L’intervention dirigée et coordonnée par les États-Unis pour renverser le président vénézuélien Nicolas Maduro en reconnaissant Juan Guaidó, le président de l’Assemblée nationale, comme président par intérim, n’a absolument rien à voir avec la restauration de la démocratie au Venezuela (qui n’a jamais été compromise) et tout à voir avec la promotion des intérêts commerciaux étasuniens.
En nommant de fait Guaidó président, tentant de passer par-dessus la tête des Vénézuéliens – qui ont seuls le droit de décider qui sont leurs dirigeants – l’arrogance impériale de Washington est motivée par les mêmes préoccupations que celles qui ont motivé d’autres interventions étasuniennes dans le monde : renverser les gouvernements qui placent les intérêts de leurs citoyens au-dessus de celles des investisseurs nord-américains.
La propension de Washington à s’engager dans des opérations de déstabilisation contre des gouvernements de gauche n’est un secret pour personne. De 1898 à 2004, le gouvernement étasunien a mené avec succès 41 interventions visant à des changements de régime en Amérique latine, soit en moyenne un tous les deux ans et demi. Et cela sans compter les échecs, comme l’invasion de la Baie des Cochons.
Dans presque tous les cas, les interventions des États-Unis visant à des changements de régime dans le monde ont été motivées directement ou indirectement par des considérations commerciales et ont été entreprises pour restaurer ou protéger la primauté des intérêts économiques nord-américains en mains étrangères. Et dans de nombreux cas, les interventions ont ouvert la voie à l’installation de dictatures de droite.
Le coup d’État contre Hugo Chavez, le prédécesseur de Maduro, est l’une des interventions nord-américaines qui s’est soldée par un échec. Washington a immédiatement reconnu le coup d’État, le saluant comme une victoire pour la démocratie, mais en privé l’a reconnu comme une victoire pour les intérêts commerciaux étasuniens dans un pays riche en pétrole regorgeant de possibilités de profits pour la libre entreprise nord-américaine.
Washington n’aimait pas Chavez parce que le dirigeant charismatique de gauche promouvait le bien-être des Vénézuéliens ordinaires plutôt que la soumission aux investisseurs étasuniens. Mais le coup d’État contre Chavez a fait long feu. Dans un coup porté contre la tyrannie, le changement de régime a été rapidement renversé et Chavez, le dirigeant légitime du pays, a été rétabli à la présidence.
Déterminé à éliminer les gouvernements de gauche en Amérique latine, Washington a intensifié sa guerre économique contre ce pays latino-américain, dans le but de ruiner son économie et de plonger le peuple vénézuélien dans la misère. C’était un plan que Washington avait suivi d’innombrables fois auparavant et ensuite, en Chine, à Cuba, en Corée du Nord, au Chili, au Zimbabwe, en Yougoslavie, en Irak, en Syrie et en Iran : affaiblir l’économie du pays visé, attribuer le chaos aux « échecs du socialisme » et à la mauvaise gestion économique, et attendre que le peuple se révolte contre sa misère.
L’idée que l’intervention de Washington a le moindre rapport avec la protection de la démocratie est risible. Le gouvernement étasunien a notoirement soutenu une série de dictatures de droite en Amérique latine, dont celle d’Augusto Pinochet, installé au pouvoir en 1973 à la suite d’un coup d’État contre Salvador Allende organisé par les États-Unis. Allende a contrarié Washington en faisant ce que Maduro et une foule d’autres dirigeants du Tiers Monde avaient fait : faire primer les intérêts de la population locale sur ceux de l’Amérique des grandes entreprises.
Au Moyen-Orient, les alliés arabes les plus proches des États-Unis sont une dictature militaire (l’Égypte) et des monarchies absolutistes, au premier rang desquelles l’Arabie saoudite, qui tient la démocratie en horreur absolue. Washington récompense l’Égypte en lui versant chaque année 1.3 milliards de dollars d’aide militaire, et soutient fortement la tyrannie saoudienne.
Les Saoudiens considèrent leur famille royale parasite comme totalement inacceptable. Pour se protéger contre sa propre population, la monarchie maintient une Garde nationale forte de 250 000 hommes. La Garde n’est pas là pour défendre l’Arabie saoudite d’une agression extérieure mais pour protéger la monarchie de ses propres sujets. Les protecteurs de la famille al-Saoud sont formés et équipés par les États-Unis et leurs satellites, dont le Canada, qui a un contrat de 10 milliards de dollars pour fournir à ces troupes des véhicules blindés pour transporter le personnel utilisés pour réprimer les fréquents soulèvements des sujets saoudiens mécontents.
