Dix ans après les bombardements de l’OTAN sur la Serbie, l’appréhension monte devant l’accroissement du nombre de cas de cancer signalés.
6 avril 2009
Quelques 15 tonnes d’uranium appauvri, renforçant plus de 50.000 bombes et missiles, ont été larguées durant les 11 semaines de bombardements de la Serbie en 1999. Les cibles des bombardements de l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) consistaient en 116 sites, surtout au sud de la Serbie et dans la région du Kosovo.
L’uranium appauvri est mis au bout des bombes pour percer le blindage des chars et des véhicules militaires lourds. Bien que sa radioactivité soit affaiblie dans le procédé de production, l’uranium demeure hautement toxique.
Les experts sont en désaccord sur les impacts pour la santé de l’uranium appauvri. Quelques-uns disent que les aérosols produits par l’impact et la combustion de l’uranium appauvri des munitions peut provoquer le cancer et affecter les reins, le cerveau, le foie et le cœur. Mais certaines études n’ont trouvé aucune impact significatif sur la santé ou l’environnement.
Le Programme Environnemental des Nations Unies (UNEP) a envoyé une mission seulement en 2000. Elle s’est focalisée sur 11 sites du Kosovo, et a conclu qu’il n’y avait « pas de contamination importante détectable de la surface du sol par de l’uranium appauvri. Un certain nombre de points de contamination ont été identifiés par la mission, mais la plupart d’entre eux n’ont été jugés que légèrement contaminés. »
En 2001, un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) aboutissait à une conclusion similaire. Toutefois, l’expert britannique Keith Bavestock, qui faisait partie de l’équipe de l’OMS, a déclaré au quotidien de Belgrade Politika que « toutes les données dont disposait l’OMS n’avaient pas été incluses dans le rapport. Ça ne signifie pas que le rapport est faux ; il est incomplet. »
Les médecins locaux ont leurs propres données.
Nebojsa Srbljak, un médecin de la ville de Mitrovica au Kosovo, qui a toujours une grande population serbe, a parlé d’une multiplication par dix des cas de leucémie. Il a déclaré aux envoyés des médias : « Le taux des leucémies chez l’enfant au Kosovo était de un pour mille avant 1999. Depuis 1999, il est passé à un pour cent. »
Le Dr. Srbljak, qui aide dans une clinique de cancérologie de Pristina, la capitale du Kosovo, a déclaré que les médecins albanais lui ont dit aussi qu’il y avait « une augmentation importante » du nombre de patients atteints de cancers depuis 1999. Dans l’ensemble du Kosovo, a-t-il dit, le taux de cancer avant 1999 était de 10 pour 300.000, et « aujourd’hui, il s’élève à 20 pour 60.000. »
« C’est désormais une tumeur par jour que nous découvrons, » a dit le radiologue Vlastimir Cvetkovic à Inter Press Service. « Avant 1999, c’était une tous les trois mois. Et ce n’est pas juste dû à l’amélioration des diagnostics, car nos moyens de travail sont restés modestes. En outre, c’est maintenant chez les plus jeunes et les enfants que nous trouvons nos patients. »
Une augmentation alarmante des cas de cancer a aussi été enregistrée en Bosnie-Herzégovine voisine, où, en début 1995, de l’uranium appauvri a été utilisé par l’OTAN contre les forces serbes de Bosnie. Selon les chiffres officiels, plus de 300 personnes de Hadzici et Han Pijesak, dans le voisinage de Sarajevo à l’est de la Bosnie, sont mortes du cancer de 1996 à 2000. Hadzici était habitée et tenue par les Serbes de Bosnie pendant la guerre. Elle est passée plus tard sous la juridiction gouvernementale croato-musulmane centrale de Sarajevo.
« C’est un très grand nombre, » a déclaré à Inter Press Service le médecin local Slavica Jovanovic. « Mais il semble que ce soit un sujet que personne ne veuille aborder. La population de Hadzici devrait être réinstallée ailleurs, et, au niveau de la Bosnie-Herzégovine, il n’y a pas la volonté de s’embarquer là-dedans. »
Des problèmes de santé liés à l’uranium appauvri ont été signalés chez les soldats italiens qui ont servi au maintien de la paix en Bosnie et au Kosovo. Plusieurs sont morts du cancer et leurs familles se démènent aujourd’hui pour prouver que travailler et vivre à côté de zones contaminées par de l’uranium appauvri a été démontré fatal.
Pour les autorités serbes, les problèmes de l’uranium appauvri semblent aussi loin que le Kosovo, malgré le fait que quelque 100.000 Serbes vivent encore là-bas, près de la ville divisée de Mitrovica pour la plupart d’entre eux.
Milan Mišovic, chef du Département de la Médecine du Travail de l’Académie de Médecine Militaire, a déclaré à des médias serbes : « Quelque 4.000 anciens combattants font l’objet d’une surveillance constante car ils se sont trouvés à 50 mètres du point d’impact de munitions à l’uranium appauvri. Jusqu’à présent, le cancer ne progresse pas parmi eux. Mais on peut s’attendre à certains changements dans les prochains 10 à 15 ans. »
Traduction: Pétrus Lombard.
Source: Mondialisation