L’ex-agent Philip Agee l’a affirmé dans son dernier discours : la CIA n’a jamais cessé de contrôler les groupes terroristes cubano-américains et, dans le sud de la Floride, elle a la capacité d’imposer sa volonté dans ce secteur, tant au FBI qu’à la police de Miami.
Cette affirmation catégorique, c’est l’ex-agent de la CIA Philip Agee qui l’a prononcée, le 20 novembre dernier, dans ce qui a été son dernier discours. Agee devait faire une allocution devant un groupe, au Liberty Hall de Dublin, en Irlande, mais son état de santé critique ne le lui a pas permis. Ce fut le comédien irlandais Donal O'Kelly qui a lu à sa place un texte (www.freethefive.org) qui constitue le véritable testament de celui qui a travaillé durant 12 ans dans les rangs de l’Agence centrale de renseignement.
«Les organisations terroristes de Miami ont intensifié leurs opérations contre Cuba dans les années 90 avec des attaques depuis la mer et des attentats à l’explosif dans les hôtels, l’un d’eux tuant un touriste italien en 1997. Ces activités terroristes violaient les lois des États-Unis mais les autorités judiciaires étasuniennes, y compris le FBI, ne les ont pas condamnées», a commenté Agee.
«Pourquoi?», a-t-il demandé pour ensuite expliquer: «À mon avis, c’est parce que la CIA n’a jamais mis fin à son implication avec ces groupes terroristes. À Miami, l’agence entretient des liens étroits avec le FBI et la police locale. La seule chose qu’ils font, c’est de demander que l’on ne touche pas à ces organisations. Et c’est ce qui est fait ». « Selon moi, il n’y a pas d’autre explication à l’impunité avec laquelle ces terroristes ont violé la loi nord-américaine durant autant d’années et continuent à le faire», a-t-il ajouté en citant les cas d’Orlando Bosch et Luis Posada Carriles.
POSADA «TOUT SIMPLEMENT, EN SAIT TROP»
Dans le cas de Posada, qui circule en toute liberté à Miami, alors qu’en vertu d’un traité bilatéral, le Venezuela réclame son extradition pour la destruction en vol d’un avion cubain, Agee affirme sa conviction que le terroriste international est protégé délibérément parce qu’il est un ex-agent de la CIA.
«L’administration Bush refuse de répondre à la requête d’extradition, en violation du traité en vigueur avec le Venezuela, pour la raison évidente que, en raison de sa longue histoire avec la CIA, il en sait tout simplement trop».
Agee, qui a dirigé durant plusieurs années les opérations anti-cubaines en Équateur et en Uruguay depuis l’ambassade nord-américaine de Quito, confirme comment le gouvernement des États-Unis, au plus haut niveau, a analysé la possibilité d’éliminer physiquement le leader Fidel Castro, alors même qu’il luttait contre la dictature de Fulgencio Batista dans la Sierra Maestra.
Il rappelle qu’en 1959, après l’arrivée de la Révolution au pouvoir, la CIA a formé «une petite armée équipée de bateaux et d’avions qui ont attaqué Cuba durant des années».
Il souligne que Richard Helms, alors directeur de la CIA, a confirmé textuellement, dans une comparution au Sénat en 1975, que cette activité proprement terroriste était «une politique du gouvernement des États-Unis».
Il rappelle également l’explosion du bateau français La Coubre qui a fait 75 morts et des centaines de blessés, dans le port de La Havane, en mars 1960.
«La CIA a établi en même temps des réseaux contre-révolutionnaires dans l’Île et a infiltré des équipes de terroristes et de saboteurs».
Presque tous les mercenaires de Playa Giron ont été sélectionnés dans la communauté cubaine de la Floride liée à la dictature de Batista, a-t-il précisé.
«LA CIA N’A JAMAIS MIS FIN À SES LIENS AVEC CES GENS»
«Ils ont été entraînés à l’utilisation d’explosifs et au sabotage par la CIA. Et il n’y a jamais eu d’indice que la CIA ait mis fin à ses liens avec ces gens-là», a-t-il indiqué.
«Plusieurs organisations installées à Miami sont apparues au cours des années avec des noms tels que Brigade 2506, Alpha-66, Omega-7, CORU, Commandos L, Hermanos al Rescate et Commandos F-4, pour n’en nommer que quelques-unes».
Certaines allaient disparaître et d’autres apparaître, «mais les principales organisations continuent à fonctionner aujourd’hui, planifiant et provoquant des actions contre Cuba».
LA CIA A IMPOSÉ À LA JUGE LA CONDAMNATION DES CINQ
Au sujet de l’affaire des cinq anti-terroristes cubains incarcérés depuis bientôt dix ans aux États-Unis sous prétexte d’espionnage, Agee a aussi livré une interprétation qui ne laisse pas place au doute.
Agee rappelle que la seule intention des cinq à Miami était de défendre Cuba des agressions terroristes. Il décrit comment ils ont été ensuite arrêtés et incarcérés dans des conditions particulièrement inhumaines, avec 17 mois dans des cellules d’isolement total, sans accès à leurs familles.
«Ce que je veux démontrer, c’est pourquoi la Maison Blanche, et Bush en particulier, ont décidé d’imposer un traitement carcéral aussi dur, qui se poursuit encore maintenant. Et de faire passer la consigne à la juge Lenard (magistrat au dossier) que les plus longues condamnations à l’emprisonnement devaient être imposées».
«N’allez pas croire un seul instant qu’elle a agi de façon indépendante en condamnant les cinq. Elle savait parfaitement bien ce que voulait la Maison Blanche».
Philip B. Agee, l’agent de la CIA qui a eu le courage de sortir de la Compagnie, dégouté par l’immoralité de ses activités, et qui a su la démasquer dans ses livres, est mort à La Havane à l’âge de 72 ans, le 7 décembre dernier.
Il a travaillé pour les services de renseignement des États-Unis durant 12 ans, jusqu’à ce qu’il ait rompu avec eux durant la guerre du Vietnam.
En 1975, il a publié le livre Journal d’un agent secret (Seuil) dans lequel il révélait non seulement les opérations de la CIA en Amérique latine mais aussi expliquait ses méthodes de pénétration et d’espionnage.
Après sa mort, Agee a été loué par les secteurs progressistes des États-Unis et du monde entier, comme un authentique patriote nord-américain qui a su défendre les valeurs les plus authentiques de son peuple face aux conspirations des cercles les plus corrompus du pouvoir.