Les couleurs israéliennes de l'armée française

Extraits de « L’Affaire de Suez 1956 »,

par Jean-Michel Staebler, mars 1997

http://medintelligence.free.fr/BdSuez.htm

Veillée d'armes et conspirations

Le 1er septembre 1956, une réunion secrète se tient chez Louis Mangin à Paris entre Christian Pineau, Bourgès-Maunoury, le général Challe et Abel Thomas, qui sera la cheville ouvrière civile de l’opération que l’on commence à envisager avec le concours britannique. Les Anglais estiment en effet, que l’inaction [après la nationalisation de la société du Canal de Suez par Nasser et l’embargo sur le passage de navires israéliens] sonnerait définitivement le glas de leur Empire et de leur influence au Proche-Orient. Ils entendent invoquer le traité de 1955 qui permet à leurs troupes de réoccuper la zone du canal, où du matériel a été prépositionné, au cas où une guerre mettrait en danger la libre circulation dans cette artère maritime vitale.

Cependant, Français comme Anglais n’entendent pas lier l’affaire de Suez au différend israélo-arabe, afin de ne pas compromettre leurs positions dans le monde arabe. Dès août, Sir George Young, porte-parole du Foreign Office a affirmé la position britannique: «Cette question est tout à fait indépendante du problème israélo-arabe. Toute tentative de faire intervenir Israël compliquera la solution de la crise.» (7) Quant à Shimon Pérès qui accompagne vers cette époque Golda Meir à Paris, il relate: «Les Français m’expliquaient qu’ils avaient à faire face à des nécessités contradictoires. Ils doivent poursuivre la guerre en Algérie et en même temps résoudre au plus vite la question de Suez tout en évitant de briser leurs liens d’association avec la Grande Bretagne.» Et plus loin, Simon Pérès rapporte que le gouvernement français affirme publiquement qu’il n’est pas à la remorque du gouvernement israélien.

Un mois plus tard, le 1er octobre, une autre réunion secrète, toujours chez Mangin, regroupe les généraux Challe et Ely, le Colonel Simon et le général Moshe Dayan qui expose son plan de conquête du Sinaï. Une délégation s’envole le soir même pour Tel Aviv afin d’étudier l’appui que la France peut apporter.

Il est alors convenu que l’armée de l’air française mettra en place un parapluie aérien pour assurer la défense de l’espace hébreux, ce qui permettra à l’aviation israélienne de traiter les aérodromes égyptiens dans un premier temps, puis de soutenir sur le terrain les forces blindées de Moshe Dayan. A cet effet, les escadres de chasseurs Mystère IV et Sabres F86 basées à Dijon et Saint Dizier, frappées de l’étoile de David, seront dépêchées sur le territoire israélien. Des unités équipées de Noratlas ravitailleront les forces de Tsahal engagées dans le Sinaï. Enfin, la Marine nationale déploiera le Kersaint, le Surcouf et le Bouvet au large des côtes palestiniennes pour en assurer la protection.

Le 22 octobre au soir, à Villacoublay, David Ben Gourion et Moshe Dayan débarquent du DC 4 que le Président Truman a offert au général de Gaulle, et qui est allé les chercher à Tel Aviv. Ils se rendent alors dans une villa de Sèvres où les attendent Guy Mollet et Selwyn Lloyd. Pour que la collusion avec l’état Hébreux n’apparaisse pas trop, le chef du Foreign Office propose au Premier ministre d’Israël le scénario suivant : L’armée israélienne attaquera l’Egypte. Londres et Paris lanceront alors un ultimatum aux deux belligérants leur enjoignant de se retirer à dix miles de part et d’autre du canal. Israël obtempérera, mais il est plus que probable que le raïs égyptien refusera. Les Franco-britanniques auront alors un prétexte pour débarquer dans la zone du canal en invoquant les clauses du traité de 1955. Réticent au départ, Ben Gourion finit par accepter ce scénario.

