Chrétiens sous occupation, chrétiens parmi les musulmans, engagement des Églises palestiniennes contre l'occupation israélienne et expropriation de terres des Palestiniens arméniens. Jacques Neno, un chrétien de Bethléem qui vit désormais à Lyon s'est entretenu avec nous, car, selon ses mots : "quand on est Palestinien, on ne quitte jamais vraiment la Palestine".
Investig’Action : Le Cardinal Pizzabala du patriarcat latin de Jérusalem était en visite depuis le 16 mai, pour apporter son soutien aux Palestiniens chrétiens de Gaza. Comment les Églises de Palestine ont-elles apporté leur aide aux chrétiens de Gaza depuis le 7 octobre 2023 ?
Jacques Neno : Il est difficile pour la communauté internationale d’apporter son aide à Gaza à cause du siège autant qu’il l’est pour les chrétiens de Cisjordanie ou ceux de 1948 ( les Palestiniens de 48 sont les Palestiniens citoyens de l’État d’Israël ).
Effectivement le cardinal latin de Jérusalem a rendu visite aux chrétiens de Gaza il y a quelques jours, de son côté, le pape François appelle tous les vendredis soir, et ce depuis le 7 octobre, les chrétiens de Gaza. C’est une manière de leur montrer son soutien.
Trouvez-vous suffisant cet appel du pape ?
Plus que l’aide personnelle, le vrai problème c’est l’impunité totale d’Israël. Le génocide en cours a montré à quel point cette impunité d’Israël est soutenue par une grande partie de l’occident, dont la France.
C’est un problème qui dépasse l’aide personnelle puisque le système d’aide mondial prévu pour des situations pareilles est en panne totale à cause de l’intransigeance du criminel. C’est comme si le criminel imposait au juge ses règles alors que le rôle de la justice, du juge et du procureur est de protéger la victime.

L’aide ne doit pas être utilisée par une armée comme moyen de pression sur les combattants. Comme l’armée israélienne a subi une débâcle totale et une défaite cinglante et ne s’est pas relevée du 7 octobre, elle s’acharne sur les civils et utilise l’aide humanitaire comme moyen pour essayer d’atteindre la résistance palestinienne.
Et apparemment ça ne fonctionne toujours pas puisque huit mois après, aucun otage israélien n’a été libéré et la seule chose qu’Israël a achevé c’est un génocide contre des civils qui devraient être protégés.
Des églises telles que l’église grecque orthodoxe Saint Porphyrius de Gaza ont été touchées par les bombardements israéliens. Quelles ont été les prises de position des Églises de Jérusalem et des Églises à l’étranger desquelles elles dépendent ?
Il n’y a pas que les églises, il y a aussi des hôpitaux chrétiens qui ont été bombardés au début de la guerre et qui ont été mis hors service comme l’hôpital anglican de Gaza qui a été le premier hôpital attaqué par l’armée israélienne.
Les Églises en Palestine subissent elles-mêmes l’occupation depuis 1948 et 1967. Ce ne sont pas des Églises libres. La majorité des clergés et des prêtres subissent de plein fouet l’occupation et les exactions israéliennes. Mais elles se sont positionnées bien sûr ! La fête de Noël, qui a eu lieu deux mois après le début du génocide, a été restreinte à la messe, et les festivités ont été annulées. Les Palestiniens qu’ils soient chrétiens ou musulmans vivent sous l’occupation et le génocide qu’ils soient à Gaza ou en Cisjordanie.
Les hommes d’Église à Jérusalem sont agressés quotidiennement par des colons fascisés et des juifs religieux de plus en plus violents. Il n’est pas rare de voir des scènes ou des sœurs, des prêtres et maintenant, de plus en plus, les pèlerins étrangers en visite à Jérusalem, se fassent agresser et cracher dessus par les colons.
La plupart des patriarches ne sont pas des Palestiniens, ce sont des étrangers comme le cardinal Pizzabala que nous avons mentionné qui est italien, malgré cela vivent-ils comme les Palestiniens ou sont-ils libres ?
À partir du moment où ils sont à Jérusalem, ils vivent comme des Palestiniens. Ils sont là en tant qu’Hommes d’Église appartenant à l’Église palestinienne et subissent donc les mêmes restrictions imposées aux Palestiniens avec quand même quelques privilèges au vu de leur statut diplomatique.
