Malgré les terribles difficultés auxquelles le peuple vénézuélien est confronté, malgré les sanctions et les intimidations de l’étranger, le président Nicolás Maduro a remporté un second mandat de six ans.
Il y a deux semaines, à l’ambassade du Venezuela à Nairobi, au Kenya, où je m’adressais à plusieurs dirigeants de l’opposition de gauche d’Afrique de l’Est, un chargé d’affaires par intérim, Jose Avila Torres, a déclaré : « Le peuple vénézuélien affronte aujourd’hui la même situation que le peuple syrien. »
C’est vrai. Les deux pays, le Venezuela et la Syrie, sont séparés par un immense espace géographique, mais ils sont unis par le même sort, la même détermination et le même courage.
Pendant la guerre civile espagnole, des combattants antifascistes tchèques, volontaires dans les Brigades internationales, disaient : « À Madrid, nous combattons pour Prague. » Madrid est tombée aux mains des fascistes de Franco en octobre 1939. Prague avait été occupée plusieurs mois plus tôt par les troupes allemandes, en mars 1939. C’est l’aveuglement et la lâcheté des dirigeants européens, ainsi que le soutien que les hordes fascistes meurtrières recevaient des populations de tous les coins du continent, qui ont conduit à l’une des plus grandes tragédies de l’histoire moderne – une tragédie qui n’a pris fin que le 9 mai 1945, lorsque les troupes soviétiques ont libéré Prague, vaincu l’Allemagne nazie et sauvé de fait le monde.
Plus de 70 ans après, le monde est confronté à une autre calamité. L’Occident, mentalement inapte à mettre fin pacifiquement à son règne multiséculaire sur la planète – un règne qui a déjà coûté plusieurs centaines de millions de vies humaines – bombe le torse et se précipite follement dans toutes les directions, provoquant, contrant et même attaquant directement des pays aussi éloignés que la Corée du Nord (RPDC), la Chine, l’Iran, la Russie, la Syrie et le Venezuela.
On n’appelle pas ce qui se passe actuellement fascisme ou nazisme, mais c’est précisément cela, puisque le règne barbare est basé sur un mépris profond pour les vies humaines non occidentales, sur des dogmes droitiers qui puent l’exceptionnalisme et sur le désir effréné de contrôler le monde.
De nombreux pays qui ont refusé de céder à la force brutale de l’Occident ont été récemment littéralement rasés, dont l’Afghanistan, la Libye et l’Irak. Dans de nombreux autres, les gouvernements ont été renversés par des interventions directes et indirectes ainsi que par la fraude, comme dans le cas du pays le plus puissant d’Amérique latine, le Brésil.
D’innombrables révolutions, « de couleur », « des parapluies » et autres « printemps », ont été parrainées par Washington, Londres et d’autres capitales occidentales.
Pourtant le monde se réveille, lentement mais de manière irréversible, et la lutte pour la survie de notre espèce humaine a déjà commencé.
Le Venezuela et la Syrie sont incontestablement en première ligne de la bataille.
Contre toute attente, en sang mais héroïquement debout, ils s’opposent à la force qui les écrase et refusent d’abandonner.
« Ici, personne ne se rend ! », criait Hugo Chavez, déjà chauve à cause de la chimiothérapie, mourant d’un cancer dont beaucoup en Amérique latine croient qu’il lui a été inoculé depuis les États-Unis. Son poing était serré et une forte pluie inondait son visage. C’est ainsi qu’est mort l’un des plus grands révolutionnaires de notre temps. Mais sa révolution a survécu et continue sa marche !
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Je suis bien conscient du fait que beaucoup de mes lecteurs viennent d’Occident. En quelque sorte, et particulièrement en Europe, je ne peux plus expliquer ce que c’est vraiment d’être un révolutionnaire. J’ai parlé récemment devant une grande assemblée d’enseignants « progressistes », qui avait lieu en Scandinavie. J’ai essayé de les enflammer, de leur expliquer les crimes monstrueux que l’Occident commettait dans le monde entier, depuis des siècles.
