"A l’occasion du 50e anniversaire de la légendaire Déclaration de Göttingen,
des « scientifiques de Göttingen partisans de la paix et du désarmement » ont
organisé le 30 juin un congrès et lancé un nouvel appel."
1er août 2007
Nous, les participants au congrès de la paix de
Göttingen tenu lors du 50e anniversaire de la
Déclaration de Göttingen des 18 physiciens nucléaires
opposés à l’armement nucléaire de l’armée allemande,
nous nous sommes penchés sur les problèmes de la
guerre, de l’armement et des stratégies militaires.
En raison d’une lutte mondiale qui s’exacerbe et vise
à s’emparer des matières premières minérales et
énergétiques ainsi que de l’imposition militaire
toujours plus visible des intérêts économiques de
quelques grandes puissances, nous nous adressons à
l’opinion publique et exprimons notre point de vue au
sujet des points brûlants de la politique de la paix.
Militarisation de la pensée et de la politique
Ces dernières années, les obstacles ayant empêché que
l’Allemagne renonce, après la Deuxième Guerre
mondiale, à la limitation de l’armée à la défense
nationale imposée par la constitution ont été levés
les uns après les autres. L’armée allemande se livre
maintenant à des interventions militaires dans le
monde entier et participe même à des guerres
d’agression ainsi qu’à des occupations. L’exigence
d’interventions à l’étranger a été justifiée
ouvertement dans les directives de défense de 1992
déjà par la nécessité « d’assurer la liberté du
commerce mondial ainsi que l’accès aux matières
premières et aux marchés du monde entier ». Selon
cette argumentation, les interventions militaires à
l’étranger doivent continuer à faciliter et à assurer
la croissance économique exponentielle des nations
riches.
Actuellement, presque 10 000 soldats allemands et
membres d’unités secrètes opèrent à l’étranger,
notamment en Afghanistan, au Kosovo, en
Bosnie-Herzégovine, au cap Horn, au Soudan, en
Géorgie, en Ethiopie et dans la Méditerranée
orientale. Pour justifier ces interventions, on
invoque la lutte contre le terrorisme, l’aide
humanitaire et le développement de la démocratie. En
fait, il s’agit cependant de géopolitique et de
l’accès aux ressources naturelles. Nous nous opposons
à l’intervention de l’armée allemande qui a lieu à
l’étranger sous ces prétextes et exigeons que le
gouvernement et le Bundestag lèvent ces mesures.
Nous nous opposons donc aussi à l’engagement des Etats
membres de l’UE à s’armer contenu expressément dans le
projet de constitution européenne et visant à «
améliorer graduellement leurs capacités militaires »
et à instituer une « Agence européenne dans le domaine
du développement des capacités de défense, de la
recherche, des acquisitions et de l’armement ».
Nous exigeons que les gouvernements et parlements de
l’UE éliminent l’obligation de s’armer du projet de
constitution. Un accord de base d’Etats démocratiques
ne doit pas contenir de telles exigences. En lieu et
place, nous exigeons la création d’une « Agence
européenne du désarmement et des stratégies de
résolution civile et non militaire de conflits » qui
n‘a pas été mentionnée jusqu‘ici. En outre, nous
exigeons un arrêt strict des exportations d’armements,
qui permettent et accentuent les conflits guerriers.
L’Europe et, en particulier l’Allemagne, doivent se
distinguer parmi les nations comme des champions
tentant de résoudre pacifiquement et civilement les
conflits. Comme le projet de constitution de l’UE le
mentionne, cela implique tout d’abord « la solidarité
et le respect mutuel entre les peuples », la lutte
contre la pauvreté, la faim et la misère, ainsi que la
préservation de l’environnement et des bases de vie
naturelles « dans la solidarité envers les générations
futures et la terre ».