Le cardinal latin par exemple, est considéré comme le représentant d’un État – l’État du Vatican reconnu par le monde entier – mais son statut de diplomate ne lui permet tout de même pas de circuler librement. Quand il va à Bethléem ou dans un autre village palestinien, il subit les checkpoints, les fouilles, il est arrêté par les soldats israéliens et subit les lois d’apartheid imposées à la population locale. Dès l’instant où quelqu’un se positionne du côté des Palestiniens, il est déclaré comme persona non grata.
Des terrains de l’Église arménienne de Jérusalem ont été vendus à un colon juif israélo-australien. L’Église arménienne s’est-elle exprimée sur cette vente illégale ?
L’Église arménienne est une église palestinienne et l’une des plus vieilles Églises en Palestine. Les Arméniens palestiniens ont le soutien d’un pays qui est l’Arménie. Ce pays s’est exprimé sur l’expropriation des terrains appartenant à l’Église arménienne. C’est encore une bataille en cours : les Arméniens continuent de se battre.
On ne le répètera jamais assez, mais après la guerre des Six jours, l’État d’Israël a annexé Jérusalem-Est : cette annexion est illégale, personne, mis à part les États-Unis, ne l’a reconnu. Le monde entier considère la partie Est de Jérusalem comme occupée. La clé pour la préservation des lieux saints qu’ils soient chrétiens ou musulmans réside, au minimum, dans le respect du droit international.
Depuis le 7 octobre, le monde s’est réveillé et la cause palestinienne est revenue à la tête des causes de l’humanité. Il n’y a pas un pays dans le monde où on ne manifeste pas pour la Palestine, et il y a de plus en plus de personnes dans ces manifestations. Même aux États-Unis, un État qui soutient aveuglément les génocidaires, la pression monte. Parce qu’il ne faut pas être chrétien ou musulman pour défendre la cause palestinienne : il faut juste être humain.
Le fond et l’origine du problème sont la spoliation de la Palestine par des réfugiés venus d’ailleurs. C’est un problème européen : il y a eu des réfugiés dont l’Europe ne voulait pas, on les a expédiés chez nous, en Palestine.
Les forces coloniales de l’époque, la France et l’Angleterre, ont promis à ces réfugiés un pays qui n’appartenait ni à la France ni à l’Angleterre. La Palestine appartenait aux Palestiniens et personne ne les a consultés.
L’histoire selon laquelle les Romains ont détruit, en l’an 70 Jérusalem en déportant avec eux toute la population juive est fausse. Il y a eu quelques juifs déportés, c’était les juifs révoltés qu’on appelait les Zélotes2. Les autres juifs sont restés en Palestine, avec le temps ils sont devenus chrétiens et ensuite beaucoup se sont convertis à l’Islam.
Ce n’est pas parce qu’on est juif que l’on a le droit de venir en Palestine vivre à la place des Palestiniens. La grande majorité des Palestiniens1 a été expulsée pour laisser place à ces réfugiés européens.
Avant que l’émigration juive ne devienne un mouvement nationaliste, les Palestiniens ont tout de même accueilli ces juifs.
La Palestine est une terre d’accueil depuis la nuit des temps. Les Palestiniens, au début, ont donc accueilli les juifs européens les bras ouverts, car ils étaient des réfugiés.
Il y a eu trente-six conquêtes en Palestine, trente-six nations. Et le peuple palestinien est composé des descendants de ces trente-six nations, dont les Hébreux. Ceux, par contre, qui prétendent être les descendants des Hébreux ne le sont pas : ils sont plutôt les descendants d’une conversion des Khazars au judaïsme au 10e siècle.
La science et les historiens ont démontré que l’histoire selon laquelle les Romains ont détruit, en l’an 70 Jérusalem en déportant avec eux toute la population juive est fausse. Il y a eu quelques juifs déportés, c’était les juifs révoltés qu’on appelait les Zélotes2. Les autres juifs sont restés en Palestine, avec le temps ils sont devenus chrétiens et ensuite beaucoup se sont convertis à l’Islam et certains sont restés juifs puisque 5% de la population palestinienne était juive avant la création du sionisme3. Shlomo Sand a ainsi démontré que les Palestiniens descendent à 85% des Hébreux4.