J’ai essayé et j’ai échoué. Lorsque les lumières se sont rallumées, j’ai été transpercé par des centaines d’yeux. Oui, il y a eu des applaudissements et beaucoup se sont levés dans ce faux cliché – une ovation debout. Mais je savais que nos mondes étaient très éloignés l’un de l’autre.
Ce qui a suivi, c’était des questions préfabriquées et superficielles sur les droits de l’homme en Chine, sur le « régime d’Assad », mais aucune sur la responsabilité collective des peuples d’Occident.
Pour comprendre ce qui se passe en Syrie et au Venezuela, il faut sortir de la mentalité occidentale. Des esprits égoïstes, uniquement obsédés par la sexualité et l’orientation sexuelle et par l’intérêt personnel ne peuvent le comprendre.
Quelque chose d’essentiel, de très fondamental et humain se passe en Syrie et au Venezuela. Il s’agit de la fierté humaine, de la patrie, de l’amour de la justice et des rêves, d’une organisation bien meilleure pour le monde. Ce n’est pas mesquin, en fait c’est énorme, et cela vaut même la peine de lutter et de mourir pour cela.
Dans ces deux endroits, l’Occident s’est trompé dans ses calculs, comme il l’a fait à l’évidence dans des « cas » comme Cuba, la Russie, la Chine, l’Iran, la RPDC.
« Patria no se vende!, ont-ils dit à Cuba il y a des décennies – « La patrie n’est pas à vendre ! »
Le profit n’est pas tout. L’enrichissement personnel n’est pas tout. L’égoïsme et un petit égo boursouflé ne sont pas tout. La justice et la dignité sont beaucoup plus que cela. Les idéaux humains sont beaucoup plus que cela. Ils le sont pour certaines personnes. Ils le sont vraiment, croyez-moi, et peu importe à quel point cela peut paraître irréel en Occident.
La Syrie saigne mais elle a refusé de capituler devant le terrorisme injecté par l’Occident et ses alliés. Alep a été transformée en un Stalingrad moderne. À un coût terrible, la ville a résisté à tous les assauts cruels, elle a réussi à inverser le cours de la guerre et, ce faisant, elle a sauvé le pays.
Le Venezuela, comme Cuba au début des années 1990, s’est retrouvé seul, abandonné, couvert de crachats et diabolisé. Mais il n’est pas tombé à genoux.
En Europe et en Amérique du Nord, on a fait des analyses « logiques » et « rationnelles » sur ce qui se passait là-bas.
L’étaient-elles vraiment ?
Les Occidentaux savent-ils réellement ce que c’est que d’être colonisé ? Savent-ils ce qu’est l’« opposition vénézuélienne » ?
Connaissent-ils la permanence de la terreur propagée par l’Occident depuis des siècles dans toute l’Amérique latine, depuis la République dominicaine et le Honduras, jusqu’au Chili et à l’Argentine ?
Non, ils n’en savent rien, ou très peu, comme ces Allemands qui vivaient tout près des camps d’extermination et qui ont affirmé après la guerre qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’était cette fumée qui sortait des cheminées.
Il n’y a pratiquement aucun pays d’Amérique centrale ou du sud dont le gouvernement n’ait pas été renversé au moins une fois par le Nord chaque fois qu’il décidait de travailler au nom de son peuple.
Et l’année dernière, le Brésil est devenu la « dernière édition » des cauchemars, des campagnes de désinformation, des « fake news » et des coups d’État – avec les « compliments » du Nord, par le biais des « élites » locales.
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Voyez-vous, il ne sert vraiment à rien de trop discuter avec l’« opposition » dans des pays comme le Venezuela, Cuba ou la Bolivie. Ce qui devait être dit l’a déjà été.
