À titre d’exemple de la décomposition des « gauches » au sein des sociétés du capitalisme impérialiste, je citerais la quasi-disparition dans les propositions, réflexions et débats d’un élément essentiel pour les forces révolutionnaires jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale, voire bien plus tard dans certains cas : je veux parler de l’aide pratique et armée à la lutte des peuples envahis par des puissances capitalistes, ou submergés par des soulèvements contre-révolutionnaires, militaristes et nazi-fascistes.
17 janvier 2009
Il ne s’agissait pas alors, comme ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui, uniquement d’un principe éthique et moral du devoir humanitaire de soutien à l’autodéfense de l’opprimé face à l’oppresseur, mais également d’un principe théorico-politique, stratégique et tactique, considéré comme tel par la majorité des forces politiques depuis l’Antiquité.
Sans aller plus loin, les monarchies française et espagnoles, réactionnaires s’il en est, ont apporté armes, fonds et soldats aux yankees soulevés contre l’occupant britannique, à la fin du XVIIe siècle. Et sans les armes données à Simon Bolivar par les Haïtiens ayant gagné leur indépendance face aux forces colonialistes d’invasion, sans cet internationalisme conséquent, l’émancipation des peuples d’Amérique aurait été retardée, des massacres pratiqués par le royaume d’Espagne sans pitié aucune auraient connu une recrudescence inouïe.
Plus proche de nous, avons-nous oublié les armes, les munitions et les pièces détachées données par des forces de gauche et révolutionnaires d’Europe et par l’URSS aux nations et classes ouvrières attaquées par le franquisme avec le soutien de l’Église ?
En d’autres termes, avons-nous déjà oublié l’énorme appui militaire, sous tous les aspects et allant jusqu’à l’intervention directe (bombardements de Durango, de Gernika et de Bilbao…) des armées nazi-fascistes, mues par le pétrole de l’aide yankee à Franco, et sûres de la « non-intervention » des autres puissances ? Avons-nous oublié la modernisation de l’armée franquiste sous l’égide des États-Unis, à partir des années 50 du XXe siècle ?
Les « gauches » européennes se sont accoutumées à rester muettes, aveugles et sourdes tandis que les États-Unis, l’Union Européenne et d’autres puissances arment et réarment l’État terroriste d’Israël, et ses dizaines de bombes nucléaires, ses services secrets dotés du droit aux assassinats sélectifs ou indiscriminés, son contrôle de l’industrie politico-médiatique américaine, sa présence au sein d’autres services secrets du monde entier, et en particulier ceux des dictatures molles ou dures, mais aussi des « démocraties », et douée d’une astuce caméléonienne pour concéder des aumônes aux collaborateurs corrompus et aux « innocents utiles » comme la radio-TV basque qui se rend à Jérusalem pour “informer depuis la neutralité” en plein solstice d’hiver. Ou serait-ce qu’ils ne sont pas plus “innocents” que “neutres” ?
Les « gauches » ont délaissé la tâche harassante de condamner le complexe industriel et militaire, soutien permanent du terrorisme sioniste, pour la déléguer aux ONG de service plus pacifistes les unes que les autres, et se consacrer à des besognes plus rentables aux plans parlementaire et économique.
Il suffirait pourtant d’un ordre donné par les États-Unis et l’Union européenne à Israël pour stopper net cette machine à exterminer alimentée par un flux d’aides de toutes sortes. Mais les différentes puissances connaissent trop bien la symbiose existante entre leurs broyeuses respectives, du fait de la dégradation de la situation mondiale sur des points vitaux pour la civilisation bourgeoise. Israël est un porte-avions nucléaire terrestre des États-Unis, basé dans cette région stratégique pour le fondamentalisme judéo-chrétien.
Mais la nation palestinienne, morcelée et prisonnière de ghettos séparés entre eux, représente beaucoup plus qu’un simple péril pour le pouvoir en place dans la région : elle constitue un véritable symbole. Partant, elle représente une double menace : c’est en effet un danger immédiat pour la région, en premier lieu, et un danger à longue portée, en tant que force de prise de conscience pour le reste de l’humanité, en second lieu.
En marge des différences religieuses, culturelles et politiques existant entre les organisations populaires palestiniennes de Gaza et les gauches révolutionnaires du capitalisme impérialiste, ces dernières ne peuvent jeter aux orties l’expérience historique et théorique accumulée au cours de deux siècles d’internationalisme avec les luttes des peuples et des classes exploités. Car cela reviendrait à creuser leur propre tombe, politiquement parlant, et à disparaître en tant qu’organisations.
Comme le disait Machiavel avec justesse, les suisses étaient libres et indépendants parce qu’ils avaient des armes. Le Hezbollah a vaincu l’armée d’invasion sioniste durant l’été 2006 car il disposait d’armes appropriées ; il avait appris les méthodes, les tactiques et les disciplines nécessaires, et employait une stratégie adaptée à ses objectifs historiques.
Nous ignorons si Hamas dispose de l’armement nécessaire pour lutter contre Israël, l’autre débat étant de savoir si cette organisation pourrait vaincre même en disposant de l’armement du Hezbollah. Rappelons les difficultés d’Israël pour vaincre les palestiniens à Beyrouth en 1982, l’État sioniste s’étant vu obligé de chercher la conclusion d’un accord international ayant permis au gros des Palestiniens dirigés par Arafat de sortir moralement et politiquement vainqueurs, après 88 jours de combat à l’arme légère.
Le manque de décision, l’absence de maîtrise de la peur voire de la lâcheté, sont des tares fréquentes au sein des armées impérialistes, dont les soldats éduqués dans le confort des villes forment des troupes habituées à disposer d’une écrasante puissance de feu, qui esquivent la lutte au contact de l’ennemi et sont paniquées à l’idée de combats corps à corps. La création de troupes spéciales, sociopathes et meurtrières, formées de mercenaires si l’on en juge par les hauts salaires qu’ils touchent même s’il ne s’agit pas de professionnels enrôlés par une armée privée, ces modernes condottieri qui torturent, violent et égorgent pour de l’argent, sont érigés en nécessité bourgeoise depuis l’apparition des batailles d’usure dans les grandes villes.
En Europe, jusqu’à voici quelques dizaines d’années à peine, les gauches se caractérisaient en intégrant l’art de la guerre à leur praxis, faisant honneur à l’argument selon lequel la guerre est la continuité de la politique par d’autres moyens et vice-versa.
Dans le cadre d’une telle dialectique, l’explication théorique et pédagogique du pourquoi et du comment du « secours rouge », des « brigades internationales », de la solidarité internationaliste active, de la guerre juste et de la violence défensive, sont des médiateurs articulant, dans les faits, l’interaction entre la politique et la guerre, et vice-versa.
Car, selon Machiavel, seul celui qui peut se défendre activement face à son agresseur est capable d’éviter les attaques et d’aboutir à des accords négociés, le cas échéant. Le peuple palestinien de Gaza a besoin de l’aide effective de la gauche du monde entier.
Source : Gara
Traduction : Boltxe Kolektiboa