Autrice du très remarqué « Rester Barbare » (La Fabrique, 2022), Louisa Yousfi ne s’était pas exprimée depuis le sidérant 30 juin 2024. Depuis ces résultats du 1er tour des Législatives qui tourmentent la santé mentale des Français et étrangers qui n’ont pas l’épiderme « blanc ». Au-delà du dernier suspense - majorité absolue ou relative pour le RN ? -, le second tour va surtout confirmer une chose : plus de 12 millions de Français ont choisi l’impasse du racisme et du néofascisme politiques. Alors demain, comment y réagir ? S’unir et se discipliner face à « l’ennemi ». Parce qu'en France ou ailleurs, si l’ennemi se combattait avec des fleurs, des surdoses d’empathie ou une Coupe d’Europe de foot remportée par des joueurs afro-descendants, ça se saurait… (I’A)
Comme beaucoup des miens, j’ai avalé ma salive à de nombreuses reprises depuis le début de cette séquence politique. Il y avait l’idée que ce n’était pas le moment de nourrir des affects trop saillants ni des analyses trop précises, qu’il s’agissait plutôt d’embrasser grossièrement une dynamique générale, un peu confuse dans ses contours, mais dite « antifasciste ».
Comme d’habitude, il était question de se montrer dignes face à l’indignité de 12 millions (et bien davantage) d’âmes qui ne souhaitent plus respirer le même air que nous, les sales Noirs et Arabes de ce pays.
Il était question de dire comme attendu “qu’ils n’auront pas notre haine”, que leur laideur ne nous contaminera pas. Nous qui sommes du bon côté de l’Histoire, nous nous devions de montrer l’exemple. Voyez comme ils ont tort de nous haïr, nous qui ne haïssons même pas ceux qui voudraient nous voir morts, rendus à notre place de larbins, ou rémigrés dans nos pays d’origine.
Pour cela, on s’est adonné nous-mêmes à toutes les « ruffinades » possibles. On a laissé dire que ceux qui votent RN ne le font pas exactement par racisme ou plutôt que ce racisme n’en était pas vraiment un puisqu’il trouvait une explication à l’extérieur de lui-même : par exemple, dans la précarisation des classes populaires blanches, dans la ruine des services publics, dans le lavage de cerveau orchestré par les médias…
On a laissé dire ainsi que le racisme n’avait pas de loi propre, pas de densité historique, qu’il était un affect certes composé d’une hétérogénéité de causes mais n’ayant pas depuis cristallisé une réalité politique à part entière, tandis que toute l’histoire de nos familles témoignait de la matérielle substantielle de cette saloperie.
J’ai passé ma vie à entendre que le racisme n’était pas réellement du racisme : de la colère mal orientée, de l’aliénation, de la bêtise, du ressentiment… d’accord, d’accord ; mais alors ça commence quand exactement le racisme ? Ça existe un jour ou c’est toujours la projection d’un faux problème ? Et donc, on souffrirait d’un faux problème nous, on meurt d’un faux problème nous ? Et d’ailleurs, on existe vraiment nous ou on est seulement là pour subir les effets d’un détournement des « véritables » intérêts de classe ?
C’est ce sentiment de me battre avec un fantôme qui m’a fait m’engager en politique au sein du mouvement décolonial dont l’apport majeur a été précisément de prendre au sérieux cette question raciale, sans la renvoyer ailleurs, sans chercher de résolution par le détournement des yeux.
Il fallait regarder le monstre en face, en supporter tous les traits détestables, les analyser avec précision et ne jamais baisser les yeux. Ce n’est pas le fruit du hasard si nous avons été paradoxalement de ceux qui avons formulé des hypothèses quant aux « beaufs », en ayant pour règle de ne jamais les condamner au fascisme malgré l’évidence de leur adhésion idéologique.