La sécurité de l’Europe ne peut pas être assurée par
la puissance militaire. L’Europe doit opposer à la
militarisation croissante des relations
internationales une force civile convaincante et
considérée comme modèle dans le monde entier. Elle
doit recourir à ses potentiels financiers et
humanitaires pour résoudre les grands problèmes de
l’humanité que sont la faim, la polarisation sociale
ainsi que la protection du climat et de
l’environnement.
Abolir les armes nucléaires – en commençant par chez
nous
Plus de 40 000 ogives nucléaires continuent de menacer
l’humanité. Les puissances nucléaires officielles – de
même que les puissances cachées – refusent de procéder
au désarmement nucléaire auquel elles se sont engagées
par l’accord de non-prolifération des armes
nucléaires. Bien au contraire. De nouvelles
générations d’armes nucléaires sont fabriquées et
testées.
Simultanément, le monopole des armes nucléaires est
utilisé sans vergogne pour soumettre d’autres pays au
chantage et les menacer de guerre et même d’attaque
nucléaire. Selon l’avis consultatif de la Cour
internationale de Justice du 8 juillet 1996, non
seulement le recours aux armes nucléaires, mais aussi
la simple menace d’y recourir violent le droit
international et « notamment les règles du droit
international humanitaire ».
Les plateformes de défense contre les missiles, qui se
sont révélées totalement inefficaces, sont ressenties
comme des provocations et peuvent inciter des Etats
dépourvus d’armes nucléaires à se procurer leur propre
système nucléaire de défense contre les missiles.
Cette situation provoque une nouvelle spirale de
l’armement. Seul un désarmement nucléaire radical peut
renforcer la non-prolifération nucléaire et dissuader
d’autres Etats de produire des armes nucléaires.
Les « 18 de Göttingen » s’étaient opposés à l’armement
de la Bundeswehr, connaissant les conséquences d’une
guerre nucléaire. Mais l’aviation militaire allemande
procède à un recours potentiel aux armes nucléaires
dans le cadre de la « participation nucléaire » aux
armes de l’OTAN. Ainsi, on élude la requête des
physiciens nucléaires de Göttingen, qui avait été
acceptée alors politiquement. Dans l’esprit et dans la
tradition des « 18 de Göttingen », nous exigeons la
renonciation à la participation nucléaire. Nous avons
besoin d’un monde dépourvu d’armes nucléaires. Nous
demandons une interdiction internationale et la
destruction de toutes les armes ABC. L’Allemagne doit
donner l’exemple et se débarrasser d’armes de
destruction massive.
Les « 18 de Göttingen » se sentaient encore concernés
par les suites d’Hiroshima et de Nagasaki. C’est
pourquoi ils voyaient dans l’utilisation civile de
l’énergie nucléaire une solution pacifique de
substitution. Conscients de la multiplicité des
dangers (pas seulement Tchernobyl) et du double aspect
de la technologie nucléaire, de la prolifération et de
l’utilisation militaire de la technologie nucléaire,
nous nous élevons aussi contre une nouvelle expansion
de la soi-disant utilisation pacifique de l’énergie
nucléaire.
Nous demandons également à tous les scientifiques de
ne pas participer aux projets d’armement. La recherche
et l’enseignement ne devraient être consacrés qu’à des
objectifs pacifiques et civils. Les scientifiques
doivent, de surcroît, renseigner l’opinion publique
sur l’inanité et les effets destructeurs des guerres,
en raison notamment des nouveaux systèmes d’armes.
Fait à Göttingen, le 30 juin 2007
Signataires :
Scientifiques de Göttingen partisans de la paix et du
désarmement
Association de recherche sur l’environnement et les
conflits (VUK)
Institut de formation et de recherche (IFB)
Bureau de la paix de Göttingen
Communauté de travail de recherches sur la paix à
l’université de Kassel (AGF)
Association de scientifiques allemands (VDW)
Initiative des spécialistes de sciences naturelles «
Responsabilité de la paix et de l’avenir »
Etablissement de formation Rosa Luxemburg
Communauté de travail « Science et critique » à
l’université technique de Brunswick
Traduction Horizons et débats
-> http://www.voltairenet.org/article150469.html