A chaque fois qu’un individu soupçonné de terrorisme est repéré et cerné par les forces de l’ordre, l’issue fatale semble devenue presque normale. La peine de mort est pourtant abolie en Europe. Dans la majorité des cas, le fait est commenté dans la presse par un simple: « l’homme a été abattu ».
Tuer ou pas ?
Dernièrement, à Paris, un jeune homme armé d’un simple couteau tue une personne et en blesse 5 autres. En moins de neuf minutes, il est abattu. Il semble que les policiers aient utilisé par deux fois un taser avant de faire usage de leurs armes. D’après la presse, presque unanime à ce sujet, les policiers sont de mieux en mieux préparés à faire face au pire. La France ne cède pas un pouce aux ennemis de la liberté” a déclaré le président de la République, Emmanuel Macron. Il ne s’est pas trouvé grand monde, ni dans la presse, ni dans le monde politique pour regretter qu’un homme armé seulement d’un couteau ne soit pas capturé vivant dans un pays où la peine de mort n’est plus en vigueur.
Dans d’autres cas, quand les terroristes sont plus lourdement armés, on pourrait aussi déplorer qu’ils n’aient pas été capturés vivants, en tirant par exemple dans les jambes, comme lors de l’arrestation de Salah Abdeslam, en Belgique. Ne serait-ce que pour les besoins de l’enquête mais aussi et avant tout pour être en accord avec l’abolition de la peine de mort. D’autant que celle-ci est appliquée par les forces de l’ordre, hors jugement et banalisée dans les médias. Tuer un criminel est précisément ce qu’essaie d’éviter à tout prix l’abolition de la peine de mort.
Terroriste ou pas ?
Le lundi 14 mai, 55 palestiniens, dont des mineurs de moins de 16 ans, ont été assassinés à Gaza par les soldats israéliens alors qu’ils manifestaient pacifiquement. « C’étaient des terroristes » a justifié l’ambassadrice d’Israël en Belgique, Simona Frankel. Il est vrai que la peine de mort n’a pas vraiment été abolie en Israël. Elle a été abolie pour meurtre en 1954, mais conservée pour crimes contre l’humanité et trahison. C’est ce qui a permis de pendre Eichmann en 1962. Dernièrement, le 3 janvier 2018 le parlement israélien – la Knesset – a adopté par 52 voix contre 49, un projet de loi préconisant la peine capitale pour les terroristes jugés coupables de meurtre. Les manifestants palestiniens n’étaient pas des terroristes et ils n’ont tué personne. La peine de mort à leur encontre était non seulement barbare mais illégale.
Dernièrement, une petite fille kurde de 2 ans, Mawda, a été tuée par une balle tirée probablement par la police de la route. Elle se trouvait dans une camionnette qui transportait illégalement des migrants et qui fut prise en chasse par la police. Ce délit méritait-il qu’une arme soit utilisée ? L’indignation de la population belge est grande mais aurait-elle été aussi grande si c’était le « passeur » qui avait été tué ? Méritait-il la peine de mort ?
Escalade
En 2003, la Belgique et la France ont refusé d’envoyer des soldats en Irak. Cependant, en 2011, dans cette Europe qui a officiellement aboli la peine de mort, il n’était plus question de refuser la guerre en Libye. Il s’est trouvé du monde pour se réjouir de l’exécution de Kadhafi et Nicolas Sarkozy s’est félicité de cette “étape majeure” pour la libération de la Libye. Le président du Parlement européen, Jerzy Buzek a pour sa part salué “un grand jour pour la Libye et la démocratie”. Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit «fier du rôle joué» par Londres dans la chute du «dictateur brutal». Son ministre des affaires étrangères, William Hague, a indiqué qu’il désapprouvait les exécutions extrajudiciaires tout en assurant qu’il n’allait pas pleurer. A propos de la Syrie, Laurent Fabius déclarait le 17 août 2012 : «Je suis conscient de la force de ce que je suis en train de dire : Mr Bachar el-Assad ne mériterait pas d’être sur la Terre ».
Dans cette France qui se dit « patrie des droits de l’homme », François Hollande a pourtant confirmé (1) l’existence d’opérations homicides.Il reconnait avoir ordonné au moins quatre de ces éliminations ciblées et commises dans la plus totale illégalité à l’étranger. La presse a souligné qu’il avait commis une erreur… en en parlant (2).
Le permis de tuer se banalise. Une violence d’état inquiétante est en train de s’installer. Les politiques répressives se durcissent. Fallait-il attendre qu’une enfant meure sur une route belge pour qu’on s’en indigne ?
Source: Investig’Action
Dessin: Franquin
Notes:
(1) Dans le livre Un président ne devrait pas dire ça, confidences recueillies par deux journalistes du Monde.
(2) https://www.lexpress.fr/actualite/societe/francois-hollande-a-t-il-eu-tort-d-admettre-l-existence-d-assassinats-cibles_1840636.html