Netanyahu multiplie les coups bas pour empêcher un cessez-le-feu

Ce n’est pas le Hamas qui bloque un cessez-le-feu à Gaza, c’est Israël. Netanyahu sabote systématiquement les négociations depuis le début. Les exigences actuelles d’Israël sur le contrôle militaire de la bande de Gaza garantissent leur échec.

Depuis le début de la semaine, on a reçu deux informations d’apparence contradictoire à propos des dernières négociations sur le cessez-le-feu.

Celle qui a retenu l’attention de la presse internationale annonce que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accepté l’accord de cessez-le-feu américain et que le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré que la balle était désormais dans le camp du Hamas.

La deuxième information n’a trouvé écho que dans les médias israéliens : Netanyahu a déclaré à un groupe de familles de prisonniers israéliens détenus à Gaza qu’il n’était pas sûr qu’un accord de cessez-le-feu soit conclu parce qu’Israël ne se retirerait des corridors de Netzarim et de Philadelphie à Gaza « sous aucune condition ».

Alors que la première permet d’accuser le Hamas du fait qu’il n’y a toujours pas de de cessez-le-feu, la seconde prouve qu’en fait, c’est Israël qui tient à poursuivre son assaut génocidaire sur Gaza.

L’exigence de Netanyahu de garder Netzarim et Philadelphie sous son contrôle – que même un officiel de l’administration américaine considère comme une demande « maximaliste » qui ne contribue pas à « faire passer la ligne d’arrivée à un accord de cessez-le-feu » – revient à dire qu’Israël n’est pas du tout intéressé par un cessez-le-feu.

Netanyahu sabote systématiquement toutes les négociations

Le dernier cycle de négociations a débuté la semaine dernière à la suite d’un appel lancé par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar en faveur de la reprise des négociations. Les trois gouvernements se sont empressés de relancer les efforts de cessez-le-feu après que l’Iran et le Hezbollah ont promis d’attaquer Israël en représailles à l’assassinat du principal commandant militaire du Hezbollah, Fouad Shukr, dans le quartier sud de Dahiya à Beyrouth, ainsi que du chef du politburo du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran. Ces deux assassinats ont ravivé les tensions et accru la possibilité d’une guerre régionale.

C’est alors que Blinken a affirmé que Netanyahu avait accepté l’accord proposé par les États-Unis.

Dans un communiqué publié mardi, le Hamas a déclaré que les affirmations américaines selon lesquelles leur mouvement refusait l’accord étaient « trompeuses », et il a accusé les États-Unis d’aider Netanyahu à prolonger la guerre. Le mouvement a également déclaré que « les médiateurs savent que le Hamas a réagi de manière responsable à tous les cycles de négociations » et qu’il avait accepté la proposition de Biden en mai, sur la base de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU visant à mettre fin à la guerre.

Le dernier cycle de négociations s’est concentré sur une nouvelle proposition américaine, dont les détails n’ont pas été entièrement divulgués. Toutefois, selon une déclaration de Netanyahu mardi, la proposition « prend en compte les besoins d’Israël en matière de sécurité ».

La base de la proposition, présentée par Biden en mai dernier, comprenait trois phases, la première étant un arrêt des hostilités de 42 jours au cours duquel un premier échange de prisonniers aurait lieu. La proposition initiale prévoyait un retrait total d’Israël de la bande de Gaza. À l’époque, les États-Unis ont affirmé que la proposition avait été présentée à Washington par Israël, bien que Netanyahu ait déclaré publiquement dans une interview télévisée qu’il n’était pas prêt à mettre fin à la guerre.

Le 10 juillet, le quotidien israélien Haaretz a publié un rapport montrant que Netanyahu sabotait le cessez-le-feu depuis le mois de janvier. Par exemple, lors d’un cycle de négociations en avril, Netanyahu a divulgué aux médias des informations sensibles concernant le nombre de prisonniers palestiniens à libérer, par l’intermédiaire de son ministre des finances, Bezalel Smotrich. Cela a nui aux efforts de négociation. À la fin du mois d’avril, Netanyahu a rappelé l’équipe de négociation et lui a ordonné de revenir sur des accords déjà conclus, à l’insu et sans l’approbation de son cabinet de guerre.

Puis, en mai, alors que les chefs de l’armée et des services de renseignement israéliens s’attendaient à une réponse positive du Hamas à la proposition de Biden, Netanyahu a dit qu’il avait l’intention de prendre Rafah et qu’il n’accepterait jamais de mettre fin à la guerre dans le cadre d’un accord futur. Début juin, Israël a envahi Rafah et les chances d’un accord se sont à nouveau évanouies.

Début juillet, le Hamas a annoncé qu’il acceptait la proposition de Biden, car elle prévoyait le retrait complet des forces israéliennes de la bande de Gaza, le retour des Palestiniens déplacés dans le nord de la bande de Gaza et le début des efforts de reconstruction à la fin de l’échange de prisonniers. Le seul amendement du Hamas à l’accord américain consistait à garantir qu’Israël ne reprendrait pas la guerre après la conclusion de l’échange de prisonniers, en exigeant que le retrait israélien soit permanent et que les efforts de reconstruction commencent avant la fin de la phase finale du cessez-le-feu.

C’était une catastrophe pour Israël. Le Hamas avait essentiellement accepté un accord proposé par le président Biden lui-même. Cela renvoyait la balle dans le camp d’Israël et poussait Netanyahu dans ses retranchements. La situation de Netanyahu était encore aggravée par le fait que Biden avait présenté l’accord proposé comme une initiative israélienne.