Tout le monde sait que le Moyen-Orient va s’embraser. La station de Rome de la CIA observe un trafic radio inhabituel et décrypte quelques messages compromettants. Le SHAPE de Rocquencourt a autorisé la base américaine de Chateauroux à fournir des réservoirs supplémentaires de F-86 et des pièces de rechange à l’aviation française, et la 10 ème division parachutiste du Général Massu a quitté l’Algérie, dans le plus grand secret certes, mais cela ne peut passer inaperçu. Le 15 octobre, le Président Eisenhower est informé qu’Israël mobilise ses réservistes et, se trouvant inopinément à l’aéroport de Lods, l’attaché militaire américain à Tel Aviv découvre avec stupeur des Sabres F-86 frappés de l’étoile de David alors qu’il sait que son pays n’a pas livré de tels appareils aux Israéliens. Ces avions ont été parqués sur le tarmac de l’aéroport civil, faute de place sur les terrains militaires. Se rapprochant des appareils, il s’aperçoit que les mécaniciens parlent français !

Le 27 octobre, la France livre deux cents Dodges 4×4. « Ils sauvent la situation » s’écrie Moshe Dayan qui, dans la nuit du 29 au 30 octobre lance son offensive dans le Sinaï selon les principes de la blitzkrieg. Ecoutons Uri Dan, journaliste proche du Mossad, alors lieutenant parachutiste : «Et je tombe sur un officier français, le colonel Simon. Il porte la tenue des parachutistes, coiffé du béret rouge. Ce n’est toutefois pas la tenue du colonel Simon qui m’intéresse mais le canon qui l’accompagne… Par cette matinée ensoleillée du 29 octobre, le colonel Simon explique le maniement du canon 106 sans recul de fabrication américaine. Nous apprenons alors par le truchement d’un interprète que des avions gros-porteurs français décolleront de Chypre pour nous larguer des canons de ce genre sur les lieux de notre parachutage… Il s’est avéré, plus tard, que la France a enfreint sur ce point ses engagements vis à vis de l’OTAN… Mais à l’époque, Paris se fiche pas mal de Washington et de la campagne présidentielle du général Eisenhower…La présence du colonel Simon réchauffe les coeurs… C’est d’ailleurs à bord d’avions de transport envoyés par la France que nous serons parachutés derrière les lignes égyptiennes… Mais ce n’est là que la partie la plus visible de la coopération franco-israélienne, la pointe de l’iceberg.»

L'attaque

Moshe Dayan lance son offensive dans le Sinaï le 30 octobre, après destruction au sol de l'aviation égyptienne. Comme prévu dans ce scénario cousu de fil blanc, Londres et Paris lancent leur ultimatum. A la demande de Nasser, la Syrie a fait sauter les Pipes-lines, à l’exception du Tapline, l’oléoduc appartenant à l’ARAMCO, ce qui montre la volonté du Caire de ménager les Américains. Par solidarité, le roi Séoud d’Arabie a décrété l’embargo sur les livraisons de pétrole à destination de l’Europe. Mais l’armée égyptienne oppose peu de résistance à Tsahal qui atteint ses objectifs les 3 et 4 novembre. (…)

Jean-Michel Staebler

[Notre conclusion : Israël avait fonctionné comme une base arrière pour la sauvegarde de l’Empire français, particulièrement de l’Algérie.

La question que l’on se pose aujourd’hui : et si l’attaque du Liban de juillet 2006 n’est pas elle aussi une opération concoctée en partie par la France, avec l’approbation des Etats-Unis, pour des intérêts stratégiques impérialistes en faveur de son ancienne aire d’influence ? Les larmes de crocodiles de Chirac peuvent ils nous faire oublier qu’Israël est un ‘machin’ stratégique pour la France, et que la France entrerait en guerre ouverte pour le réoccuper s’il venait à être libéré par les Arabes ?

Au fait, pourquoi tant de discrétion sur le poids militaire, financier et démographique de la France en « Israël » ? Peut-être découvrions-nous le pot aux roses : que « Israël » n’est qu’un tout petit département français menacé par de grands méchants loups arabes ? M. Sfar]

COMMENTAIRE DE GILBERT LEONARD:

Quand Paris, Londres et Tel-Aviv ont signé un accord secret à Sèvres pour faire plier Nasser.

Pour se rappeler ce dont sont capables certains de ceux qui disent oeuvrer pour la paix.

L'accord secret qui est signé cinq jours avant les opérations stipule: L'Etat hébreu attaquera l'Egypte et foncera vers le canal de Suez.

Profitant de cette agression "surprise", Londres et Paris lanceront le lendemain un ultimatum aux "deux" belligérants. … si "l'Egypte" ne se plie pas aux injonctions, les troupes franco-britanniques entreront en action.

Quand on pense aux événements de ces dernières années ou derniers jours …

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