Les sionistes utilisent un mythe qui ne tient pas la route.
Parmi les trente-six conquêtes, il y a eu les Hébreux, les Hittites, les Perses, les Grecs, les Romains … la liste est longue. Il y a eu aussi les Français et les Italiens puisque les croisades ont duré plus d’un siècle. À chaque fin de conquêtes, les conquérants partaient et les Palestiniens restaient et se brassaient avec toutes ces cultures. À Bethléem par exemple, il y a un quartier qui était composé des traducteurs italiens et français qui à la fin des croisades n’avaient pas les moyens de partir. Ils sont donc restés et ont formé un des quartiers de la ville de Bethléem qui s’appelle encore aujourd’hui, le quartier des traducteurs.
Quel est le rôle que jouent les Églises du monde dans le développement social et économique de la Palestine ?
Tous les ans, le jour du vendredi saint, toutes les Églises du monde font une Zakat ( une aumône ) où l’argent récolté pour les chrétiens de Palestine permet de financer les hôpitaux et les œuvres à but social.
Les premiers hôpitaux et les premières écoles en Palestine ont été développés grâce aux Églises. L’université de Bir Zeit et de Bethléem par exemple ont été fondées par des Églises. Elles sont toujours gérées par les Églises, mais appartiennent à toute la Palestine.
C’est d’ailleurs une majorité de musulmans qui bénéficient de ces universités et hôpitaux.
Oui, car les chrétiens sont maintenant une minorité. À l’époque c’est le pape qui avait appelé à créer une université pour stopper l’émigration chrétienne. Malheureusement ça n’a pas suffi.
Aujourd’hui, on a plus de chrétiens qui vivent dans la diaspora que de chrétiens qui vivent dans la Palestine historique. Par exemple, les descendants de ma ville de Bethléem au Chili5 sont 500 000 alors qu’à Bethléem aujourd’hui ils sont à peine 8 000 chrétiens. Ces chrétiens sont partis des décennies avant la création de l’État d’Israël, mais selon la législation palestinienne ils pourraient obtenir un passeport palestinien puisqu’ils sont descendants de grands-parents palestiniens.
Effectivement quand on parle de la Palestine on parle souvent du problème des réfugiés, mais aujourd’hui une grande partie des Palestiniens de la diaspora ne sont pas des réfugiés. Le fait que leurs parents et leurs grands-parents étaient Palestiniens et que, s’il y avait un État palestinien ils seraient reconnus comme tels, leur donne le droit, au même titre que les réfugiés, de rentrer chez eux.
Cela va de soi. Le jour où la Palestine sera libre, In Sha Allah6, et ce jour-là viendra.
Nous sommes tous convaincus que l’injustice n’est pas viable et que la 37e conquête de la Palestine finira comme toutes les précédentes. Nous absorberons les réfugiés juifs qui accepteront de rester dans l’État de Palestine. Il n’y a pas d’autres issues.
Sinon, il faudra qu’ils nous exterminent tous, mais ça fait déjà un siècle qu’ils essaient et ils n’y arrivent pas.
Sans compter les Palestiniens de la diaspora…
Tout à fait. On estime aujourd’hui qu’il y a environ 6 millions de Palestiniens qui vivent en Palestine : les Palestiniens de 1948, les Palestiniens de Gaza et les Palestiniens de la Cisjordanie, et presque 12 millions de Palestiniens qui vivent en diaspora.
Je suis allé à Santiago en 2004. Aux noms des familles affichés sur les enseignes, je remarquais tout de suite que c’était des familles de Bethléem, Beit Jala et Beit Sahour. Certains me disaient « il y a longtemps, on nous appelait les Turcos ». Puisqu’ils avaient quitté la Palestine sous l’Empire ottoman, on les considérait comme Turcs.
Le monde politique a changé quatre fois en Palestine depuis 1860. Je vais vous donner l’exemple de ma propre famille. Les oncles de mon père qui ont été les premiers à quitter la Palestine en 1860 pour s’installer au Chili, l’ont quitté avec des documents turcs.
Mon oncle paternel a quitté la Palestine en 1920 avec des documents anglais donnés par le gouvernement de Palestine.
Mon père a quitté la Palestine en 1948 avec des documents jordaniens.
Moi, j’ai quitté la Palestine dans les années 80 avec des documents israéliens.
