Avant que la crise du coronavirus explose à la figure du monde, le Chili était en ébullition. L’augmentation du prix du ticket de métro avait mis le feu aux poudres, débouchant selon certains sur la plus grande crise politique et sociale depuis le coup d’Etat de Pinochet en 1973. Dans un entretien passionnant accordé au magazine De Frente, l’historien Sergio Grez explique les enjeux de cette rébellion populaire, les réponses politiques apportées jusque là et l’impact que pourrait avoir la pandémie de coronavirus.
Comment caractérisez-vous ce qui s’est passé au Chili depuis le 18 octobre de l’année dernière : “rébellion populaire”, “explosion sociale”, “révolution” ?
Le terme “explosion sociale” est imprécis, car il ne rend pas compte de l’ampleur, des caractéristiques et du contenu, de ce qui se passe au Chili depuis le 18 octobre 2019.
Il peut tout au plus être utilisé pour désigner le moment initial de ce mouvement car “explosion” renvoie à l’idée d’une explosion inorganique de troubles sociaux, un simple déchaînement passionnel, un “éclatement” de plus, comme tant d’autres dans l’histoire, un mouvement éphémère dont la signification politique – si elle en a une – est très difficile ou impossible à lire. Ce n’est pas ce que nous vivons.
Bien que son origine ait été absolument spontanée (personne ne l’a planifiée, organisée ou convoquée), en quelques jours, il est apparu clairement que l’ensemble des revendications soulevées par des millions de personnes, qui, de manière très différente dans tout le pays, exprimaient le rejet du néolibéralisme, des cadeaux fiscaux aux plus riches, de l’inégalité, et des abus des hommes d’affaires et politiques professionnels, exigés en contrepartie des droits sociaux universels garantis par l’État.
Le mouvement en cours a également rapidement exprimé une demande de modification de la constitution par le biais d’une Assemblée constituante libre et souveraine. Ces traits de politisation évidente nous permettent de caractériser ce mouvement persistant (lorsque la pandémie COVID-19 a commencé, elle avait cinq mois) comme une rébellion populaire, et non comme un simple “éclatement”, encore moins comme de simples “émeutes”.
D’autre part, la notion de révolution politique ne s’applique pas, ou pas encore, car aucun changement fondamental dans la structure du pouvoir n’a eu lieu, pas même des réformes profondes. Nous ne pouvons pas non plus utiliser le concept de révolution sociale avec certitude, car il implique une transformation profonde des relations sociales, avec éventuellement une prise du pouvoir politique, ce qui se produit souvent après de très longues périodes de lutte.
Comme l’issue de la grande épreuve des forces qui se développe dans ce pays est encore incertaine, il me semble non seulement inutile mais aussi imprudent d’utiliser de façon lâche des concepts qui, au lieu de rendre compte avec précision de la réalité, ne sont que l’expression des souhaits de ceux qui les inventent et les font circuler. Les spécialistes des sciences sociales, les historiens et les analystes politiques sont toujours obligés de “courir après les événements”, et c’est inévitable. C’est pourquoi il est préférable d’être prudent et de ne pas porter de jugements risqués qui ne soient pas soutenus par des bases empiriques et théoriques solides, car la réalité finit par nier, voire par ridiculiser, certaines conceptualisations non durables.
Je suis encore amusé de rappeler que pendant la période mouvementée de 2011, de nombreuses personnes, y compris des universitaires de renom, ont été très circonspectes dans leurs affirmations que la situation était “révolutionnaire” ou du moins “prérévolutionnaire”.
Quelle est votre évaluation du processus constitutionnel promu par Michelle Bachelet ?
Le “processus constituant” de Bachelet n’était rien d’autre qu’une manœuvre politique raffinée visant à empêcher l’expression de la souveraineté populaire par la convocation d’une assemblée constituante, en remettant la direction du processus aux mêmes forces sociales et politiques qui avaient administré le système néolibéral pendant un quart de siècle.