L’armurier de la Garde nationale, le Canada, a également reconnu Guaidó comme président du Venezuela par intérim, attribuant malhonnêtement sa décision de suivre la ligne nord-américaine à son prétendu engagement pour la démocratie. Ottawa a été complice des dictateurs de Riyad dans leur écrasement des citoyens saoudiens, qui souffrent depuis longtemps et sont privés de démocratie, tout en appuyant simultanément les efforts de General Dynamics Canada visant à tirer des bénéfices pharaoniques des ventes d’armes aux despotes saoudiens qui haïssent la démocratie.
Soyons honnêtes sur certaines choses.
Premièrement, les programmes des dirigeants politiques étasuniens et canadiens sont fixés par les élites économiques et les milieux d’affaires organisés dont ils dépendent pour le financement de leurs campagnes, leurs recommandations politiques et leurs possibilités d’emploi lucratives après une carrière politique, et auxquels ils sont profondément liés personnellement et professionnellement. Par conséquent, ils se soucient des profits des investisseurs étasuniens et canadiens et non du bien-être, des libertés ou de la démocratie des Vénézuéliens ordinaires. En effet, ils méprisent secrètement la majorité de leurs propres concitoyens et ne toléreraient pas un seul instant l’épanouissement d’une démocratie authentique et solide dans leurs propres pays. L’idée qu’ils se soucient des habitants d’un lointain pays sud-américain est une fiction destinée aux innocents politiques et aux faibles naïfs.
Deuxièmement, les guerres économiques dirigées par les États-Unis rendent la vie des gens misérable et beaucoup de gens attribuent leur misère aux actes de leur propre gouvernement et souhaitent le voir tomber. D’autres reconnaissent peut-être que les sanctions sont la cause de leur misère et peuvent soutenir un changement de régime comme moyen de sortir de la misère imposée par l’étranger. En effet, la logique de la guerre économique dépend de la véracité de ces suppositions.
Troisièmement, les gouvernements menacés par un changement de régime soutenu par l’étranger sont confrontés à des urgences nationales. Maduro n’est pas un dictateur. Il est le dirigeant élu d’un gouvernement qui fait face à une urgence nationale conçue par des puissances étrangères hostiles. Les mesures prises par le gouvernement pour défendre ses citoyens contre la détermination des États-Unis à imposer au Venezuela des politiques qui servent les intérêts des grandes entreprises d’Amérique aux dépens des Vénézuéliens sont tout à fait légitimes ; elles représentent l’action d’une démocratie, contre une tyrannie internationale dirigée par les États-Unis.
Il est important de rappeler que le gouvernement de Maduro, comme celui de Chavez, a cherché à faire primer les intérêts des Vénézuéliens ordinaires sur ceux des investisseurs étasuniens. Cela a provoqué l’hostilité de Washington. L’intervention étasunienne au Venezuela par la reconnaissance de Guaidó comme président par intérim est emblématique d’innombrables interventions des États-Unis pour parvenir à un changement de régime. Invariablement, ces interventions sont dirigées contre des gouvernements de gauche qui menacent les intérêts lucratifs des entreprises nord-américaines. Elles n’ont rien à voir avec la démocratie ; au contraire, là où elles réussissent, elles sont presque toujours suivies par des régimes de droite qui créent des climats favorables aux intérêts des investisseurs étasuniens et intègrent économiquement, militairement et diplomatiquement leurs pays, à l’ordre mondial supervisé par les États-Unis et dirigé par Wall Street. Les investisseurs étrangers sont gâtés et la population locale est traitée durement. Loin de favoriser les transitions démocratiques, les changements de régime fomentés par les États-Unis visent à détruire la démocratie et à renforcer leur tyrannie mondiale. La dernière intervention dirigée par les États-Unis au Venezuela n’est pas différente, elle n’est que la répétition, avec des variations locales, d’efforts similaires en Syrie, en Iran, à Cuba et en Corée du Nord.
Traduit de l’anglais par Diane Gilliard pour Le Journal Notre Amérique
Photo : VTV
Source : Gowans