Epinglée comme « importante » au dernier G7, l’Afrique s’est vue promettre huit milliards de dollars pour son développement. Dans le même temps, le club des pays riches a promis six fois plus (50 milliards) à Zelensky et l’Ukraine afin de poursuivre leur guerre meurtrière contre la Russie. Obsédés par le maintien de leur domination mondiale, les leaders du G7 ont à nouveau choisi de surfinancer le meurtre de masse au détriment du développement. (I’A)
Créé en 1975, le groupe des sept ou G7 regroupe sept des dix pays ayant les Produit Intérieur Brut (PIB) les plus importants du monde. A savoir : l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni. L’absence de la Chine, qui occupe pourtant le deuxième rang mondial, et de l’Inde, occupant le cinquième, suffit à faire de ce regroupement le club des pays riches occidentaux.
En outre, participent au G7 les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen. Cette participation fait du G7 un des espaces essentiels de validation des stratégies occidentales se déployant sur l’ensemble de la planète.
L’inscription de l’Afrique comme point important de l’ordre du jour fût l’objet d’une communication annonçant un changement d’orientation dans la politique africaine des pays riches occidentaux.
Larmes de crocodiles
La présidente italienne du sommet, Georgia Meloni a introduit les discussions en insistant en ces termes sur ce pseudo tournant dans la politique africaine : « Nous comprenons tous que l’Afrique ne cherche pas la charité […] Elle demande la possibilité d’être compétitive sur un pied d’égalité, ce qui n’est pas possible sans infrastructures. Nous le comprenons donc et nous savons que c’est la priorité sur laquelle nous devons travailler ».
Abordant la question migratoire, la présidente du sommet évoque également une volonté de changement importante, à savoir le prima à donner aux causes économiques et sociales des migrations et non à la logique répressive :
« Notre stratégie est basée sur plusieurs axes, en commençant par la lutte contre les trafiquants d’êtres humains qui alimentent les flux d’immigration illégale et représentent une nouvelle forme d’esclavage […] Notre approche concentre ses efforts pour garantir le premier des droits, celui de ne pas être contraint à migrer, c’est-à-dire ne pas être obligé de quitter son foyer et pouvoir trouver dans son propre pays les conditions pour s’épanouir ».
Comment être en désaccord avec de tels objectifs ? Il suffit cependant de regarder les moyens définis pour y parvenir pour se rendre compte qu’aucun changement structurel n’est à l’ordre du jour.
Nouvelles déclarations d’intention
Le G7 reste ainsi silencieux sur les règles économiques internationales inégales, sur le fonctionnement de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire internationale et de leurs plans de misères nommés « plan d’ajustement structurel », sur la question de l’annulation de la dette inique qui touche les pays africains, sur le franc CFA et son imposition d’une parité qui défavorise les pays ayant cette monnaie, etc.
Toutes ces questions sont occultées pour ne retenir qu’une causalité aux difficultés de développement de l’Afrique, celle du manque d’infrastructures.
Les solutions proposées sont à l’avenant, à savoir un financement de huit milliards de dollars pour la construction d’un corridor ferroviaire reliant l’Afrique australe et l’Afrique centrale d’une part et la pose de câbles de télécommunication sur le continent. Surtout ces nouvelles propositions s’ajoutent à de nombreux autres effets d’annonce qui n’ont jamais dépassé le stade de l’intention.
Ainsi, en octobre 2023, l’Union Européenne annonçait son plan dit « Global Gateway», c’est-à-dire « plan passerelle mondiale », d’un montant de 300 milliards de dollars pour la construction d’infrastructures dans les pays du Sud Global alors que, de leur côté, les Etats-Unis et le G7 lançaient, en 2021, le « Build Back Better World » ou « reconstruire un monde meilleur » pour un budget de 600 milliards de dollars à l’horizon 2027 avec les mêmes objectifs.