Pourquoi votre père a-t-il quitté la Palestine en 1948 ?
Il était engagé dans la résistance palestinienne de 1945 à 1948 et était recherché par les Anglais. Il avait peur pour sa sécurité et a préféré partir au Chili pour se faire oublier. Il ne savait pas que les Anglais se retireraient de la Palestine en mai 1948 et que les Israéliens prendraient leur place.
Quelle a été votre vie à Bethléem en tant que chrétien parmi les musulmans ?
L’occupation est la première et la seule raison qui pousse les chrétiens à quitter la Palestine.
Depuis longtemps, les chrétiens ont lancé des appels pour avertir des conséquences de l’occupation : le plus connu est celui de Kairos7.
Généralement les Palestiniens chrétiens quittent la Palestine jeune à cause de la répression, du danger et du manque d’opportunités économiques. Ils terminent leurs études dans le pays d’accueil et y trouvent un emploi. C’était mon cas. J’ai été boursier du gouvernement français pendant deux ans et travaillais en tant qu’éducateur pour un groupe de jeunes sourds la nuit de 20h00 à 8h00 du matin. À la fin de ma bourse, j’ai intégré l’équipe avec qui j’ai travaillé quelques années.
C’est l’appel de la Palestine qui m’a remmené en Palestine la première fois.
L’appel de la Palestine ?
Je pense que quand on est Palestinien on ne quitte jamais vraiment la Palestine. Chaque Palestinien porte en lui la Palestine. Là où il s’installe, s’installe la Palestine.
Quand je faisais mes études à Nancy, nous étions une trentaine de Palestiniens avec diverses tendances – certains, déjà en 1988 étaient partisans du Hamas, d’autres du Fatah, d’autres du FPLP…
Je vivais dans une paroisse donc j’avais de la place pour réunir tous les Palestiniens une fois par mois autour d’un match de foot ou d’un repas palestinien : Knaffeh, Maqloubeh, Mansaf … ça nous permettait de revivre l’exil à notre manière.
À l’entrée de l’université, il y avait toujours des checkpoints et l’armée israélienne demandait si les étudiants et étudiantes étaient musulmans ou chrétiens. Nous savions quoi répondre.
C’était le cas partout en France : avant ça, j’étais à Grenoble et on se réunissait avec les Syriens, Libanais et Palestiniens dans notre résidence universitaire autour d’un repas.
Et les divisions qui existent en Palestine entre chrétiens et musulmans ?
Quand j’étais jeune, l’armée israélienne essayait d’utiliser nos différences pour diviser entre chrétiens et musulmans, mais ça ne marchait pas.
À l’entrée de l’université, il y avait toujours des checkpoints et l’armée israélienne demandait si les étudiants et étudiantes étaient musulmans ou chrétiens. Nous savions quoi répondre. Si mon ami musulman répondait qu’il était chrétien pour passer le checkpoint, alors je disais qu’il était chrétien. À l’inverse, certains chrétiens disaient qu’ils étaient musulmans, car ils n’avaient pas envie d’aller en cours ce jour-là …
À part ça, il n’y a pas vraiment de différence entre chrétiens et musulmans, la société palestinienne est comme toutes sociétés. Les familles musulmanes qui habitent mon quartier, ce sont elles qui sont minoritaires. Elles font partie de notre quartier et sont accueillies comme telles. Nous leur rendions visite pour leur souhaiter un bon Ramadan, un bon Aïd Al Adha et elles venaient chez nous nous souhaiter un joyeux Noël. Certaines familles musulmanes avaient même un sapin de Noël plus joli que le nôtre !
Il n’y avait pas d’histoires « telle famille est chrétienne et telle famille est musulmane » les gens vivaient ensemble. Il y avait de bons voisins et des mauvais voisins comme de partout. Certains avec qui on sympathisait, et d’autres qui faisaient des problèmes tous les soirs pour garer leur voiture.
Comment les Palestiniens chrétiens de la diaspora analysent-ils le traitement médiatique des évènements du 7 octobre et qui ont suivi ?
J’ai été interviewé trois ou quatre jours après les évènements du 7 octobre par un certain magazine. Ils m’ont demandé ce que j’avais pensé du 7 octobre en me décrivant tout ce qui avait eu lieu. Je me souviens avoir dit à la journaliste « ce qui est décrit des évènements ne correspond pas au Hamas tel que nous le connaissons ». Le Hamas ne commet pas de viol, ne décapite pas des bébés. Tout ça, c’est de la propagande qui a été utilisée pour justifier le génocide.
