Gaza, le 29 octobre. Photo : Motaz Azaiza

Nous ne serons pas complices d’un génocide

Se refusant à l'impuissance et à une complicité européenne dans le génocide perpétré à Gaza par Israël, la ministre espagnole Ione Belarra a lancé un appel vibrant aux dirigeants européens. Une prise de position enfin à la hauteur de l'extrême gravité de la situation et au diapason des manifs mondiales pour que cesse « l'enfer des Palestiniens ». Sans surprise, cet appel a été invisibilisé par les médias mainstream occidentaux. En sera-t-il de même pour une plainte contre Israël pour « génocide » devant la Cour Pénale Internationale ?


« Personne ne peut rien faire contre ce qui se passe à Gaza ? » Question rhétorique lancée, mercredi passé, par Ione Belarra, la ministre espagnole des droits sociaux, sur la plateforme X (ex-Twitter).
Une interrogation qui empêche de dormir tout humaniste européen depuis plus de trois semaines. Convaincue qu’il faut accentuer la pression afin que le seul État colonial du Moyen-Orient cesse de massacrer des civils par centaines, le 25 octobre, la ministre a interpellé les dirigeants européens : « Agissez. Prenez vos responsabilités. Ne nous rendez pas complices du génocide israélien dans la bande de Gaza ! »


Soulignant que l’État d’apartheid ne se contente pas de tuer massivement des civils mais veut également dissimuler ses pires crimes de guerre, Ione Belarra ajoute : « Israël a coupé tous les canaux de communication dans la Bande de Gaza, dans une tentative délibérée de dissimuler les atrocités qu’il y commet ». Pour rappel, le bilan des opérations militaires israéliennes ont fait à ce jour, selon les dernières estimations du ministère de la santé de Gaza : 8800 tués (dont 3648 enfants et 2290 femmes) et plus de 21 000 blessés (à des degrés divers) en 3 semaines…

L'effroyable cratère provoqué par les bombardements israéliens du camp de réfugiés de Jabaliya, les 31 octobre et 1er novembre. Selon différentes sources, le bilan des victimes s'élèverait à plus de 400 tués et blessés.
L’effroyable cratère provoqué par les bombardements israéliens du camp de réfugiés de Jabaliya, les 31 octobre et 1er novembre. Selon différentes sources, le bilan des victimes s’élèverait à plus de 400 tués et blessés. (AFP)


Également dirigeante de Podemos (étiqueté de gauche radicale), la ministre Belarra fait partie de ces rares politiciens occidentaux à avoir utilisé, dès le 17 octobre, le terme de « génocide » pour qualifier les incessants bombardements d’Israël sur Gaza. A ce niveau de responsabilités, un tel courage politique n’existe pas en Belgique, en Allemagne ou en Angleterre et encore moins en France ; pays « des Lumières » dans lequel règne une furieuse police de la pensée pro-israélienne, résolue à criminaliser tout citoyen exprimant son soutien aux Palestiniens comme à l’avènement d’une Palestine libre.

Quatre mesures urgentes


Au nom des Européens, chaque jour plus inquiets du déchaînement meurtrier d’Israël contre les Palestiniens de Gaza (plus de 8500 tués) et de Cisjordanie (plus de 125 tués), Belarra liste 4 mesures qu’aurait déjà dû prendre l’Union européenne si celle-ci n’était à la botte des États-Unis :

« La première, c’est de suspendre les relations diplomatiques avec le gouvernement israélien. Deuxièmement, appliquer de fortes sanctions économiques, comme celles imposées à Poutine. Troisièmement, imposer un embargo sur les armes. Quatrièmement – comme cela a été le cas pour la guerre en Ukraine -, tenir Netanyahu et tous les leaders politiques pour responsables des bombardements contre la population civile de Gaza devant la Cour Pénale Internationale [CPI] ».