Ce qui se passe n’a rien à voir avec un club de discussion académique, c’est une guerre ; une guerre civile réelle et brutale.
Je connais l’« opposition » dans les pays sud-américains et je connais leurs « élites ». Oui, bien sûr, je connais beaucoup de mes camarades, les révolutionnaires, mais je connais aussi les « élites ».
En guise d’illustration, permettez-moi de rappeler une conversation que j’ai eue un jour en Bolivie avec le fils d’un puissant sénateur de droite, qui était aussi un magnat de la presse. Légèrement éméché, il ne cessait de me répéter :
« Nous allons bientôt botter le cul de cette merde indienne [le président de la Bolivie, Evo Morales] (…) Vous pensez que nous nous soucions de l’argent ? Nous avons beaucoup d’argent ! Nous ne nous soucions pas de perdre des millions de dollars, même des dizaines de millions ! Nous répandrons l’insécurité, l’incertitude, la peur, les déficits et, si nous le devons, même la faim… Nous saignerons ces Indiens à mort ! »
Tout ceci peut sembler « irrationnel » et même directement contre leur propre évangile capitaliste. Mais ils ne se préoccupent pas de rationalité, seulement de pouvoir. Et leurs maîtres du Nord compenseront leurs pertes, de toute façon.
Il n’y a pas moyen de négocier, de débattre avec cette sorte de gens. Ce sont des traîtres, des voleurs et des assassins.
Pendant des années et des décennies, ils ont utilisé la même stratégie, pariant sur la pusillanimité et l’humanisme de leurs opposants socialistes. Ils ont entraîné les gouvernements progressistes dans des débats interminables et futiles puis utilisé leurs propres médias ainsi que les médias occidentaux pour les calomnier. Si ça ne marchait pas, ils étouffaient leurs économies, provoquant des déficits, comme au Chili avant le coup d’État de Pinochet en 1973. Si cela ne suffisait pas, ils utilisaient la terreur nue et sans merci. Et enfin, en dernier recours, les interventions occidentales directes.
Ils ne sont pas là pour la « démocratie » ni même pour le « libre marché ». Ils servent leurs maîtres occidentaux et leurs propres intérêts féodaux.
Négocier avec eux, c’est perdre. C’est la même chose que jouer le jeu avec leurs propres règles. Parce que derrière eux, il y a toute la propagande occidentale, ainsi que la machinerie financière et militaire.
La seule façon de survivre est de s’endurcir, de serrer les dents et de se battre. Comme Cuba le fait depuis des décennies et, oui, comme le Venezuela le fait aujourd’hui.
Cette approche ne paraît pas « jolie » ; elle n’est pas toujours « élégante », mais c’est la seule manière d’avancer, la seule manière pour le progrès et la révolution de survivre.
Avant que Dilma ne soit « destituée » par la bande de monstres corrompus pro-occidentaux, j’ai suggéré, dans mon article censuré par Counterpunch mais repris en de nombreuses langues par des douzaines d’autres publications dans le monde, qu’elle devrait envoyer des chars dans les rues de Brasilia. J’ai suggéré que c’était son devoir, au nom du peuple du Brésil, qui avait voté pour elle et qui bénéficiait beaucoup du gouvernement de son Parti des Travailleurs.
Elle ne l’a pas fait et je suis presque certain qu’elle le regrette aujourd’hui. Son peuple se fait voler une fois de plus ; il souffre. Et toute l’Amérique du Sud est en déroute !
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Corruption ? Mauvaise gestion ? Pendant des décennies et des siècles, les peuples d’Amérique latine ont été gouvernés et volés par les bandits corrompus qui utilisaient leur continent comme une vache à lait tout en vivant dans l’opulence répugnante de l’aristocratie occidentale. Tout cela était fait, naturellement, au nom de la « démocratie », une mascarade totale.
