US President Joe Biden shakes hands with Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu as they meet on the sidelines of the 78th United Nations General Assembly in New York City on September 20, 2023. (Photo by Jim WATSON / AFP)AFP

L’équipe Biden tente de sauver le bilan de sa politique étrangère. Mais c’est trop tard.

Dans son discours d’adieu à la nation, le président Joe Biden dresse un bilan positif de sa politique étrangère. L’effort est appuyé par des responsables de son gouvernement, qui multiplient les déclarations et les interviews en marge des négociations pour un cessez-le-feu à Gaza. L’exercice impose de prendre quelques libertés avec la réalité, comme le souligne Michael Arria. (I’A)

Lundi, Joe Biden a prononcé son dernier discours de politique étrangère.

Le président a tenté de faire un tour de piste en vantant ses efforts pour établir des alliances dans le monde entier. Il a mis en avant le retrait des troupes US d’Afghanistan, les bases qu’il aurait jetées pour la liberté du peuple ukrainien, l’affaiblissement du statut de l’Iran en tant que menace mondiale ou encore la meilleure position qu’occuperaient les États-Unis pour rivaliser avec la Chine.

« Nous leur laissons une Amérique avec plus d’amis et des alliances plus fortes, une Amérique dont les adversaires sont plus faibles et sous pression – une Amérique qui, une fois de plus, dirige, unit les pays, fixe l’ordre du jour, rassemble les autres derrière nos plans et nos visions », a-t-il déclaré.

Concernant Gaza, Biden avait enfin quelque chose de positif à signaler, puisque de nombreuses sources ont indiqué qu’un accord de cessez-le-feu était imminent. « Nous sommes sur le point de concrétiser une proposition que j’ai présentée il y a plusieurs mois », a-t-il expliqué.

« J’ai appris, au cours de mes nombreuses années de service public, à ne jamais, jamais, jamais, jamais abandonner », a-t-il poursuivi. « Tant d’innocents ont été tués, tant de communautés ont été détruites. Le peuple palestinien mérite la paix. »

Le jour même du discours de Biden, Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale, répondait aux questions des journalistes lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche. Il y a également vanté les efforts du gouvernement pour obtenir un cessez-le-feu. Sullivan a aussi accordé un certain nombre d’interviews aux médias ces derniers jours. L’occasion de donner constamment un aspect positif à l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza.

« C’est brutal », a ainsi déclaré Sullivan à Ezra Klein. « Cela me tient éveillé la nuit – et j’y pense à la fois du point de vue des Palestiniens et des Israéliens. Je pense que si nous parvenons à mettre un pied dans le cessez-le-feu et l’accord sur les otages, et que nous essayons d’aller de l’avant avec quelque chose de plus durable, nous pourrons également entrer dans une ère différente pour ce conflit ».

Les fonctionnaires sortants adoptent tous publiquement les mêmes éléments de langage : 1. L’administration a travaillé sans relâche pour obtenir un cessez-le-feu et a finalement progressé après de nombreux mois. 2. Le Hamas était le principal obstacle à la paix. 3. Malgré des soucis humanitaires ici ou là, la cause d’Israël à Gaza a toujours été juste.

Confrontées à la réalité, ces affirmations s’effondrent assez rapidement.

L’accord actuellement négocié est grosso modo semblable à celui que le Hamas avait accepté le 6 mai et le 2 juillet de l’année dernière. Mais Netanyahou a toujours ajouté des conditions supplémentaires sans subir aucune pression du gouvernement Biden.

Manifestement, cet aspect des choses est discuté plus ouvertement dans la société israélienne que dans les grands médias US. Alon Pinkas va ainsi droit au but dans un article de Haaretz :

Tout au long du premier semestre 2024, Netanyahou a délibérément cherché une confrontation ouverte avec la Maison-Blanche. « Les États-Unis tentent d’imposer un État palestinien à Israël », se lamente-t-il de manière moralisatrice et feinte, sans aucun fondement. En mai 2024, il avait renié et désavoué un plan qu’il avait lui-même présenté à Biden. Au cours de ces mois, l’accord sur les otages et le cessez-le-feu qui pourrait se concrétiser dans les prochains jours était déjà sur la table.

Pendant huit mois entiers, un tel accord a été présenté à maintes reprises par le Qatar et les États-Unis. Mais Netanyahou n’avait en tête que la politique et sa propre survie, puis l’élection américaine et l’investiture de Trump.

Ce niveau d’insensibilité, de cruauté, de mépris pour les otages et d’indifférence à l’égard de leurs familles traumatisées – qu’il a même accusées de le saper – et l’imprudence pure et simple dans la poursuite d’une guerre sans objectifs définis, tangibles et réalisables sont stupéfiants, même selon les normes de Netanyahou. Même ses critiques les plus sévères et ses détracteurs les plus véhéments ne pensaient pas, il y a un an, qu’on en arriverait là.

Les législateurs israéliens d’extrême droite admettent sans ambages qu’ils ont délibérément fait échouer le cessez-le-feu pendant des mois. « Au cours de l’année écoulée, grâce à notre pouvoir politique, nous avons réussi à empêcher la conclusion de cet accord, à plusieurs reprises », a déclaré le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, après l’annonce de l’accord. Gvir a appelé le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, à se joindre à lui pour saboter l’accord actuel.

