Plus de 5.000 civils afghans ont déjà été tués (selon les estimations les plus basses) par les bombardements US qui continuent impitoyablement.(1)
Le chiffre officiel des victimes de New York et Washington est de 3.170.(2)
Se basant sur les principaux quotidiens US, britanniques, indiens et pakistanais, le professeur américain Marc Herold (3) n’a pu comptabiliser que ceux qui sont morts sur le coup et sans tenir compte des régions plus reculées. Ni, surtout, ceux qui sont morts de faim suite aux destructions et au blocage de l’aide alimentaire. Un million d’Afghans étaient en péril, avertissaient les ONG avant la guerre.
Crie-t-on au scandale, ici ? Les médias repassent-ils en boucle les images de ces terribles souffrances ? Pas du tout. A quelques rares exceptions près, la presse occcidentale applique la loi journalistique des bonnes et mauvaises victimes. Un mort à New York vaut mille fois plus qu’un mort à Kaboul.
Le 27 décembre, 40 civils – femmes et enfants surtout – ont été tués «par erreur» à Ghazni.(4) «Une barbarie», s’indigne le chef tribal Abdul Samad : «Les guérilleros sont dans les montagnes, jamais on ne les prendra car ils se déplacent très habilement, mais ça ne justifie pas que les USA bombardent la population civile.»
Quatre jours plus tard, le village de Niazi Qala est bombardé : au moins 92 tués. Un reporter décrit : «Au milieu d’immenses cratères, des lambeaux de chair, des flaques de sang et ce qui semble des lambeaux de cheveux humains.»(5) Pourtant, le ministre de la Défense afghan venait d’appeler à l’arrêt des bombardements US. Qui gouverne ?
Pour se blanchir, les militaires US recourent à leurs trucs classiques : «Il ya plusieurs hypothèses» (juste pour semer la confusion). Ou bien : «Nous allons enquêter» (gagner du temps pour faire retomber l’émotion). Ou encore : «L’ennemi avait pris ces civils comme boucliers humains» (jamais de preuves).
Comme en Irak ou en Yougoslavie, cette théorie des « bavures » sert à cacher une stratégie criminelle : on terrorise délibérément la population civile afin qu’elle se retourne contre ceux qu’il s’agit d’abattre. Ceci implique aussi la mise à l’écart des journalistes trop curieux. Récemment, trois photographes américains ont été brutalisés et menacés par des Afghans «agissant sur instruction des forces spéciales US».(6)
Les occupants vont affronter deux ennemis
Que cache-t-on ? Selon le célèbre journaliste britannique Robert Fisk, «les Américains ont montré une bande vidéo de Ben Laden (incompréhensible pour chaque Arabe à qui je l’ai montrée), censée prouver que le monstre a planifié ces crimes contre l’humanité.» Le but ? «Cacher le fait que Monsieur le Diable semble avoir disparu. Et que les bombardements US ont déjà tué plus d’Afghans innocents qu’il n’y eut de victimes aux USA. Que le Mullah Omar s’est aussi échappé. Qu’à l’exception de quelques femmes extrêmement braves, la plupart des femmes afghanes continuent à porter la burqa à Kaboul. Et que les assassins de l’Alliance du Nord sont majoritaires au gouvernement. »(7)
Les Etats-Unis s’embourbent. Leurs victoires militaires – jusqu’à présent – ne peuvent cacher qu’ils n’ont aucune base politique solide en Afghanistan. Ils ont payé 250.000 $, signale encore Fisk, pour acheter des talibans dissidents. Mais aussi certains chefs de l’Alliance soudainement très riches ainsi que «les chefs tribaux pachtounes de Kandahar qui se baladent à présent dans de luxueuses 4X4 flambant neuves et distribuent des milliers de dollars à leurs soldats. »
