L’UE entend encourager la coopération avec le gouvernement raciste d’Israël

L’UE veut une coopération plus forte avec Israël notamment au niveau de la “sécurité” (le domaine de Ben Gvir) et au niveau judiciaire. L’Union européenne a-t-elle discrètement capitulé face à Benjamin Netanyahou ?

En 2017, Netanyahou déplorait devant qui voulait l’entendre que l’UE attachât des « conditions politiques » aux relations avec Israël, et il estimait la chose « absurde ».

Six ans plus tard, l’élite de Bruxelles prétend désormais que « notre amitié [avec Israël] est inconditionnelle ».

Du moins, telle fut la ligne adoptée par Margaritis Schinas, un vice-président de la Commission européenne, quand il se rendit à Tel-Aviv en juin dernier. Un document de briefing (*) préparé en vue de sa visite prouve qu’il défendait des relations plus étroites avec la récente coalition dirigée par Netanyahou, bien qu’il s’agisse de la coalition la plus à droite jamais formée depuis la création d’Israël.

Le document – obtenu via une requête au nom de la liberté d’information – dit que « nous pouvons rendre notre coopération plus forte encore ».

La « sécurité » est reprise comme l’un des domaines politiques dans lesquels la coopération peut s’intensifier.

Cette inclusion est significative.

Voici quelques mois, des envoyés de l’UE à Tel-Aviv ont annulé une réception à laquelle voulait assister Itamar Ben-Gvir, le ministre effrontément raciste de la sécurité nationale israélienne. Pourtant, le message adressé par Schinas disait bel et bien que l’UE aspirait à des liens plus étroits avec l’appareil « sécuritaire » israélien.

On peut trouver les principales conditions à laquelle sont soumises les relations entre l’EU et Israël dans un « accord d’association ». L’accord – qui est entré en vigueur voici plus de vingt ans – stipule que toutes les tractations « seront basées sur le respect des droits humains et des principes démocratiques ».

Il est évident depuis longtemps que l’UE n’a pas l’intention d’appliquer ces conditions.

Malgré ses violations coutumières des droits palestiniens, Israël s’est entendu dire à de multiples reprises que l’UE voulait resserrer ces liens de plus en plus étroitement.

Le document ci-dessous, préparé en vue du séjour de Schinas à Tel-Aviv, donne un aperçu du degré d’intimité actuel des relations entre l’UE et Israël. Il décrit Israël comme « un véritable ami, un partenaire réel » de l’UE et « un allié dans les questions majeures allant de l’IA et de la technologie au changement climatique ».


Démocratie ?

Israël n’a jamais été une démocratie, pour les Palestiniens. Si l’actuel gouvernement atteint ses objectifs, Israël ne sera d’ailleurs plus une démocratie pour ses citoyens juifs non plus.

La justice israélienne a toujours fait partie intégrante d’un système d’apartheid. Se révélant hostile aux droits humains fondamentaux, la cour suprême israélienne a même approuvé la torture des prisonniers palestiniens.

La justice a néanmoins été trop autonome au goût des hommes politiques les plus extrémistes d’Israël. Ils poussent désormais vers l’avant une législation qui empêcherait la cour suprême d’annuler des décisions visant à intensifier encore l’oppression des Palestiniens.

Plutôt que de critiquer les tribunaux qui soutiennent la torture, l’Union européenne cherche activement un accord de coopération judiciaire avec Israël.

Tel est le message qui a été délivré par Ladislav Hamran, président d’Eurojust – l’agence de l’UE pour la coopération en justice pénale – lors d’une vite au Moyen-Orient en juillet.

Une note de briefing (*) préparée en vue de cette visite expliquait qu’Israël s’était dit intéressé par les négociations d’un partenariat avec Eurojust dans des discussions ayant eu lieu en novembre dernier « mais, malheureusement, aucun progrès n’a été réalisé depuis ».

Les responsables de l’UE « attendent toujours une marque officielle d’intérêt » de la part d’Israël via une lettre et la désignation d’une équipe de négociateurs. La note de briefing ci-dessous recommandait que Hamran insiste dans ses conversations avec les représentants israéliens sur le désir de l’UE « d’entamer des négociations le plus tôt possible ».


L’autocensure

Dans un récent article, je révélais que la politique de l’UE consistait à s’abstenir d’entreprendre des actions susceptibles d’offenser Israël.

La note de briefing destinée à Hamran suggère même que l’équipe de l’UE marche sur la pointe des pieds autour d’Israël autour de ses discussions internes.

Cela montre bien qu’un arrangement séparé sur la coopération policière entre l’UE et Israël a été élaboré par des bureaucrates. L’arrangement, toutefois, n’a pas été « avalisé » par le Parlement européen ni par certains gouvernements de l’UE « en raison de questions de territorialité ».

De telles questions « peuvent entraver la négociation d’un accord de coopération avec Eurojust », ajoute la note.

Les « questions de territorialité » portent sur des propositions de ce que l’accord de coopération policière pourrait couvrir des territoires saisis par Israël en juin 1967. En d’autres termes, elles concernent en fait une occupation militaire.

Le projet d’accord de coopération policière aurait permis l’usage presque sans entrave par Israël des données obtenues par l’UE en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, dans les hauteurs du Golan et à Gaza.

Plutôt que d’expliquer les questions périphériques en termes clairs et simples, l’équipe d’Eurojust qui a préparé la visite de Hamran a manifestement éprouvé le besoin de recourir à des euphémismes.

Un flou similaire peut être détecté dans une note de briefing préparée en vue d’une rencontre entre Hamran et Akram al-Khatib, le ministre de la Justice de l’Autorité palestinienne.

La note mentionne qu’al-Khatib était « grandement impliqué dans l’enquête sur la mort de la journaliste vétérane Shireen Abu Akleh ».

Tout en reconnaissant que Shireen Abu Akleh avait été « abattue et tuée lors d’un reportage sur un raid dans le camp de Jénine », la note ne déclare pas explicitement qu’elle avait été tuée par des soldats israéliens.

Alors que ce fait ne fait aucun doute, les responsables de l’UE ont recouru à l’autocensure. Exprimer la vérité sans fards devient apparemment tabou.

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(*) On peut consulter les documents cités dans l’article original en anglais

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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source: The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal Charleroi pour la Palestine

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