Cette volonté de traduire en justice le Premier ministre israélien pour crimes de guerre et crime contre l’Humanité fait écho à une autre démarche venue de France ; soit l’un des deux poids-lourds européens (avec l’Allemagne) dont les gouvernants sont fanatiquement ou inconditionnellement pro-Israël… Nous y reviendrons.

A l’adresse des plus sceptiques d’abord, rappelons la fracassante démission de Craig Mokhiber, le directeur du bureau new-yorkais du Haut-commissariat des Nations unies chargé des droits de l’homme. Dans sa lettre de démission, rendue publique hier, mardi 31 octobre, ce haut fonctionnaire, en poste depuis 1990, attribue son départ à « l’échec » de l’ONU ; sans invisibiliser le mot qui fâche les tenants de la propagande de guerre israélienne. « Une fois de plus, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux, et l’organisation que nous servons semble impuissante à l’arrêter », a écrit Mokhiber à son supérieur, Volker Turk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.

Pointant les États-Unis, le Royaume-Uni et une majorité de pays européens comme étant « totalement complices de l’horrible agression » , notamment en armant Israël et en le dotant d’une couverture politico-diplomatique, Craig Mokhiber conclut : « Le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethno-nationaliste, dans la continuité de décennies de persécution et de purges systématiques, entièrement basées sur leur statut d’Arabes, ne laisse aucune place au doute : le projet colonial européen est entré dans sa phase finale, vers la destruction accélérée des derniers vestiges de la vie palestinienne autochtone en Palestine. »

La justice, une réponse à la barbarie génocidaire ?


Intitulée « Plainte pour génocide devant la Coup pénale internationale », l’initiative française, qui se veut collective, émane de l’avocat et Docteur en droit Gilles Devers. «  Face à ce déchaînement de violence, des violations les plus graves du droit et ce mépris révoltant pour la vie des Palestiniens, notre devoir est d’affirmer haut et fort que ces crimes ne resteront pas impunis. », estime Me Devers.

Le projet de plainte comprend un draft juridique, une déclaration d’avocat, un mandat pour les associations et ONG ainsi qu’une note explicative. Finalisée, ladite plainte sera déposée par un groupe d’avocats, le 9 novembre prochain, au siège de la CPI à La Haye (Pays-Bas). Ici encore : « Toute personne, avocat ou militant associatif, est le bienvenu pour participer à ce rassemblement. Aucun frais n’est demandé». Afin d’aviser les services de police de La Haye, il est par contre demandé aux futurs participant.e.s de s’inscrire via l’adresse e-mail : afdi.france@gmail.com

La manifestation bruxelloise du 22 octobre en solidarité avec le peuple palestinien, a réuni, devant les Institutions européennes, plusieurs dizaines de milliers de participants.


Contactée par Investig’Action, Selma Ben Khelifa, avocate belge et membre du réseau Progress lawyers network, nous a confirmé avoir pris connaissance du projet de son homologue français. Elle y a immédiatement souscrit et invite d’autres consoeurs et confrères à faire de même. A l’heure d’écrire ces lignes, à n’en pas douter, les téléphones « chauffent » et la démarche française (traduite en anglais et en arabe) pourrait prendre une ampleur européenne inattendue…

Après plus de trois semaines de désespoir par écrans interposés face à l’horreur meurtrière, de honte citoyenne envers nos gouvernants qui s’en lavent les mains et soutiennent, – comme aux pires heures du 20 ème siècle – un Etat colonial en totale perdition néofasciste ; après plus de trois semaines de trahison complète de ce qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, appelle encore « les valeurs de l’Europe », il s’agit donc d’une première juridique visant à marquer le refus de se faire les complices d’un génocide en cours.

Sera-ce suffisant pour arrêter la guerre et les atrocités endurées en Palestine colonisée ? Sans doute que non. Mais il s’agit d’un premier pas constructif en ce sens et, comme le chante Alain Souchon, « c’est déjà ça ».


Olivier Mukuna

Source : Investig’Action

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.