Dès le début, nous avons souligné l’infaisabilité d’un tel “processus” en raison de la subordination de l’itinéraire proposé par Bachelet aux quorums supra-majoritaires inatteignables établis par la constitution du dictateur pour sa propre réforme [1]. Rappelons certains des axes proposés par l’ancien président. Le congrès national en place à l’époque, élu sur la base du système électoral binominal, devait permettre au prochain parlement (celui qui entrerait en fonction en mars 2018) de décider, avec un quorum de 3/5 sur quatre alternatives, du mécanisme de discussion du projet que son gouvernement enverrait et des formes d’approbation. Les alternatives fixées par Bachelet, en octobre 2015, étaient : une commission bicamérale de sénateurs et de députés, une convention constituante mixte de parlementaires et de citoyens, la convocation d’une assemblée constituante ou, en l’absence des précédentes, que le congrès convoquerait un plébiscite pour que les citoyens décident. Quelques heures après l’annonce du président de l’époque, nous avons fait valoir que les quatre alternatives proposées n’en étaient pas une puisque l’assemblée constituante avait de fait été écartée. Leur inclusion purement figurative, en plus de contribuer à gérer les tensions au sein de la nouvelle majorité (avec les quatre alternatives, tous les membres étaient plus ou moins satisfaits), n’était qu’un élément ornemental destiné à séduire les naïfs et à permettre à l’aile “gauche” de la coalition gouvernementale de continuer à maintenir une certaine légitimité aux yeux de ses partisans.
Au début du second semestre 2017, Bachelet a promis de soumettre le projet de la nouvelle constitution au congrès national afin que, une fois approuvé par ce pouvoir, il soit soumis à un plébiscite contraignant pour ratification par les citoyens. Rien de tout cela n’a été réalisé, seules des “mairies de citoyens” formatées par la Moneda et absolument impuissantes (car non contraignantes) ont été tenues et un projet de la nouvelle constitution préparé par ses conseillers, a été envoyé au Parlement moins d’une semaine avant que le président ne quitte son poste, en mars 2018.
À tout moment, depuis le forum pour l’assemblée constituante, nous avons publiquement remis en question cet itinéraire, en soulignant qu’il n’était pas approprié que le centre du processus soit au parlement, puisque le pouvoir constituant ne réside pas dans ce pouvoir constitué, mais dans les citoyens. Nous avons également souligné le caractère purement décoratif des “conseils” promus par le gouvernement, ainsi que l’impossibilité pour Bachelet de s’imposer un quorum supra-majoritaire. Cette dernière, disions-nous, s’explique par sa volonté de remettre à la droite classique une part importante du pouvoir de décision afin qu’aucune modification constitutionnelle fondamentale n’intervienne, ceci afin de préserver le modèle d’économie et de société co-administré depuis 1990 par les deux parties du duopole.
Ainsi, les défenseurs du statu quo présents dans le camp “progressiste” auraient comme prétexte pour ne pas apporter les changements tant attendus par la population, l’argument éculé de “ne pas avoir les majorités parlementaires nécessaires”. Cela leur servirait également à appeler une fois de plus les électeurs à voter pour leurs candidats afin d’obtenir une majorité parlementaire axée sur la réforme, même en utilisant l’alternative de l’assemblée constituante comme simple argument électoral pour gagner des voix. Le résultat de cette histoire a prouvé la justesse de cette analyse.
Comment interprétez-vous le remplacement du terme “Assemblée constituante” par celui de “Convention constituante” effectué par l'”Accord pour la paix sociale et la nouvelle Constitution” du 15 novembre et par la réforme constitutionnelle de décembre 2019 qui a conçu l’itinéraire constitutif officiel ?
Le terme d’assemblée constituante n’a pas été inclus dans l'”Accord pour la paix sociale et une nouvelle constitution”, ni dans la réforme constitutionnelle ultérieure publiée le 24 décembre 2019 car les parlementaires, les conseillers constitutionnalistes et les dirigeants politiques qui ont promu la voie constitutionnelle officielle n’ont pas eu, et n’ont pas dans leurs projets, la convocation d’une assemblée constituante libre et souveraine.
Le nom même de l'”Accord” du 15 novembre – littéralement annoncé “entre les coqs et minuit” – indique avec une clarté évidente que le premier et principal objectif de cette entente cordiale était la “paix sociale”, c’est-à-dire la préservation du modèle économique et social existant (avec plus ou moins de réformes, selon la façon par laquelle on le lit). Il s’agissait d’une manœuvre désespérée de la caste politique pour démobiliser les millions de personnes qui, depuis le 18 octobre, avaient persisté – malgré la dure répression – à exprimer leur protestation et leurs revendications dans les rues.
