Israël envoie ses bombes et ses bulldozers contre Jénine, faisant 12 morts

Compte-rendu de la dernière attaque contre le camp de réfugiés palestiniens de Jénine, par The Electronic Intifada. Une attaque menée avec le feu vert des États-Unis et qui répond à l’appel du ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. La semaine dernière, celui-ci avait incité au massacre de milliers de résistants palestiniens, afin de garantir la suprématie israélienne de la mer Méditerranée au fleuve Jourdain. (IGA)

Les forces israéliennes ont tué au moins huit Palestiniens au cours d’une vaste offensive militaire dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie occupée. Il s’agit de la plus grande opération menée dans le territoire depuis 2002.

Alors que la journée de lundi touchait à sa fin, des centaines de Palestiniens ont dû quitter le camp de réfugiés de Jénine dans le cadre d’une nouvelle opération de déplacement. L’armée israélienne nie avoir ordonné l’évacuation d’une partie du camp. Le Croissant-Rouge palestinien déclare, pour sa part, avoir évacué 3.000 Palestiniens du camp.

Selon le Centre palestinien pour les droits de l’homme (CPDH), au moins deux des personnes tuées depuis le début de la journée de lundi étaient des civils.

Defense for Children International-Palestine avance de son côté que deux des personnes tuées étaient des enfants : Nour al-Deen Marshoud, 15 ans, et Majdi Ararawi, 17 ans.

Ayed Abu Eqtaish, directeur de programme pour le groupe de défense des droits de l’enfant, appelle Karim Khan, le procureur en chef de la Cour pénale internationale, à « publier au minimum une déclaration préventive dans le but de dissuader les crimes de guerre israéliens en cours ».

Al-Haq, un groupe palestinien de défense des droits de l’homme, a enjoint les États tiers à « cesser les condamnations verbales sans effets et à mettre en œuvre des mesures concrètes pour mettre fin à l’impunité d’Israël ».

L’invasion débuta ce lundi vers une heure du matin, lorsque les forces israéliennes sont entrées dans Jénine et son camp de réfugiés et ont fermé les entrées du camp, « l’isolant ainsi de la ville », précise le CPDH, tandis que les frappes aériennes israéliennes visaient les infrastructures civiles.

Quatre combattants palestiniens ont été tués, alors que les habitants tentaient de repousser les forces d’invasion. Le CPDH les a identifiés comme étant Nour al-Deen Marshoud, Sameeh Abu al-Wafa, Aws al-Hanoun et Husam Abu Thibah.

Un ou plusieurs tireurs d’élite israéliens ont exécuté trois Palestiniens. Dans plusieurs vidéos et photos qui ont circulé sur les médias sociaux, on peut voir comment leurs corps ont été empilés dans une rue du camp de réfugiés de Jénine. .

Selon le CPDH , le premier coup de feu a été tiré sur Ali al-Ghoul, 20 ans, lequel a été touché à la poitrine. Lorsque Majdi Ararawi, 17 ans, a tenté de sortir al-Ghoul de la rue, il a été touché à la tête par un tireur embusqué. Le troisième homme, Muhammad al-Shami, 18 ans, a quant à lui été touché alors qu’il tentait d’évacuer d’autres blessés.

Toujours selon le CPDH, « ils se sont vidé de leur sang pendant plus d’une demi-heure, avant que des gens parviennent à les faire entrer dans l’une des maisons ». À ce moment-là, ils étaient déjà tous les trois morts.

Le ministère palestinien de la Santé en Cisjordanie a fait état d’au moins 28 blessés, pour la plupart des civils, dont neuf sont toujours dans un état critique.

Outre les personnes tuées lors de l’incursion en cours à Jénine, Muhammad Hassanein, 21 ans, a été abattu d’une balle dans la tête lundi avant l’aube, lors d’une manifestation contre le raid à Jénine, près de la colonie de Beit El, dans le centre de la Cisjordanie.

Infrastructures civiles détruites

Au cours de l’invasion de Jénine, qui, selon les responsables israéliens, pourrait durer deux ou trois jours (NDLR : l’armée a annoncé avoir commencé à se retirer mardi soir), Israël a détruit des infrastructures civiles et ses troupes ont pris pour cible des secouristes et des journalistes.

Dans les vidéos suivantes, on peut voir des véhicules militaires israéliens en train de détruire des routes dans le camp de réfugiés de Jénine, ainsi que l’état de destruction généralisé qu’ils ont laissé derrière eux :

La municipalité de Jénine affirme que son approvisionnement en eau a été interrompu après la destruction de ses infrastructures par les troupes israéliennes. Defense for Children International-Palestine déclare de son côté que les résidents du camp ont également été privés d’électricité et de télécommunications.

Selon le Croissant-Rouge palestinien, les troupes israéliennes ont bloqué les routes et intercepté les ambulances qui tentaient d’entrer dans le camp de réfugiés.

Le directeur du Croissant-Rouge, Ahmed Jebril, a informé l’organisation caritative britannique Medical Aid for Palestinians que « les ambulances ont essuyé des tirs directs » et ont été bloquées, après que les bulldozers israéliens eurent détruit les routes principales du camp.