Le Venezuela est toujours là – le gens se rassemblent derrière le gouvernement – dans une souffrance terrible et mourant à moitié de faim, mais ils se rallient quand même. C’est parce que pour beaucoup de gens là-bas, les intérêts personnels sont secondaires. Ce qui compte est leur pays, l’idéologie socialiste et la grande patrie sud-américaine. Patria grande.
C’est impossible à expliquer. Ce n’est pas rationnel, c’est intuitif, profond, essentiel et humain.
Ceux qui n’ont ni l’idéologie ni la capacité de s’engager ne comprendront pas. Et, franchement, qui se soucie de savoir s’ils le feront ou non.
Espérons que le Brésil et le Mexique – les deux pays les plus peuplés d’Amérique latine – voteront bientôt dans de nouveaux gouvernements de gauche. Alors les choses changeront, s’amélioreront beaucoup, pour le Venezuela.
Jusque là, Caracas doit compter sur ses camarades et amis, lointains mais proches, la Chine, l’Iran et la Russie, mais aussi sur sa belle et courageuse sœur, Cuba.
Evo Morales a récemment averti que l’Occident prépare un coup d’État au Venezuela.
Le gouvernement de Maduro doit survivre encore quelques mois. Avant que le Brésil soit de retour, avant que le Mexique les rejoigne.
Ce sera un dur combat, peut-être même sanglant. Mais l’histoire n’est pas faite de compromis et de capitulations. On ne peut pas négocier avec le fascisme. La France a essayé, avant la Seconde Guerre mondiale, et nous connaissons les résultats.
L’Occident et son fascisme ne peuvent qu’être combattus, jamais amadoués.
Lorsqu’on défend son pays, les choses ne peuvent jamais être ordonnées et élégantes. Il n’y a pas de saints. La sainteté mène à la défaite. Les saints naissent plus tard, lorsque la victoire est remportée et que le pays peut se le permettre.
Le Venezuela et la Syrie doivent être soutenus et défendus, par tous les moyens.
Ces peuples merveilleux, les Vénézuéliens et les Syriens, sont en train de saigner, luttant pour l’ensemble du monde non occidental et opprimé. À Caracas et Damas, des gens luttent, se battent et meurent pour le Honduras et l’Iran, pour l’Afghanistan et l’Afrique de l’Ouest.
Leurs ennemis ne peuvent être arrêtés que par la force.
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En Scandinavie, un gusano Syrien qui vit en Occident, qui calomnie le président Assad et qui est totalement récompensé pour cela, m’a contesté ainsi que le « régime » syrien au moment des questions/réponses. J’ai dit que je refusais d’en discuter avec lui, car même si nous passions deux heures à nous crier dessus, nous ne trouverions aucun terrain d’entente. Des gens comme lui ont commencé la guerre, la guerre qu’ils devraient avoir. Je lui ai dit qu’il était définitivement payé de ses efforts et que la seule façon pour nous de régler cela était « dehors », dans la rue.
Le Venezuela et la Syrie ne peuvent pas tomber. Aujourd’hui, l’enjeu est trop important. Les deux pays sont actuellement en train de combattre quelque chose d’énorme et de sinistre – ils combattent l’ensemble de l’impérialisme occidental. Il ne s’agit pas seulement d’une « opposition » ni même des éléments traîtres dans leurs sociétés.
C’est beaucoup plus grand. Il s’agit de l’avenir, de la survie de l’humanité.
Des milliards de gens dans toutes les parties du monde ont suivi de près les élections dans la République bolivarienne. Là-bas, les gens ont voté. Le président Maduro a gagné. Il a gagné encore une fois. Marqué, meurtri, mais il a gagné. Une fois de plus, le socialisme a vaincu le fascisme. Et vive le Venezuela, bon sang !
Traduit de l’anglais par Diane Gilliard pour Investig’Action
Source : https://journal-neo.org/2018/06/10/why-venezuela-and-syria-cannot-fall-2/
Les points de vue exprimés dans cet article sont strictement ceux de l’auteur et ils ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.