Et ça sentait déjà ça dès le début. Nous connaissons très bien l’occupation israélienne et savons de quoi elle est capable. Les images décrites au début de la guerre correspondaient davantage, pour moi, aux soldats israéliens qu’au Hamas. C’est une propagande qui passe en Occident, mais pas en Orient,
Entre chrétiens d’occident et chrétiens d’orient il y a une différence, ce n’est pas juste une appellation. Les Latins sont arrivés récemment en Palestine.
Les croisés ont été expulsés de Jérusalem par l’armée de Saladin dont les chrétiens faisaient partie. Même si c’étaient nos frères de foi, les croisés étaient venus de l’étranger occuper notre pays. C’est pour cela que nous, les Palestiniens chrétiens on dit « libérer Jérusalem des croisés »8.
Quel projet spécifique Soliv’r a-t-il réalisé en Palestine et quel impact avez-vous observé sur les communautés locales ?
La deuxième fois que j’ai quitté la Palestine, c’est quand Israël a failli détruire l’église de la Nativité avec les 250 réfugiés qui étaient cachés à l’intérieur. Elle fut, du coup, mise sous protection de l’UNESCO et déclarée patrimoine mondial de l’humanité.
Puis, de retour en Palestine une nouvelle fois, j’ai fondé une ONG qui s’occupait des enfants dans les camps de réfugiés, et qui étaient victimes d’une triple violence : celle de l’occupation, celle du système scolaire, et celle de la famille puisque la famille imposait parfois des choix dont les jeunes ne voulaient pas.
Nous avions aussi la toute première auberge de jeunesse en Palestine, elle était à Bethléem à deux pas de l’église de la Nativité. Nous accueillions beaucoup de jeunes du monde entier, c’était un moyen de créer des liens entre les peuples et nos réfugiés.
En 2009, constatant qu’on ne pouvait plus continuer à dépendre de l’aide internationale très aléatoire, nous avons décidé de monter un projet qui pérennise nos actions. Cette année-là, l’usine de Keffiyeh à Hébron allait fermer. En apprenant cela, je suis allé voir le fabricant et nous nous sommes engagées dans une procédure de commerce équitable. C’est comme ça que Soliv’r a commencé et, à l’heure actuelle, cette usine produit toujours.
Soliv’r, qui était le seul projet qui s’autofinançait est aussi le seul qui vit toujours, c’est maintenant devenu une entreprise française avec une vingtaine d’actionnaires.
Les chrétiens sionistes sont-ils très présents dans les milieux chrétiens en Europe ?
Les chrétiens sionistes sont surtout présents dans l’Église protestante puisque le courant chrétien sioniste est le darbysme9. Une bible a été écrite au 18e siècle par les protestants qui n’a rien à voir avec la vraie bible et les Évangiles parties de Palestine.
Il y a deux courants principaux dans le sionisme chrétien : le britannique et celui parti aux États-Unis qui considérait par ailleurs, l’Amérique, comme une nouvelle terre promise.
Des juifs sionistes sont main dans la main avec des personnes qui souhaitent les massacrer plus tard. Le livre de Munthir Ishaq « De l’autre côté du mur » en parle.
Y a-t-il un verset biblique ou un enseignement chrétien qui guide particulièrement vos actions au quotidien en tant que Palestinien chrétien ?
Ce qui est important ce sont les fruits que l’être humain produit, plus que ses paroles. Le Christ est justement venu en révolution contre une religion qui était figée, avec un système très hiérarchisé des prêtres et des pharisiens qui étaient plus dans le paraitre.
Ceux qui pensent encore qu’il s’agit d’un problème religieux sont une minorité, et je leur conseille de lire des lectures scientifiques : Ilan Pappé, Shlomo Sand, Avi Shlaïm … Ils comprendront qu’il s’agit d’un colonialisme de remplacement.
