Emrah Kaynak est un Belge qui a beaucoup voyagé en Amérique Latine. Il met en garde ses amis latinos contre le danger qui menace la politique française…
Afin d'alerter le peuple hispanico-américain, il serait intéressant de
consacrer quelques lignes sur le phénomène Sarkozy. Ce n'est pas un
personnage anodin et son succès en France représente, à mes yeux, un nouveau
tournant.
Elections présidentielles françaises : la politique entre éventail et
épouvantail
Si la politique est l’art du mensonge Monsieur Nicolas SARKOZY excelle en
politique. Le candidat de la droite institutionnelle ne fait l’économie
d’aucune manoeuvre dans sa conquête du strapontin présidentiel. Le principal
ressort de sa politique est la peur qu’il manipule comme un apprenti
sorcier. Il se fait l’écho des déchirures sociales et communautaires qu’il
n’a de cesse d’entretenir par ailleurs. Loin d’apaiser les tensions, il les
alimente généreusement via des déclarations incendiaires qui sont devenues
sa marque de fabrique. A chaque apparition publique, il stigmatise avec
emphase tout un pan de la société française originaire des anciennes
colonies et les pratiques « barbares » auxquelles il les associe. Il adopte
à leur encontre un ton arrogant, méprisant voire martial. Il prétend
réprimer l’incivisme et le chaos moral qui gangrènent le corps de la
France. Sa politique intérieure n’est que le prolongement en pointillé de
l’axe du mal et du choc des civilisations définis par les néo-conservateurs
étasuniens. Il sait qu’un peuple qui a peur est plus soucieux d’ordre que de
justice et qu’il est plus enclin à voter pour celui qui se présente comme le
preux chevalier.
Ce représentant organique de l’oligarchie né d’un père hongrois et d’une
mère juive est un atlantiste de conviction qui défend des options
idéologiques identiques à George Bush : réduction des libertés au nom de la
sécurité, accroissement de la répression policière, exaltation du
patriotisme, communautarisme et discrimination positive, ultra-libéralisme
économique, autoritarisme,… Son programme économique vise à baliser la
voie de prospérité des plus nantis : réduction de la fiscalité des
entreprises, absolutisation du travail et incitation aux heures
supplémentaires, privatisation des Universités, exonération des droits de
succession, augmentation de l’âge de la retraite,… Il parle le langage du
peuple mais c’est aux classes possédantes qu’il s’adresse. Il idolâtre
béatement la société américaine et se dit l’allié inconditionnel de l’Etat
d’Israël. N’a-t-il pas brocardé la position de la France au sujet de
l’intervention militaire en Irak lors d’une visite à la Maison Blanche? Il
partage avec Bush la même vision manichéenne et réductrice du monde qui ne
laisse aucun espace à la nuance. Toute opposition est un acte déloyal. Il le
répète à satiété : « la France, tu l’aimes ou tu la quittes ». Nicolas
Sarkozy utilise les mêmes méthodes de propagande et de manipulation que son
mentor : instrumentalisation de la peur, populisme, discours basés sur un
nombre très réduit d'idées simples mais martelées sans répit. Maire de
l’arrondissement le plus huppé de Paris depuis 1983, il s’est constitué un
réseau d’amis qui comptent autant d’industriels, d’artistes que
d’intellectuels aux ordres. Lors de son deuxième mariage, ses témoins
n’étaient autres que Martin Bouygues (groupe propriétaire de TF1, la plus
grande chaîne de TV européenne) et Bernard Arnault (groupe LVMH, leader
mondial du luxe). Il usera notamment de son influence auprès d’Arnaud
Lagardère pour mettre au pas le directeur de Paris-Match qui avait eu
l’outrecuidance de faire état des troubles de sa vie de couple. Il n’est
dès lors pas étonnant que les medias lui accordent une exposition
retentissante. Il bénéficie d’innombrables relais idéologiques, dont les
laquais Bernard-Henri Levy ou Alain Finkielkraut, qui occupent le moindre
espace vacant. Tout ce système-sarkozy est parvenu à imposer dans la
campagne présidentielle une seule grille d’interprétation ethniciste et les
seuls thèmes sécuritaires.
Nicolas Sarkozy n’est que le symptôme d’une France qui dérive
irrésistiblement vers le fondamentalisme capitaliste et dont l’exception
culturelle s’estompe parallèlement. La graine la plus fertile a besoin d’un
terreau favorable pour éclore. Et la France d’aujourd’hui est mûre pour
accueillir un Berlusconi ou un Aznar à la sauce béchamel. Il a existé de
nombreuses « Frances » mais celle d’aujourd’hui s’éloigne de plus en plus de
celle de la Commune de Paris ou du Front Populaire.