En période de guerre, difficile de faire entendre un autre son de cloche dans les médias où la propagande résonne de manière assourdissante? L’historienne Anne Morelli nous avait déjà expliqué qu’elle n’était pas invitée sur les plateaux télé quand elle demandait de diffuser une carte montrant l’expansion de l’Otan. Ici, c’est une figure bien connue du mouvement pour la paix, Pierre Galand, qui raconte comment un débat auquel il avait participé a été déprogrammé à la dernière minute. (IGA)
Pour la petite histoire, ce samedi 5 mars, la RTBF devait diffuser dans son émission “ Retour aux sources” un reportage suivi d’un débat préenregistré le 1er février sur les militantes pacifistes de Greenham Common, auquel je participais avec une professeure de St-Louis. La réalisatrice, très gênée m’a téléphoné pour me dire que, vu les circonstances, les “hautes autorités de la RTBF” avaient décidé de supprimer ce débat! Appellerait-on cela censure? T’es militant de la paix alors aujourd’hui, ferme ta g… ?
A-t-on le droit en Belgique d’être en désaccord avec le courant « mainstraem » qui des mois durant, sous influence des Etats-Unis et de l’OTAN, a mené une campagne de dénigrement contre la Russie de Mr Poutine ?
A-t-on le droit, tout en dénonçant l’agression armée des Russes, violation flagrante du droit international et tout en exigeant le retrait de l’envahisseur, de garder une opinion critique à l’égard du gouvernement ukrainien, de la manière dont il a mené ces dernières années une guerre contre les populations du Donbass avec le concours des composantes nazies de la société ukrainienne ?
A-t-on le droit d’avoir un avis différent sur la manière dont l’Union Européenne a été absente depuis 8 ans et n’a rien entrepris, tant à l’ONU qu’à l’OSCE, pour désamorcer le conflit qui a dégénéré en une sale guerre aujourd’hui et jeté sur les routes de l’exil des centaines de milliers de gens?
Rien n’a été entrepris pour empêcher cette guerre pourtant évitable si nos responsables politiques européens avaient, dès après 2014 et les accords de Minsk, écouté sérieusement les parties au conflit et cherché des modus vivendi qui sauvegardent les droits des ukrainiens à la non ingérence russe tout en prenant en compte les requêtes légitimes de ces derniers pour leur sécurité et l’accès aux mers chaudes.
Ce 1er février, lors de l’enregistrement de l’émission « Retour aux sources » présenté avec talent par Mme de Selys, il n’y avait pas encore cette guerre en Ukraine et le sujet montrait la réaction remarquable des militantes pacifistes de Greenham Common qui avec détermination dans la durée ont obtenu l’évacuation de missiles nucléaires de moyenne portée que les Américains voulaient implanter en Grande-Bretagne comme dans 4 autres pays d’Europe. Le débat expliquait comment ce mouvement féministe était devenu l’emblème des mouvements de la paix qui ont mobilisé des millions de citoyens à partir de 1979 dans les rues de Londres, Bonn, Rome, Amsterdam et Bruxelles, y compris à New York devant l’ONU pour exiger le démantèlement des missiles nucléaires de moyenne portée installés par les Américains et les Soviétiques à l’est et à l’ouest de l’Europe.
Etonnant que ce qu’on m’a dit être les « hautes autorités » de la RTBF aient décidé, vu le contexte, de supprimer le débat qui accompagnait le film. Ont-elles craint que ce soit perçu comme un appel à la mobilisation comme dans les années 80 pour dénoncer la guerre des Russes mais aussi les manœuvres de l’OTAN visant à asphyxier la Russie ?
A n’en point douter, je serai accusé, comme en 1980 d’être un agent de Moscou et devrai faire, comme à l’époque, la preuve de ne pas être financé par le Kremlin. Pour mémoire ce sont trois Ministres d’Etat, Pierre Vermeylen (P.S.), Pierre Harmel (PSC) et Robert Henrion (PRL) qui acceptèrent de me dédouaner publiquement et de témoigner de mon indépendance.
Non, vouloir mettre fin aux guerres, dénoncer le surarmement, exiger l’arrêt de la course aux armes nucléaires, bactériologiques et chimiques, plaider pour des négociations de paix et de coexistence entre les peuples, ce n’est pas faire le jeu de Mr Poutine. C’est agir pour la survie, la sécurité et le bien être de mes concitoyens et aussi, aujourd’hui pour les Ukrainiens, les Russes et les autres peuples victimes de guerres atroces dans le reste du monde.
Je suis effrayé des conséquences prévisibles de cette guerre et je dénonce l’avancée des troupes russes en Ukraine car c’est criminel, contraire au droit international, au droit des peuples de disposer d’eux-mêmes. Je suis scandalisé d’entendre ceux et celles qui, en Europe, déclarent que cette guerre et Mr Poutine nous ont unifiés car c’est pour le pire et non pour la coexistence pacifique des peuples d’Europe et le développement de leur avenir commun. C’est un triste retour sous le slogan « Occident vaincra ».
Cette guerre est un échec du multilatéralisme et des missions des Nations Unies, de l’OSCE et de l’U.E. Elle représente un risque réel de recours à l’arme nucléaire.
C’est un recul dans le choix des priorités pour la survie de notre humanité dans le Grand Sud, pour la sauvegarde de l’écosystème planétaire commun, pour le partage des savoirs et des connaissances nécessaires pour la lutte contre les pandémies meurtrières et la coopération au développement du bien être de tous les humains.
Stop, sortons du piège de la surenchère belliciste actuelle. Mr Poutine, arrêtez votre offensive. Mr Biden et les forces de l’OTAN, mettez fin à votre encerclement militaire de la Russie.
Retournons à l’esprit et à la lettre de la Charte des Nations Unies qu’il faut revisiter pour que l’ONU redevienne le lieu où la priorité est de collaborer à la reconstruction d’un monde de paix et de développement fondé sur une réduction urgente des armes de destruction massive et des armements dont les coûts sont faramineux.
Utopie me direz-vous ? Non urgence pour notre survie commune.