Cette « collaboration étroite » fut symbolisée par la création du « cartel international de l’acier », le 30 septembre 1926 à Luxembourg.
Cette « collaboration étroite » fut symbolisée par la création du « cartel international de l’acier », le 30 septembre 1926 à Luxembourg. L’« Entente internationale de l’acier », fondée « sur la base de prix considérablement plus élevés que les prix praticables sur un marché libre » (Lederer), eut pour parrain officiel le financier luxembourgeois Émile Mayrisch : il présidait les ARBED (Aciéries Réunies de Burbach-Eich-Dudelange), formellement luxembourgeoises mais club de capitaux sidérurgiques « européens ».
Le Comité des Forges joua sous la houlette de François de Wendel « un rôle dirigeant » dans la négociation et l’application de l’accord, dont « l’objectif général [était] de ressusciter la coopération industrielle entre la Lorraine et la Ruhr » et d’accroître la dépendance des petits membres envers les grands.
Le cartel, acte de naissance de l’« Europe » contemporaine, était dominé de fait par Fritz Thyssen, chef du Stahlwerksverband, homologue allemand de Wendel au Comité des Forges. Il proclamait la supériorité du Reich, qui bénéficierait de 40,45% des quotas de production, appelés à se transformer en 47%, la Sarre (6,54) étant promise au retour dans son giron ; et l’infériorité des autres partenaires, France (31,8%), Belgique (12,57), Luxembourg (8,55). En février 1927 y adhérèrent des satellites de la France, la Tchécoslovaquie, et de l’Allemagne, l’Autriche et Hongrie. Son fonctionnement transforma en hégémonie la supériorité des groupes allemands – Borsig, Krupp, Rheinmetall, Ruhrstahl, et les Vereinigte Stahlwerke [Aciéries réunies], géant regroupant depuis avril 1926 Thyssen, les Rheinische-Stahlwerke, Phoenix AG et Rheinelbe-Union.
Essaimant depuis mars 1926 comme des champignons, les cartels métallurgiques par produits (rails, laminés, etc.), auxquels s’associeraient pendant la crise les groupes américains (1), connurent un sort « européen » semblable (2). Partout, « rationalisation », productivité, surcapacités et chômage galopèrent de concert, surtout à partir de 1927.
Notes :
1) -Mêlés, J.-J. Lederer, « La sidérurgie européenne et les cartels avant le plan Schuman », Politique étrangère, 1951, v. 16, n° 4-5, p. 397-412 (p. 397), note Mc C. Stewart, Foreign Press, 14 janvier 1941, Londres-Alger, 300, MAE, Harold James, The German Slump. Politics and Economics, 1924-1936, Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 121, Lacroix-Riz, Choix, index Mayrisch ; Industrialisation, p 56.
2) – Alice Teichova, An economic background to Munich : international business and Czecoslovakia 1918-1939, Cambridge, Cambridge UP, 1974 (index Teichova, Choix).
Source : Aux origines du carcan européen, 1900-1960. La France sous influence allemande et américaine, Paris, Delga-Le temps des cerises, 2014, p. 64-66