La promesse d’un processus constituant a été l’élément clé pour tenter d’atteindre cet objectif. Toutefois, il ne s’agirait pas d’un processus constituant dans lequel le libre déploiement du pouvoir constituant initial pourrait s’exprimer, mais d’un processus défini, formaté et limité par le parlement et l’imposition d’un quorum de 2/3 pour l’approbation des motions dans le futur organe chargé de rédiger le projet de la nouvelle constitution, ainsi que l’établissement d’une liste de sujets tabous que cet organe ne pourrait traiter (comme les traités internationaux signés par le Chili).
Ainsi, même l’alternative la plus “progressiste” prévue pour le plébiscite du 25 octobre – la Convention constitutionnelle – sera loin d’être une Assemblée constituante libre et souveraine. À moins qu’une majorité effectivement progressiste des élus n’ait, à cette occasion, la prévoyance et le courage politique d’imposer ces idées.
Un changement constitutionnel est-il possible sans l’accord des élites politiques et commerciales ? Que révèle l’expérience historique nationale ? Nous aimerions que vous fassiez référence en particulier à la tentative ratée de pousser à la création d’une Assemblée constituante sous le premier gouvernement d’Arturo Alessandri Palma.
Le comportement des élites économiques et politiques du Chili a été fondamentalement le même sur ce plan durant plus de deux siècles d’histoire républicaine. Ils n’ont jamais permis que la souveraineté soit exercée par son détenteur nominal, le citoyen. Ils se sont toujours arrogé la souveraineté au moyen de différents stratagèmes : vote par recensement, intervention électorale, corruption, processus constitutifs truqués, pression plus ou moins directe de la force militaire, etc.
En 1925, ce ne sont pas seulement les élites économiques et politiques (les “vieux du Sénat” comme les apostrophait le président de la république), c’est Alessandri Palma lui-même qui, oubliant sa promesse de convoquer une assemblée constituante, nomma “à la main” deux commissions, dont une seule a travaillé, et sous sa présidence, et qui s’est en fait transformée en pseudo-constituante, selon les critères du chef de l’État et de ses conseillers. Comme si cela ne suffisait pas, le président a conduit l’inspecteur général des armées (commandant en chef à l’époque) à faire pression sur les membres de la commission pour qu’ils suivent l’itinéraire et le contenu du projet de constitution proposé par Alessandri Palma.
Ainsi, la constitution politique de 1925 a été approuvée par un plébiscite organisé avec seulement un mois d’avance, sous la pression de l’armée et avec la participation de seulement 42,18% du corps électoral réduit de l’époque (seuls les hommes alphabétisés de plus de 21 ans pouvaient voter). Bien que cela ait été la tendance dominante des processus constitutionnels tout au long de notre histoire, il est clair que depuis le 18 octobre 2019, une situation sans précédent s’est créée dans laquelle, pour la première fois, existe une réelle possibilité que la majorité des citoyens réussissent à imposer un processus constitutif démocratique, grâce à une mobilisation continue et une stratégie politique appropriée.
Beaucoup de gens du camp populaire comprennent une nouvelle constitution comme une “ligne de champ” qui devrait mettre fin ou du moins délimiter les privilèges excessifs de l’élite dominante au Chili, avançant ainsi vers le dépassement du modèle néolibéral. Partagez-vous cette vision sur le processus constituant ?
Toutes les constitutions sont l’expression de certaines corrélations sociales et politiques de pouvoir, y compris les dispositions qui semblent faire l’objet d’un consensus général, car les interprétations que les différents acteurs font de la lettre d’un même texte diffèrent souvent. C’est pourquoi la constitution, comme la législation en général, est un sujet de litige permanent. Une nouvelle constitution au Chili – quel que soit son contenu – serait l’expression d’une corrélation des forces en présence et leur capacité à se regrouper autour des intérêts et principes qu’elles défendent.