Rien de tout cela n’est admis dans le monde de Joe Biden. Lors d’une interview accordée au Times of Israel, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Jack Lew, a tellement rejeté la faute sur le Hamas que même le rédacteur en chef du journal, David Horovitz, a dû recadrer les choses :

Lew : Notre stratégie en juillet était donc de régler ces questions qui détournent l’attention du Hamas. Faire en sorte que le monde fasse pression sur le Hamas pour qu’il cesse d’insister sur des choses impossibles et que nous puissions lancer la phase 1, à savoir commencer à sauver des dizaines de vies, pour ensuite entrer dans la négociation de la phase 2. Toute l’attention portée sur le corridor de Philadelphie a laissé un sentiment erroné. En réalité, s’il n’y avait pas eu une telle attention sur le corridor de Philadelphie, je pense que le Hamas n’aurait pas plié suffisamment pour accepter un accord. Nous espérons y parvenir cette semaine. Nous sommes toujours en train d’essayer.

Horovitz : Je veux être sûr de bien comprendre. Même si Netanyahou n’avait pas évoqué la nouvelle condition du maintien du déploiement de Tsahal dans le corridor de Philadelphie, vous n’êtes pas convaincu que nous aurions obtenu la phase 1. Mais cela n’a certainement pas aidé, et cela a certainement enlevé une partie de la pression sur le Hamas.

Lew : Je pense que cela a détourné l’attention de l’intransigeance du Hamas d’une manière qui n’était pas utile d’un point de vue stratégique.

Dans une récente interview accordée au New York Times, le secrétaire d’État Antony Blinken avance une version similaire, rejetant l’idée que Netanyahou a fait échouer le processus. Interrogé sur les informations selon lesquelles le Premier ministre israélien aurait bloqué un cessez-le-feu, Blinken a répondu : « Non, ce n’est pas exact. Ce que nous avons vu à maintes reprises, c’est que le Hamas n’a pas conclu un accord qu’il aurait dû conclure. Certes, il y a eu des moments où les mesures prises par Israël ont rendu les choses plus difficiles. Mais ces actions étaient justifiées, même si elles ont parfois rendu plus difficile la conclusion d’un accord. »

Blinken admet peut-être qu’Israël a rendu les choses plus difficiles, mais il ne manque pas de souligner que la guerre d’Israël est justifiée.

« L’une des choses que j’ai trouvées assez stupéfiantes, c’est que malgré toutes les critiques compréhensibles sur la façon dont Israël s’est comporté à Gaza, personne n’a pratiquement parlé du Hamas depuis le 7 octobre », poursuit Blinken au cours de l’entretien. « Je ne sais pas pourquoi il n’y a pas eu un concert unanime dans le monde entier pour demander au Hamas de déposer ses armes, d’abandonner les otages et de se rendre. À plusieurs reprises, Israël a proposé aux dirigeants et aux combattants du Hamas de quitter Gaza en toute sécurité. »

« Pourquoi cette guerre a-t-elle commencé ? » demande quant à lui Jake Sullivan dans l’interview mentionnée plus haut. « Cette guerre a commencé parce que le Hamas a commis le pire massacre contre le peuple juif depuis l’Holocauste, et qu’Israël a réagi pour tenter d’éradiquer la menace que le Hamas puisse recommencer – chose que son leader a dit qu’il voulait faire encore et encore et encore. »

Jack Lew reconnaît même que les Démocrates ont peut-être perdu les élections à cause de Gaza. Mais il considère que c’est une noble défaite, et il imagine un univers parallèle dans lequel Joe Biden a dû affronter une forte opposition de la part des grands médias et de ses collègues démocrates.

« Le président Biden a démontré avec force ce que signifie avoir le caractère nécessaire pour prendre des risques politiques », explique-t-il. « Se tenir aux côtés d’Israël au cours des 15 derniers mois, malgré l’opposition massive des médias et de certains membres de son propre parti, a contribué à rendre insurmontable le défi de sa réélection. »

Au milieu de ce florilège de déclarations publiques, la revue médicale The Lancet a publié une nouvelle étude estimant que le nombre de morts à Gaza au cours des neuf premiers mois de l’assaut israélien était environ 40 % plus élevé que les chiffres enregistrés par le ministère palestinien de la Santé. L’étude estime qu’environ 64 260 Palestiniens ont été tués entre octobre 2023 et juin 2024.

Grâce aux rapports et aux témoignages d’anciens fonctionnaires de Biden, nous savons que l’administration a toujours été au courant des horreurs commises à Gaza et qu’elle a toujours fourni des armes à Israël malgré ce carnage.

Dans son discours, Biden a déclaré aux téléspectateurs que l’Amérique n’était plus en guerre. Mais il y a tout juste une semaine, il a informé le Congrès qu’il allait envoyer à Israël des armes supplémentaires pour un montant de 8 milliards de dollars.

Voilà le bilan de sa politique étrangère.


Source originale: Mondoweiss
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

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