Je me rappelle d’une parabole dans la bible où les gens au jugement dernier demanderont pourquoi untel ira au paradis et pourquoi untel n’ira pas. Jésus dira « j’avais faim vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, j’étais nu, vous m’avez vêtu ». Les personnes qui ne seront pas destinées au paradis diront « mais quand est-ce que nous t’avons vu nu, prisonnier ou avoir faim sans que nous t’aidions ? ». Jésus leur répondra « à chaque fois que vous ne l’avez pas fait pour l’un des petits que vous avez rencontrés durant votre vie, c’est comme si vous ne me l’aviez pas fait ».
Et il dira aux bons la même chose. Moi, j’essaie de vivre ce christianisme à la palestinienne.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux chrétiens qui vous liront ?
Mon message s’adresse à tous. Un engagement pour la Palestine c’est un engagement pour la justice. Et c’est une cause qui contribuera à faire avancer l’humanité.
Ceux qui pensent encore qu’il s’agit d’un problème religieux sont une minorité, et je leur conseille de lire des lectures scientifiques : Ilan Pappé, Shlomo Sand, Avi Shlaïm …
Ils comprendront qu’il s’agit d’un colonialisme de remplacement et que le but est de voler les Palestiniens et de les anéantir.
Quel que soit le prétexte, et ce que l’on a subi, on n’a pas le droit de tuer un peuple et de voler sa terre. Malheureusement ça s’est passé aux États-Unis, en Australie et dans beaucoup de pays où des colons sont venus voler la terre des aborigènes.
En Palestine il ne faut pas que ça continue. Il faut y mettre fin et rendre la Palestine aux Palestiniens.
Source : Investig’Action
Notes :
1 « Ce n’est pas un nettoyage ethnique puisque les Palestiniens qui sont restés sur leur terre lors de la guerre israélo-arabe sont maintenant près de 2 millions à avoir la citoyenneté israélienne ». Tel est un argument que vous pourrez entendre. D’abord, avant même que les armées arabes ne déclarent la guerre à Israël le 15 mai 1948, plusieurs villes palestiniennes avaient déjà été vidées de leurs habitants ( Haïfa, Yaffa, Akka … ). L’intervention des armées arabes, motivées par l’arrivée massive de réfugiés palestiniens à Damas et Amman, visait justement à mettre fin à ces déplacements forcés qui avaient commencé avant 1948. Deuxièmement, à l’époque, ces expulsions ou déplacements ont concerné près de 80% de la population palestinienne : c’est la définition même d’un nettoyage ethnique – qui n’est pas reconnu comme un crime distinct en droit international. Troisièmement, les Palestiniens n’ont pas fui la guerre, ils ont fui les massacres.
Pappé, Ilan. The ethnic cleansing of Palestine. Oneworld Publications, 2007.
Scharz, Alon. « Tantura ». Written by Halil Efrat and Alon Schwarz, 1h 34min : https://www.youtube.com/watch?v=1mBUzayokz0&ab_channel=ZirafaMedia
2 Les zélotes étaient un groupe de juifs politico-religieux engagés militairement contre la domination romaine, attaquant également les juifs collaborateurs. Ils jouèrent un rôle central dans la Grande Révolte juive de 66-70 de l’ère chrétienne.
3 Avant 1880, 80% de la population palestinienne était musulmane, 15% était chrétienne et 5% était juive. Il y avait aussi les communautés Druze, Samaritaine et Bédouine. Ces chiffres peuvent légèrement varier selon les sources, les recensements ottomans n’étant pas toujours exacts.
4 Sand, Shlomo. Comment le peuple juif fut inventé. Flammarion, 2010.
5 Voir aussi : Cuche, Denys. Les Palestiniens chrétiens du Pérou : anthropologie d’une diaspora de Chrétiens orientaux. L’Harmattan, 2019.
6 Les chrétiens palestiniens sont palestiniens, ils parlent l’arabe. Comme les juifs mizrahi par le passé, ils utilisent souvent des expressions couramment utilisées par les musulmans du monde entier.
7 Une archive disponible entre autres, sur le site de l’Église latine de Jérusalem montre que les hommes d’Église étaient engagés dès 1948 contre le plan de partage de la Palestine. https://lpj.org/en/archive/historial-books-and-documents/history-of-palestine-1/statement-by-the-committee-of-the-christian-union-of-palestine
8 Maalouf, Amin. Les croisades vues par les Arabes. J’ai lu, 1999.
9 Du prêtre anglican John Nelson Darby ( 1800 – 1882 ).