Comme il est logique de le supposer, aucun bloc ne sera en mesure d’imposer l’ensemble de son programme, de ses prémisses et de ses principes, ce qui est de bon augure pour le nouveau texte constitutionnel (si jamais il est mis en œuvre) en tant que nouvelle “ligne de cour” dans laquelle une partie importante des luttes sociales et politiques futures se dérouleront. Cela nous permet de percevoir l’importance du litige pour le contenu d’une nouvelle Constitution. Les classes moyennes et populaires et progressistes en général, sont objectivement intéressées à maîtriser le contenu de la nouvelle constitution qui établira le plus grand nombre de droits sociaux garantis par l’État, ainsi que la plus grande extension démocratique possible.
Comment interprétez-vous le comportement erratique de Piñera, ses provocations quelque peu inutiles, par exemple, ses déclarations de “guerre” ou son apparition sur la Plaza de la Dignidad en pleine quarantaine imposée aux communes entourant ce site emblématique ?
Je ne suis pas psychologue ou psychiatre, je préfère donc me référer aux conditionnements économiques, sociaux, culturels et politiques qui peuvent nous permettre d’expliquer son comportement. En ce sens, l’appartenance de Piñera aux 0,1 % de personnes les plus riches du pays est le principal paramètre qui explique sa défense résolue du statu quo, même au prix d’une répression qui le placera dans l’histoire nationale comme l’un des personnages les plus exécrables, étant dépassé par très peu. Son appartenance au secteur microscopique des ultra privilégiés – les “propriétaires du Chili” – et son expression politique par excellence – le droit “classique” – est le principal élément qui explique sa “cécité politique”.
Rappelons que bien au-delà de Piñera, la majorité de la caste politique fut surprise par “l’explosion sociale”, ne l’ayant absolument pas anticipée. Ceci au contraire de nombreux leaders sociaux et intellectuels critiques qui, sans connaître le moment précis ni la forme qu’elle prendrait, ont soutenu et prédit (nous soutenions) l’avènement tôt ou tard d’une grande “explosion sociale”. Un “éclatement” ou une explosion qui, dans ce cas, était plus que cela, puisqu’il a fait place à une rébellion populaire soutenue. L’élite économique et politique, enfermée dans son monde de richesses, de privilèges et de pouvoir, croyant vivre dans “l’oasis de l’Amérique latine”, n’a pas vu venir ce qui se préparait à la base de la société. Ils ne pouvaient pas et ne voulaient pas le voir.
Piñera est l’expression la plus décantée de ce phénomène, un exemple de plus de la façon dont certains intérêts et idéologies sociales peuvent agir comme des voiles ou des dissonances cognitives qui empêchent des visions plus ou moins lucides de la réalité. Ses traits de personnalité psychopathiques et son narcissisme exacerbé ont fait le reste.
Que va-t-il se passer maintenant, compte tenu du tournant brutal intervenu depuis la mi-mars et du report du plébiscite constitutionnel ?
La situation politique nationale est imprévisible car nous sommes confrontés à un scénario instable, fluide et très complexe qui va probablement se poursuivre encore longtemps. A partir du 18 octobre 2019, le Chili est entré dans une période prolongée de bouleversements sociaux et d’instabilité politique, pour au moins deux ou trois ans. L’issue de cette histoire sera étroitement liée au cours que prendra le processus constituant.
Si ce processus est avorté suite au résultat éventuellement défavorable du plébiscite du 25 octobre (victoire de l’option “Rejet”), il est probable que les actes de protestation se poursuivent, mais comme des combats d’arrière-garde, en retrait, avec moins de personnes dans les rues que jusqu’à la mi-mars de cette année, ce qui permettrait aux forces répressives et à leurs soutiens d’agir avec une brutalité accrue car le champ de la protestation active aurait tendance à être réduit, fragmenté et dispersé.
Si en revanche, comme il est fort probable, l’option de l'”Approbation” accompagnée de la formule de la “convention constitutionnelle” triomphe, rien n’aura été résolu mais différentes alternatives resteront en vigueur, dont celle d’une assemblée constituante libre et souveraine, grâce à une rupture démocratique qui permettra de surmonter les cadres étroits et délicats fixés par l'”Accord” et la réforme constitutionnelle qui a établi les règles du processus constitutif officiel.