Pour s’en sortir, Netanyahu a prétendu que le Hamas avait modifié les conditions de l’accord, insistant sur le fait qu’il n’y avait pas de consensus israélien pour mettre fin à la guerre. C’est ainsi que la guerre s’est prolongée.

Le changement de position de Netanyahu sur l’avenir de Gaza

À la mi-juillet, les médiateurs égyptiens et qataris ont rappelé Israël et le Hamas à la table des négociations. Netanyahu a envoyé au Caire une délégation plus restreinte, dotée de pouvoirs limités. L’équipe israélienne est rentrée à Tel-Aviv quelques heures plus tard, après un différend avec Netanyahu sur ce qui devenait de plus en plus la priorité du premier ministre israélien dans les négociations : l’avenir des corridors de Netzarim et de Philadelphie.

Mais pourquoi se concentrer sur ces deux zones ? La réponse tient à leur emplacement stratégique et à la vision d’Israël sur l’avenir de Gaza.

Le corridor de Netzarim est une bande de terre de quatre kilomètres de large au centre de Gaza que l’armée israélienne a débarrassée de ses habitants et qu’elle utilise comme zone militaire pour stationner et déplacer ses troupes. Plus important encore, Netzarim s’étend de la limite orientale de Gaza à l’ouest, divisant l’enclave côtière en deux et coupant ainsi le nord de Gaza du sud. Le corridor de Philadelphie joue un rôle stratégique différent : il s’agit d’une bande de terre de deux kilomètres de large le long de la frontière de Gaza avec l’Égypte, et Israël affirme que le Hamas fait entrer des armes par les tunnels qui passent dessous.

Les déclarations de Netanyahu sur son désir de garder le contrôle de ces deux couloirs ont suivi le départ d’Israël de Blinken pour l’Égypte, où il a rencontré le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi. La position de l’Égypte est claire : Israël doit se retirer du corridor de Philadelphie. La présidence égyptienne a également déclaré que Sissi avait fait comprendre à Blinken qu’il était temps de parvenir à un accord de cessez-le-feu suivi de la reconnaissance internationale d’un État palestinien dans le cadre d’une solution à deux États.

Netanyahu affirme que le corridor de Philadelphie le long de la frontière égyptienne est d’une « importance stratégique » vitale pour Israël car, sans son contrôle, Israël ne pourras pas s’assurer que des armes ne soient pas introduites clandestinement dans la bande de Gaza à l’avenir. Pourtant, les avis divergent sur la nécessité de conserver les corridors de Netzarim et de Philadelphie, même au sein de l’armée israélienne.

Selon la chaîne publique israélienne, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, a dit, à la mi-juillet, qu’Israël « peut s’occuper du corridor Philadelphie sans y maintenir des forces ». Le ministre israélien de la guerre, Yoav Gallant, a également déclaré en juillet qu’Israël pourrait se retirer de la zone sous certaines conditions, à savoir l’installation d’une technologie de surveillance pour éviter la contrebande d’armes.

Selon des observateurs israéliens, la position rigide de Netanyahu ne semble pas avoir grand-chose à voir avec des raisons de sécurité. Des sources israéliennes anonymes ont déclaré à la chaîne publique israélienne que les pouvoirs conférés par Netanyahu aux négociateurs étaient si limités qu’ils devaient constamment quitter la salle de réunion pour consulter Netanyahu et recueillir ses instructions. Le quotidien israélien Haaretz a déclaré dans son éditorial de mardi qu’il est difficile de croire Netanyahu étant donné qu’il avait fait des déclarations tout aussi favorables à un accord dans le passé « tout en travaillant à torpiller les propositions ».

Cette critique fait écho à la déclaration de la mère d’un des prisonniers israéliens à Gaza, qui a témoigné devant une commission d’enquête civile indépendante que le chef du Mossad israélien lui avait dit qu’il était impossible de parvenir à un accord sous le gouvernement israélien actuel. Le bureau de Netanyahu a publié une déclaration dans laquelle il nie que le chef du Mossad ait tenu ces propos.

Les médias israéliens ont également cité des négociateurs israéliens anonymes qui ont déclaré que les remarques de Netanyahu sur le fait qu’il ne se retirerait pas de Philadelphie et de Netzarim avaient pour but de « faire échouer les négociations » et qu’il devait cesser de dresser des obstacles pour détruire toute chance d’un accord.

À la fin de son séjour en Israël, Blinken a déclaré que Netanyahu l’avait assuré qu’Israël acceptait la dernière proposition de cessez-le-feu des États-Unis, soulignant qu’il appartenait au Hamas de l’accepter afin d’avancer dans les discussions sur les détails de sa mise en œuvre. Mais comme le montre la chronologie des événements ci-dessus, Israël n’a cessé de saper les négociations sur le cessez-le-feu tout au long du génocide de Gaza, et les conditions posées par Netanyahu sur Philadelphie et Netzarim ne sont que le dernier stratagème en date.

Ces exigences sont une fin de non-recevoir que le Hamas sera contraint de rejeter, ce qui est exactement ce que veut Netanyahu : il fait semblant d’accepter la proposition américaine, met la balle dans le camp du Hamas, puis il redouble d’exigences qui rendent impossible l’accord du Hamas. Il réussit ainsi à donner l’impression que le Hamas est responsable de l’échec des pourparlers, avec l’aimable complicité de l’administration Biden-Harris. Pendant ce temps, le génocide israélien à Gaza continue.

Source: Mondoweiss

Traduction: Chronique de Palestine

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