Difficile cependant d’acheter tout le monde. Les Etats-Unis et leurs alliés devront affronter deux ennemis. D’une part, il semble que peu de combattants talibans aient été tués(8) et qu’ils pourraient organiser une guerre de guérilla. D’autre part, une grande partie de l’Alliance du Nord refuse l’occupation US. Des embuscades ont déjà tué plusieurs soldats. Le 12 décembre, des moudjahiddins ont fait sauter un grand dépôt de munitions à Kandahar, tuant ou blessant 200 Marines américains, affirme une agence afghane.(9)
Les boys d’Unocal aux postes-clés
S’agit-il d’une lutte humanitaire contre le terrorisme ou d’une guerre pour le pétrole ? Voici de quoi rallier les derniers sceptiques. Qui Bush a-t-il nommé premier ministre afghan ? Hamid Karzai, 17 ans aux USA où il était consultant de la multinationale pétrolière Unocal. Celle-là même qui cherche depuis des années à construire son grand pipe-line à travers l’Afghanistan. Et qui a-t-il nommé envoyé spécial des Etats-Unis ? Zalmay Khalilzad, lui aussi « Unocal boy ». En 97, il a négocié avec les talibans, les défendant dans la grande presse US : «Nous devrions leur offrir la reconnaissance et une assistance humanitaire.»(10)
Avant ou sans les talibans, Washington ne cherche qu’à contrôler toutes les routes du pétrole dans le monde. Pour des profits maximums mais aussi et surtout pour faire chanter ses rivaux : Europe, Japon, et surtout, dans ce cas, une Chine trop indépendante.
Marionnettes ou révolution de libération nationale ?
Toujours, les puissances coloniales s’appuient sur de tels seigneurs de guerre et autres marionnettes achetables et manipulables à volonté. Pour mettre fin aux souffrances du peuple afghan, la seule issue est une révolution de libération nationale : 1. Briser le pouvoir des classes féodales. 2. Réformer l’agriculture et distribuer les terres. 3. Et surtout, l’indépendance, condition de toute libération.
Comme l’indique un récent communiqué de l’organisation progressiste clandestine Sama : « Le moment est arrivé de fonder un front démocratique, réunissant l’ensemble du peuple afghan des différentes ethnies et défendant le droit de notre peuple de se protéger face à l’impérialisme mondial et à ses multinationales. Nous demandons aux hommes et aux femmes progressistes de s’unir. »
Ce problème n’est pas local, mais mondial. Pendant qu’en Argentine, le peuple se révolte contre l’appauvrissement orchestré par le FMI, en Serbie, le nouveau gouvernement emprunte la même voie. Il va liquider les quatre grandes banques yougoslaves : Beobanka, Beogradska banka, Investbanka et Jugobanka pour faire place nette aux banques occidentales. Leurs employés iront rejoindre les 850.000 chômeurs de la Serbie. Le progrès, version OTAN + FMI !
Le monde n’a pas d’autre solution que d’unir ses luttes contre ce nouveau colonialisme.
Lapidations : les pierres seront plus petites
Occupation humanitaire ? «Le nouveau gouvernement a déclaré que la Loi Islamique sera toujours en vigueur, mais que son application sera moins sévère.» Le juge Ahamat Ullha Zarif précise : « Les pendaisons publiques continueront, mais les suppliciés ne resteront exposés que 15 minutes au lieu de 4 jours. Les personnes adultères seront lapidées à mort avec des pierres plus petites pour leur donner une chance de s’échapper.»(11)
(1) 3.700 pour les seuls deux premiers mois de guerre.
(2) Associated Press, 28 décembre 2002.
(3) Irish Times, 2 janvier 2002.
(4) Afghan Islamic Press, 28 décembre 2001.
(5) Associated Press, 31 décembre 2001.
(6) AFP, 21 décembre 2001.
(7) www.zmag.org/meastwatch/fiskparttwo.htm
(8) Le Soir, 5 janvier 2002.
(9) Institut d’Investigation et d’Etudes Islamiques, cité dans Resumen Latinoamericano : www.nodo50.org/resumen.
(10) http://www.wsws.org
(11) Australia’s ABC News Online, 28 décembre 2001.