Depuis plus d'un mois, l'offensive terrestre menée par l'armée israélienne sur Rafah ne cesse de produire ses conséquences « apocalyptiques » prévisibles. Si quatre otages israéliens ont été libérés, c'est par dizaines que sont tués chaque jour les civils palestiniens... Parallèlement, Biden et Macron ont approuvé un « plan global » de cessez-le-feu dicté par l'Etat colonial et génocidaire, tandis que le FPLP promet « d'intensifier la résistance » (I'A).
Depuis le 7 mai dernier l’armée sioniste a lancé son offensive contre la ville de Rafah visant officiellement, je cite « à détruire les derniers bataillons du Hamas ». Le discours de propagande de guerre de Tel-Aviv décrit son offensive comme constituée « d’opérations ciblées visant des sites dans lesquels sont localisés de nombreuses armes et ouvertures de tunnel ».
Plus de trois semaines après le début de cette opérations dite ciblée, le directeur pour les territoires palestiniens du programme alimentaire mondial, Matthew Hollingworth décrit comme suit la situation :
« L’exode auquel nous assistons depuis une vingtaine de jours à partir de Rafah est une expérience à la fois impressionnante et horrible pour un très grand nombre de personnes […] Les bruits et les odeurs de la vie quotidienne sont horribles et apocalyptiques ».
« Vie apocalyptique », selon les Nations-Unies
Illustrant son propos par quelques chiffres, il précise que des débuts de l’offensive jusqu’au 20 mai, aucun camion du programme alimentaire mondial n’a pu franchir la frontière avec l’Egypte, que l’entrepôt principal du programmes alimentaire mondial est devenu inaccessible et que 2 700 tonnes de nourritures ont été détruites, que plus d’un million de personnes ont fuit les bombardements incessant vers la zone côtière, que ces déplacés s’entassent dans des camps de fortune et manquent d’eau, de nourriture, de carburants, de service de santé et même d’espace pour creuser des latrines, etc.
Dans la nuit du 26 au 27 mai un pas supplémentaire dans l’horreur est franchi par l’armée sioniste par le bombardement d’un camp de déplacés au Nord de la ville de Rafah. Le ministre de la santé de la bande de Gaza estime à au moins 47 décès, dont de nombreux enfants, le bilan de ces frappes dites « ciblées ».
Ce bombardement de camps de réfugiés intervient après la décision de la Cour Internationale de Justice de l’ONU du 24 mai 2024 ordonnant à Israël d’arrêter immédiatement son offensive sur Rafah :
« Par 13 voix contre deux, l’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions d’existence auxquels sont soumis les civils dans le gouvernorat de Rafah, arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Fin de citation. Commentant cette décision, l’organe d’information des Nations-Unies précise, je cite : « Les ordonnances de la CIJ, qui tranche les différends entre Etats, sont juridiquement contraignantes mais elle n’a pas de moyens pour les faire respecter. »
Enième « feuille de route » israélienne
C’est dans ce contexte d’insultes israéliennes aux Nations-Unies et de génocide continué que le président états-uniens, Joe Biden, se fait le porte-parole de Tel-Aviv, le 31 mai, en annonçant : « une feuille de route proposée par Israël visant à parvenir par étape et sous condition à un cessez-le-feu permanent. »
Le plan proposé par Tel-Aviv et cautionné par Washington comprend trois étapes.
La première serait un arrêt des bombardements sur la bande de Gaza et un retrait de l’armée israélienne des zones densément peuplées de ce territoire en échange de la libération d’une partie des otages. La seconde étape acterait le retrait des troupes israéliennes, pour six semaines, en échange de la libération de tous les otages, selon des modalités et des conditions à définir dans des négociations. La troisième étape constituerait un vaste plan de reconstruction, s’étalant sur 5 ans, financé par la communauté internationale.
Bien entendu, la plupart des puissances occidentales ont immédiatement approuvé ce plan à l’image du président français Emmanuel Macron qui a déclaré, dès le 1er juin : « Nous soutenons la proposition d’accord global des Etats-Unis ».
Le plan dit « global » de cessez-le-feu israélo-états-unien est à la fois un révélateur de l’échec des buts de guerre de l’armée sioniste et une tentative de « sauver le soldat Netanyahou ». Malgré la barbarie de son attaque, l’armée sioniste n’a atteint aucun de ses objectifs stratégiques, à savoir détruire entièrement les forces de la résistance palestinienne, susciter une vague d’exode massive vers l’étranger, provoquer par désespoir une fracture entre la population et les organisations de résistance.
Significations et enjeux
L’ampleur de la violence israélienne n’a en effet de sens politique qu’au regard de ces buts de guerre. Benjamin Netanyahou n’a pas sombré dans la folie ou dans un engrenage meurtrier mais a fait un choix rationnel au regard de ces buts de guerre. Le choix d’un massacre de masse a été consciemment fait pour susciter une situation intenable et catastrophique, jugée nécessaire pour atteindre ces buts de guerre. Un tel choix n’a été possible que parce que les Etats-Unis l’ont autorisé consciemment.
Les discours sur le cessez-le-feu états-uniens ne sont en rien liés à la violence subie par le peuple palestinien mais apparaissent comme une tentative de réponse à la vague immense d’indignation qui secoue la planète, y compris aux Etats-Unis.
C’est pour cette raison que les organisations de résistances palestiniennes appellent à juger Joe Biden pour crime de guerre et génocide. Comme l’axe central de la propagande de guerre israélienne est de présenter les massacres actuels comme une guerre « Hamas-Israël » donnons la parole à une autre organisation de résistance palestinienne, le Front Populaire de Libération de la Palestine, FPLP.
Dans son communiqué de presse daté du 26 mai dernier, le FPLP analyse comme suit la responsabilité états-unienne : « Les décisions rendues par la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale ne sont plus suffisantes du tout, et nous appelons les parties concernées et les pays amis à déposer des plaintes claires et directes contre le Gouvernement des États-Unis d’Amérique et son président en tant que complice de crimes de guerre contre notre peuple. »
Le FPLP poursuit son communiqué en réaffirmant son droit à la résistance : « Face à cette insistance brutale sur l’extermination de notre peuple, la résistance palestinienne est obligée de poursuivre et d’intensifier sa défense de l’existence du peuple palestinien, par tous les moyens et formes de lutte contre les criminels du génocide. »
Nous sommes, on le saisit, devant un échec complet d’un des buts de guerre sioniste, celui de la destruction complète de la résistance palestinienne. Comme tous les autres colonisateurs avant lui, le sionisme est incapable de saisir que la force brutale ne l’emporte jamais, à long terme, pour un peuple qui se bat pour son existence et sa dignité.
Chaque violence, chaque drame, chaque barbarie et crime militaire de l’occupant annoncent l’engagement dans le combat de milliers de nouveaux résistants. Les enfants et adolescents qui ont été témoins de la barbarie sioniste ne peuvent pas l’oublier et pour nombre d’entre-eux cela ne peut se traduire que dans un engagement encore plus poussé dans la résistance.
Saïd Bouamama
Pour aller plus loin :
«La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, a ordonné vendredi à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah, dans le sud de Gaza », dépêche des Nations-Unies du 24 mai 2024, ONUInfo du 24 mai 2024.
« The USA bears joint responsibility for the zionists’ Rafah holocaust », communiqué de Presse du Département central d’information du Front Populaire de Libération de la Palestine, 26 mai 2024, PFLP NEWS du 26 mai 2024.
Source : Investig’Action
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