BRICS et G7 : l’enjeu africain
Ces projets européens et états-unien avaient au moins le mérite d’annoncer explicitement les objectifs stratégiques. Ceux-ci étaient en effet présentés comme une réponse et une concurrence au projet chinois des « nouvelles routes de la soie ». Il est vrai qu’entretemps la coûteuse guerre en Ukraine est venue diminuer les capacités d’action des pays riches occidentaux.
Le sommet du G7 de la semaine passée a d’ailleurs décidé d’accorder un prêt de 50 milliards de dollars à l’Ukraine. La déclaration finale du sommet précise ainsi : « Le président Zelensky s’est joint à nous et nous avons décidé de mobiliser environ 50 milliards de dollars américains, en tirant parti des recettes extraordinaires des avoirs souverains russes immobilisés, en envoyant ainsi un message sans ambiguïté au président Poutine ». 50 milliards pour continuer une guerre meurtrière et 8 milliards pour le développement de tout un continent : les priorités des pays riches occidentaux sont évidentes.
La nouvelle annonce du G7 se penchant de manière généreuse sur le sort des africains s’inscrit, bien entendu, dans un contexte mondial et africain qui lui donne sens. De l’élargissement récent des BRICS à deux nouveaux pays africains, l’Egypte et l’Ethiopie, aux revers de Paris au Mali, au Burkina Faso, au Niger ou au Sénégal, en passant par le refus de nombreux pays africains de s’associer aux sanctions contre la Russie à propos de la guerre en Ukraine, le contexte mondial et africain est bien celui d’une rivalité stratégique entre l’Occident et les BRICS en général et la Chine en particulier.
Les annonces du G7 ne sont ainsi rien d’autres qu’un énième épisode pour contrecarrer le développement des échanges et contrats entre les BRICS et la Chine, d’une part, et le continent africain, d’autre part.
Menaces et double standard
La Chine était d’ailleurs un autre des points importants abordés lors du sommet du G7.
La déclaration finale du sommet appelle Pékin à cesser son soutien à l’effort de guerre russe, ce qui était attendu, mais aussi à mettre fin à sa politique économique, présentée comme ayant « des retombées sur le monde entier, provoquant des distorsions de marché et créant des surcapacités néfastes dans un nombre croissant de secteurs, portant préjudice à nos travailleurs et à nos industries et compromettant notre résilience économique et notre sécurité […] Par ailleurs, nous demandons à la Chine de s’abstenir de toutes mesures de contrôle des exportations, notamment sur les minerais critiques, susceptibles de perturber sérieusement les chaînes d’approvisionnement mondial. »
Au-delà de la langue de bois politique ces propos menaçant signifient que les pays riches occidentaux, partisans du marché mondial entièrement dérégulé lorsque cela les arrange, s’opposent à celui-ci lorsque cela les dessert.
Le double standard est décidemment un des traits marquants des logiques de ceux qui dominent et exploitent notre planète. On retrouve cette logique du « deux poids-deux mesures », dans la même déclaration, à propos de l’Ukraine et de la Palestine. Alors que pour l’Ukraine le droit de se défendre est mis en avant, il est dénié, en ces termes, pour le peuple palestinien :
« Nous réaffirmons notre vive condamnation des violentes attaques terroristes menées par le Hamas et d’autres groupes terroristes contre Israël le 7 octobre 2023. Nous exprimons notre pleine solidarité et notre total soutien à Israël et à son peuple, et nous réaffirmons notre engagement inébranlable pour sa sécurité. »
Comme on peut le constater le sommet du G7 reflète, plus que jamais, la logique du double standard que véhiculent inévitablement toutes les politiques et pratiques hégémoniques.
Saïd Bouamama
Pour aller plus loin :
« Déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement du G 7 de Borgo Egnazia en Italie » du 14 juin 2024, consultable sur le site de l’Elysée : https://www.elysee.fr
Vignikpo Akpéné, Le commerces entre les deux rives de la Méditerranée s’invite au sommet du G7 en Italie, Afriquinfos du 13 juin 2024, consultable sur le site : https://afriquinfos.com
Source : Investig’Action
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