Dans cette rubrique, Marc Vandepitte, lecteur assidu, présente des faits, des chiffres ou des citations frappants, provenant du monde entier, que les autres médias ont peu ou pas mentionnés, mais qui méritent de l’être pour comprendre le monde chaotique dans lequel nous vivons.
Les dirigeants du G7 ont annoncé en grande pompe qu’ils allaient aider les pays les plus pauvres à vacciner leurs populations contre le COVID-19. Les sept pays ont promis un milliard de vaccins contre le coronavirus aux pays les plus pauvres. « Nous allons aider le monde à sortir de cette pandémie en travaillant avec nos partenaires mondiaux », a déclaré Joe Biden au début de ce sommet de trois jours.
Des miettes
Offrir un milliard de vaccins peut sembler énorme, mais saviez-vous que Cuba aura produit à elle seule 100 millions de doses d’ici à la fin 2021, dont elle exportera la majeure partie vers des pays qui en ont besoin. À titre de comparaison, le PIB du G7 est 340 fois supérieur à celui de Cuba, un pays par ailleurs sous le coup d’un lourd blocus économique de la part des États-Unis.
La rhétorique floue de Joe Biden et des autres dirigeants du G7 masque les véritables motifs de leur engagement. Les dirigeants du G7 ne se soucient guère du sort des pays pauvres. S’ils le faisaient, ils n’auraient pas raflé la plupart des vaccins disponibles l’année dernière, au détriment du reste du monde.
Saviez-vous que les 10 pays les plus riches du monde possèdent environ 80 % de tous les vaccins COVID sur le marché et que seulement 0,3 % des vaccins parviennent actuellement aux pays à faible revenu ? Saviez-vous aussi que les États-Unis, qui représentent 4 % de la population mondiale, ont eux-mêmes acheté plus d’un milliard de vaccins ? Cela leur suffit pour vacciner leur propre population deux ou trois fois.
En ayant accumulé de la sorte, les pays riches détiennent actuellement un excédent combiné de pas moins de 2,5 milliards de vaccins, dont ils vont maintenant offrir une partie aux pays les plus pauvres. Certains craignent qu’il s’agisse de vaccins non désirés ou de second ordre. Les pays riches commencent par se jeter sur le buffet et laissent ensuite quelques miettes aux pays pauvres. Cela n’a rien de glorieux.
On parle ici en effet de miettes. L’objectif de l’Organisation mondiale de la santé est qu’au moins 70 % de la population mondiale soit vaccinée d’ici un an. Pour atteindre cet objectif, il faudra 11 milliards de vaccins. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a averti que, si les populations des pays en développement n’étaient pas rapidement vaccinées, le virus risquait de continuer à muter et devenir résistant aux nouveaux vaccins. « Cela ne suffit pas », a-t-il déclaré à propos du plan du G7. « Ce qu’il faut maintenant, c’est un plan de vaccination mondial. Nous devons agir avec logique, conscients de l’urgence et avec les priorités d’une économie de guerre. Nous en sommes très loin ».
À peine 38 milliards de dollars sont nécessaires pour vacciner suffisamment rapidement les populations des pays pauvres cette année. Mais même ça, ça ne marche pas. À ce stade, la moitié de ce montant seulement a été débloquée. Cela représente à peine 0,3 % des 5 600 milliards de dollars que les pays riches ont injectés dans leurs économies en réponse au COVID-19.
Les vraies motivations
Si les pays du G7 n’offrent pas par altruisme ce milliard de vaccins pour les personnes les plus pauvres de la planète, pourquoi le font-ils alors ?
Tout d’abord, c’est un excellent moyen de faire diversion en balayant sous le tapis le débat fondamental et important sur les brevets. En l’état, les géants pharmaceutiques n’ont aucune raison de s’inquiéter ; ils peuvent continuer à faire de l’argent sans être dérangés.
La deuxième motivation est de nature géopolitique. L’Occident voit d’un très mauvais œil la Chine prendre largement la main dans la distribution de vaccins. Saviez-vous qu’au moins 70 pays ou régions ont approuvé les vaccins chinois ou signé des accords pour recevoir des vaccins de Chine ? « La Chine sera un partenaire extrêmement important à long terme », a déclaré Richard Hatchett, PDG de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations, l’un des groupes qui gèrent le programme des Nations unies pour la diffusion des vaccins dans le tiers-monde.
On peut dire la même chose de la Russie. Plus de 30 pays ont accepté d’acheter ou de produire Sputnik V, le vaccin russe. Le grand geste de bienfaisance du G7 doit servir à contrecarrer cette « diplomatie de la vaccination ».
Quoi qu’il en soit, Gordon Brown, ex-premier ministre britannique, qualifie l’ensemble du plan d’« échec catastrophique » à l’heure où son pays accueille le G7. « Le sommet était une occasion en or d’éviter d’innombrables morts. L’histoire jugera sévèrement l’échec du monde riche. »
Tout compte fait, les grandes promesses des dirigeants du G7 en matière de vaccins pourraient bien s’avérer être la farce de l’année.