérique du Sud, principalement dans des projets de lutte contre le changement climatique, de développement des énergies vertes et de l’économie numérique, en échange d’une coopération dans le domaine de l’extraction des terres rares. Au Brésil, l’UE investit 2 milliards d’euros dans la production d’hydrogène plus propre et 430 millions d’euros dans des projets de lutte contre la déforestation. Pour le Brésil, tout cela est bienvenu. Mais les responsables politiques voient aussi les difficultés.

Le président Lula appelle au développement national

L’UE, comme tous les régimes coloniaux, considère le Sud presque uniquement comme un fournisseur de matières premières, tandis qu’elle vend des technologies et des produits de pointe aux pays du Mercosur. Les pays du Sud importent donc des produits occidentaux hautement développés, alors qu’ils risquent eux-mêmes de rester sous-développés. M. Von der Leyen appelle cela la réindustrialisation des pays du Mercosur.

Le président de centre-gauche L.I. Lula da Silva prend ses distances avec ces recettes néocoloniales. Il veut donner la priorité au développement intérieur de l’économie brésilienne. Par exemple, il ne veut plus que les entreprises européennes soient autorisées à participer aux appels d’offres publics. Alors que le Mercosur était gelé, le Brésil a développé sa propre industrie automobile avec des emplois bien rémunérés. Le président veut protéger cette industrie et d’autres industries brésiliennes des multinationales européennes.

Le travail des enfants, le travail forcé et l’esclavage, enracinés dans des siècles de colonialisme européen, sont des plaies dans le tissu social brésilien. Ursula von der Leyen n’a guère de leçons à donner en la matière. L’entreprise allemande Volkswagen do Brasil, basée au Brésil, était par exemple un champion des relations de travail inhumaines.  Grâce aux deux précédents règnes de Lula et de Dilma Rousseff, sa collègue au sein du parti des travailleurs, (2000-2015), de grands progrès sociaux ont été réalisés mais drastiquement réduits à nouveau sous le néo-fasciste Jair Bolsonaro (2019-2022).

Comme toujours, le niveau d’hypocrisie est élevé chez les Européens. D’une part, l’accord du Mercosur augmentera les exportations brésiliennes de soja, de riz, de maïs, de farine, de bétail et de poulets vers l’UE. Les puissantes entreprises agroalimentaires brésiliennes continueront à promouvoir la déforestation pour exporter ces produits vers l’Europe. Dans le même temps, l’UE demande à Lula d’intensifier la lutte contre la déforestation, ce que le président fait déjà (en défendant les populations indigènes).

On ne menace pas un partenaire de sanctions

Ursula von der Leyen a présenté un addendum rédigé par l’UE qui prévoit des obligations supplémentaires pour le Brésil et les autres pays dans l’accord du Mercosur, et des sanctions en cas de non-respect. Les présidents du Brésil et de l’Argentine rejettent cette approche. Le président L.I. Lula da Silva a critiqué cet addendum lors de la conférence de presse conjointe à Brasilia. Il a déclaré qu’ « entre partenaires stratégiques, le point de départ devrait être la confiance et non la méfiance et encore moins les sanctions ». (cfr TV TeleSur)

Ce qui n’est pas non plus de nature à favoriser les Brésiliens et les Argentins, ce sont les tentatives incessantes des Allemands d’imposer leur logique de guerre contre la Russie et l’Ukraine. Alors que les pays du Sud ont une approche totalement différente du conflit ukrainien et du rôle de l’OTAN et des Américains dans celui-ci. Lors de la conférence de presse, Mme Von der Leyen a exprimé l’espoir que le Brésil soutienne la position de Bruxelles – c’est-à-dire de Washington – sur le conflit ukrainien. Elle a une fois de plus accusé la Russie d’être à l’origine des problèmes liés à l’énergie et aux engrais. Les Sud-Américains y voient une intrusion dans leur souveraineté à prendre des décisions autonomes sur les questions internationales. Ursula von der Leyen, la représentante attitrée de Washington en Europe, a fait un voyage épuisant en Amérique du Sud. Il s’agissait plutôt d’un voyage de découverte, d’un voyage scolaire de la présidente de la Commission européenne pour découvrir le monde du Brésil, de l’Argentine, du Chili et du Mexique. Elle a dû prendre conscience qu’en tant que conservatrice de droite, elle devait s’adresser à des présidents élus de gauche au Chili, au Mexique, en Argentine et au Brésil.

Ursula von der Leyen devra apprendre que : le vol de l’or vénézuélien par des pirates britanniques, la guerre économique de 60 ans contre Cuba, des années de dictatures sanglantes de droite, les projets de la Russie et de la Chine, tout cela et bien d’autres choses encore ont réduit l’espace d’influence des élites occidentales. Peut-être Ursula a-t-elle fait quelque chose d’utile après tout, en apprenant à manger des empanadas et des cachapas sur le riche et multicolore continent sud-américain.

 

Source : Dewereldmorgen

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