Mais alors, que les choses soient claires désormais, ce n’était pas de la ruffinade, du nom de cette compassion qui croit pouvoir endormir les démons des petits blancs en leur traduisant leurs propres paroles ( « Vous dites que vous avez peur des musulmans mais en vérité vous voulez un meilleur salaire » ; « vous vous sentez en insécurité culturelle, mais c’est parce que vous vivez dans un désert médical »), et dont nos propres démons n’ont jamais eu droit, nous, dont les excès, les outrances, les tares sont immédiatement des lignes infranchissables pour la gauche appelée à nous condamner sur le champ (la barbarie).
Non, il s’agit moins de jouer les grands cœurs et de « respirer plus fort que le coeur du bourreau » que de « respecter» le mal qu’on veut combattre.
Car pour combattre véritablement un ennemi, il faut reconnaître qu’il existe véritablement, il faut savoir en identifier tous les visages, et surtout tous les mouvements possibles.
Il faut savoir que ce « pacte racial » qui lie la société civile de ce pays, la société politique, les classes populaires blanches et la bourgeoisie les unes aux autres appelle non pas à une complaisance paternaliste vis-à-vis des petits blancs égarés dans le racisme mais précisément à respecter la responsabilité de chacun d’entre nous, de nos camarades, et de nos ennemis.
Je dis « ennemis » car ils le sont. J’ai grandi au sein de la pire engeance fasciste (en Côte d’Azur), j’ai partagé mon quotidien de petite fille et de jeune femme avec cette espèce implacable, d’une cruauté redoutable, j’en ai gardé une expérience indélébile : celle de la rage, de la haine. Je les hais. Il est bon de le dire.
Il est bon de l’écrire quand certains tiennent encore à déguiser leurs petites lâchetés en élégances d’âme. Si le fascisme devait nous apprendre quelque chose, c’est sans doute cela : face à une armée de fascistes, il nous faut une armée d’antifascistes disciplinés, déterminés à ne rien céder, à ne pas trahir, fermes et « inamicaux » ainsi que Bertolt Brecht l’écrivait.
Inamicaux tandis que nous « préparions le terrain à l’amitié ». Ne pas brûler les étapes donc. L’amitié, c’est l’horizon. Aujourd’hui, « c’est l’alarme », comme le dit la chanson.
(Et votez LFI)
Louisa Yousfi
Source : profil Facebook de Louisa Yousfi
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michel marti
PREMIERE APPRÉCIATION DES RESULTATS LÉGISLATIVES (gilets jaunes du Coin).
Un bloc bourgeois durablement déstabilisé , une union de la gauche sans dynamique populaire :
Voici comment a varié (2ème tour par rapport au 1er) le corps électoral des principales coalitions de partis , en nombre de voix :
RN : – 634833
LFP : – 1 990 207
Macron : + 111 899
LR : – 681 516
Abst+blancs+nuls : + 2 782 542
Dans le detail pour les blancs et nuls:
1er tour: 850 711
2eme tour: 1 588 046 soit: + 737 335
On constate qu’entre le 1er et le 2ème tour, les reports de voix à double sens, gauche-Macron, ont très peu influé sur le score Macron qui gagne peu, par contre on constate bien une explosion abstentionniste, très exactement des blancs et nuls. Signe que l’électorat du NFP a refusé en majorité à rejoindre Macron. Le grand perdant de cette stratégie en nombre de sièges cette fois a été LFI qui garde le même nombre de sièges (72) quand tous les autres groupes progressent sauf le PCF: PS : + 40, Ecolos :+10 , PCF : – 3 . A noter que LFI a opté pour le plus de désistements au sein du NFP : retrait de plus d‘une centaine de circos.
Pour le bloc bourgeois en déconfiture, l’inversion du rapport de force de LFI dans la coalition va être prise en compte : les 72 LFI sur 131 Nupes sont passés à 72 LFI sur 178 NFP.
En face, nous n’avons malheureusement pas grand-chose : la fracture sociale qui divise le pays entre électorat RN et NFP ne semble pas prête à se colmater. Et la participation du NFP, LFI comprise, à l’entreprise de renflouement non seulement du PS, mais surtout des macronistes va rester dans la mémoire des électeurs RN.
Le casse tête n’est pas seulement le lot d’un pays sans majorité pour gouverner. Il est aussi celui de l’Union Européenne et de l’Otan.