Dans ces deux scénarios de base, les protestations sociales et la forte répression de l’État seront des éléments qui marqueront les caractéristiques fondamentales de la situation chilienne. Sur cette base minimale, nous devrions considérer d’autres éléments qui rendent la situation encore plus complexe, comme la position des forces armées et de l’oligarchie. Combien de temps soutiendront-elles encore Piñera et son gouvernement ? Continueront-elles à avoir confiance en leur capacité à contenir la rébellion populaire à coups de discours terrifiants et une répression brutale, ou, au contraire, considéreront-elles que l’usure et les erreurs du personnage les conduiront à demander son départ, dans l’intérêt du maintien du statu quo?
Une autre alternative – acceptée par la droite classique, l’ancienne concertation et les signataires de l'”Accord” du 15 novembre en général – pourrait être le maintien de Piñera jusqu’à la fin de son mandat, bien que réduit à un rôle purement décoratif ou à celui d’articuler un gouvernement d'”union nationale” derrière l’objectif de parvenir à la “paix sociale” et à la stabilisation. Ainsi, chacun des membres de ce nouveau pacte pourrait espérer une hypothétique recomposition et l’obtention de bons dividendes électoraux dans une situation politique “normalisée”.
Tout cela sans tenir compte des effets qui seront inévitablement provoqués par la période prolongée de l’urgence sanitaire causée par COVID-19 (peut-être tout l’automne et l’hiver de cette année). La soumission de segments importants de la population à une quarantaine totale ou partielle, le couvre-feu, les malheurs que le virus produit et continuera de produire dans les mois à venir, le renforcement des contrôles sociaux sous prétexte de lutter contre la pandémie, la suppression de nombreux emplois, l’augmentation galopante du chômage et de la précarité économique des classes moyennes, l’augmentation conséquente de la pauvreté et de la frustration sociale, les problèmes de santé mentale causés par l’enfermement prolongé et les restrictions à la libre circulation des personnes, seront des éléments supplémentaires qui rendront les perspectives encore plus explosives que celles de la fin de l’année dernière.
Dans un scénario aussi complexe et changeant, avec des forces puissantes souhaitant le maintien du modèle – avec plus ou moins de réformes – et en l’absence d’une coordination minimale des forces populaires et leur capacité à former un leadership politique (l’unité sociale n’a pas réussi à jouer ce rôle correctement), l’horizon n’est pas prometteur pour les intérêts des classes moyennes et populaires.
Mais l’histoire à venir n’est pas certaine, c’est un livre ouvert dont les prochaines pages seront écrites dans une relation dialectique par tous les acteurs de ce drame. Reconnaissant le danger de dégradation psychologique, politique, morale et culturelle que la pandémie et la crise économique peuvent entraîner, nous espérons que les forces de la rébellion populaire réussiront à mettre en œuvre toute leur capacité de mobilisation, de créativité et d’intelligence politique pour aboutir à une issue aussi favorable que possible à leurs intérêts, leurs rêves et leurs aspirations.
Espérons et faisons le nécessaire pour que, comme l’a récemment affirmé le philosophe italien Franco “Bifo Berardi”, le virus soit “la condition d’un saut mental qu’aucune prédication politique ne pourrait produire”, pour que l’égalité revienne au centre de la scène et qu’elle soit “le point de départ des temps à venir” [2]. Pour l’instant, le plus important est de préserver la vie, la santé et les conditions d’existence de la population, en particulier des classes moyennes, dont la fragilité est plus évidente dans le contexte de la pandémie dont nous souffrons.
La rébellion populaire doit trouver un moyen de rester en état, au moins latent, et profiter de ces mois pour consolider sa base et unité politique, en affinant ses propositions et sa coordination afin de préparer la prochaine échéance de lutte sociale qui commencera, comme prévu, au printemps, peu avant la date prévue pour le plébiscite.
Source orginale: Revista De Frente
Traduit de l’espagnol par G. Mathieu, relu par N. Henrion pour Investig’Action
Notes:
[1] Sergio Grez analyse l’annonce présidentielle sur une nouvelle Constitution dans une interview du journaliste Patricio López, Santiago, Radio Universidad de Chile, 14 octobre 2015.
[2] Franco “Bifo” Berardi, “Chronique de la psycho-déflation”, Giorgio Agamben, Slavoj Zizek et al, Wuhan Soup. Pensamiento contemporáneo en tiempos de pandemias, Editorial A.S.P.O. (Aislamiento Social Preventivo Obligatorio), mars 2020, p. 54.