A lire les gros titres des journaux, ils veulent faire croire, et s’intoxiquent eux-mêmes (comme d’hab), que c’est un Front Républicain qui a gagné, à savoir une coalition centre-gauche (PS, les verts, Macron hors LFI ) qui se dessine. Rien n’est moins sûr : du RN à NFP, personne ne veut prendre spontanément la place du mort dans le tacot Macron.
Le groupe Macron est d’ailleurs le premier à ne pas vouloir de Macron. (Veran sur TF1 : « je n’ai pas voulu de cette dissolution »).
Le PS serait bien tenté mais trahir ouvertement c’est carrément suicidaire.
Or, le capital financier qui domine le système neo libéral avait jusqu’ici un représentant naturel en la personne de Macron. Celui-ci gérant la fonction dévolue en mode extrême droite. En s’adossant idéologiquement au RN qui se nourrissait en retour au sein macroniste. Le bébé a profité, passant en 25 ans de 700 000 voix dites protestataires à 10 millions de voix quasiment stabilisés !
Sauf que maintenant ce parti fait peur à un bloc bourgeois fragilisé : sans boussole, sans expérience, sa base sociale populaire à laquelle le RN devra des comptes dès son accession au pouvoir est redoutée.
Dès lors, il est certain que l’Union Européenne, tenant compte de l’endettement de la France, du rôle croupion mais quand même central qu’elle joue internationalement (financement de la guerre en Ukraine alors que les américains pataugent sur le terrain), ne peut pas rester passive face à la paralysie politique du pays.
D’autant que les nuages noirs s’accumulent de partout : Biden est en bien plus mauvaise posture que Macron : Biden est de notoriété publique frappé de senilité.
Aussi faut-il s’attendre à des pressions énormes pour débloquer coûte que coûte la situation et permettre au bloc bourgeois de retrouver une quelconque assise.
Là, toutes les hypothèses possibles et imaginables sont ouvertes : un gouvernement « technique » UE comme en Grèce ou en Italie, un retournement désespéré d’un PS sous pression…
Ce qu’il y a d’à peu prés certain, c’est que toutes les mesures du pg NFP seront d’abord passées au crible de l’UE. En commençant par la retraite à 60 ans qui peut se négocier en versions diverses( 60 ans mais à taux minimum étalée à 62 ans ou plus etc.).
Mais tous ces palliatifs passeront difficilement : c’est là qu’on peut peut-être entrevoir une montée populaire contre l’UE et la main mise américaine sur l’Europe. A nous de nous y préparer.
noblemo
Cette analyse est aussi binaire que fausse.
L’auteur ne vit pas dans des quartiers où la langue, les vêtements, les pratiques religieuses, et les caïds qui sèment la peur ne sont pas d’origine française. Je persiste, les français blancs, ou même blacks et beur, se plaignent d’une overdose, du dépassement d’un seuil de toléarance. Ce n’est pas du racisme, de rejeter ces expressions culturelles, comportement et menaces, c’est tenter de conserver ce qu’on est culturellement, ses habitudes, son univers où la langue française prédomine réellement et symboliquement dans l’espace autour, sans parler des menaces portées par des délinquants dont la parole est étrangère.
Ce sont dans les quartiers de banlieues des villes grandes et moyennes où sont concentrées par les pouvoirs publics – comme Talonnettes qui a instauré le droit aux communes de payer pour ne pas avoir de HLM sur le territoire, tout en faisant des caisses sur l’immigration – qu’il y a la grande majorité des étrangers, et ce sont les gens qui vivent là – pas celles et ceux qui offrentune compassion, un soutien ponctuel en paroles, sur le mode des indulgences, depuis leur duplex dans les 15ème arrondissement de Paris – qui supportent la majorité des efforts d’intégration et d’assimilation.
Celui qui vous écrit ça a vécu dans ses quartiers. Et si ce discours RN, c’est que vous ne l’avez pas bien lu. En tous il écrit par un homme également très à gauche. Pensez-y.