Dans cette vidéo, on peut également voir des Palestiniens subissant les gaz lacrymogènes tirés à l’extérieur de l’hôpital gouvernemental de Jénine :

L’Organisation mondiale de la santé en Cisjordanie et à Gaza a qualifié de « déplorables » les « attaques continues contre les services de soin de santé, y compris l’interdiction d’accès aux personnes gravement blessées ».

WAFA (NDLR : l’agence de presse palestinienne) rapporte que les forces israéliennes ont délibérément percuté une ambulance qui tentait d’entrer dans le camp de réfugiés de Jénine pour amener à l’hôpital une femme sur le point d’accoucher.

Journalistes attaqués

Des journalistes ont également été attaqués.

Une vidéo montre un sniper israélien tirant directement sur une caméra positionnée sur trépied appartenant à l’équipe d’Al-Araby TV, une attaque que la chaîne qualifie de délibérée :

Il y a un peu plus d’un an, lors d’un raid à Jénine, un sniper israélien abattait Shireen Abu Akleh, correspondante de longue date d’Al Jazeera. Personne n’a été tenu responsable de sa mort.

Une autre vidéo de l’invasion de lundi montre un soldat israélien en train de percer un trou dans le mur d’un bâtiment abritant des bureaux d’avocats, afin de l’utiliser comme position pour un sniper :

WAFA, l’agence de presse palestinienne officielle, affirme que Freedom Theater (Théâtre de la Liberté) du camp de réfugiés de Jénine, qui jouit d’une renommée internationale, a été touché par un missile tiré par un drone, blessant au passage un enfant.

Selon le directeur du théâtre, dans lequel des familles s’étaient réfugiées, l’armée israélienne a détruit au bulldozer des routes et un mémorial pour les Palestiniens tués dans le camp, près de l’entrée du théâtre.

Defense for Children International-Palestine déclare qu’en plus du Freedom Theater, plusieurs mosquées et le Jenin Sport Club ont également été bombardés.

L’armée israélienne a affirmé avoir trouvé une cache d’armes dans des tunnels situés sous une mosquée qui servait de repaire aux combattants.

L’armée soutient également que ses troupes ont trouvé un atelier de fabrication d’explosifs et qu’elles ont confisqué des pièces d’un lance-roquettes.

Selon les médias israéliens, vingt Palestiniens ont été arrêtés, alors que les soldats cherchaient des armes dans les maisons du camp. De son côté, Défense des Enfants International-Palestine avance que « de nombreux enfants palestiniens » ont été arrêtés.

Au début de l’invasion, les forces israéliennes ont pris pour cible ce qu’elles soutiennent être un centre de commandement, ainsi qu’un refuge pour les combattants du camp de réfugiés.

Toujours selon les médias israéliens, l’opération militaire aurait été approuvée il y a plus d’une semaine et les responsables israéliens auraient prévenu leurs homologues américains à l’avance.

Lundi, la Maison-Blanche a apporté son soutien à « la sécurité d’Israël et à son droit de défendre son peuple contre le Hamas, le Jihad islamique palestinien et d’autres groupes terroristes ».

Cela fait longtemps que des personnalités extrémistes du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu militent en faveur d’une opération d’envergure visant Jénine, ce bastion de la résistance armée en Cisjordanie dont l’objectif est d’entraver la colonisation israélienne et de rendre l’occupation militaire intenable.

Cette pression s’est accentuée après que quatre Israéliens eurent été tués dans une colonie et après que, fin juin, une opération d’arrestation apparemment routinière à Jénine eut mal tourné, un véhicule blindé ayant été neutralisé par une bombe placée en bord de route et déclenchée par des combattants palestiniens.

Lors du raid du mois dernier, pour la première fois depuis une vingtaine d’années, Israël a déployé un hélicoptère de combat Apache en Cisjordanie, afin d’évacuer ses troupes embusquées. Sept Palestiniens, dont deux enfants, ont été tués lors de ce raid.

L’embuscade a montré combien les capacités militaires des combattants en Cisjordanie avaient progressé, les Palestiniens comparant celle-ci à la résistance qui a contribué au retrait unilatéral par Israël de ses colons de la bande de Gaza en 2005 et au redéploiement de l’armée à la périphérie du territoire.

S’exprimant dans un avant-poste notoire d’une colonie du nord de la Cisjordanie, le ministre ultranationaliste israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a récemment appelé à « une opération militaire visant à démolir des bâtiments et à tuer des terroristes ».

« Pas un ou deux, mais des dizaines et des centaines, et si nécessaire des milliers », a-t-il déclaré, ajoutant qu’un tel massacre était nécessaire pour garantir la domination exclusivement juive du Jourdain à la mer Méditerranée.

Pour Anshel Pfeffer, correspondant du quotidien Haaretz de Tel-Aviv, l’opération de Jénine « est probablement plus importante que ce que [l’armée israélienne] aurait envisagé si elle ne devait pas également assurer le spectacle pour les politiciens ».

M. Pfeffer ajoute que « ce n’est certainement pas ce que Ben-Gvir et ses acolytes ont demandé, mais cela permet au moins, du côté de M. Netanyahou, de donner l’impression qu’il agit de manière décisive et, du côté de ses partenaires, de prétendre qu’ils ont changé de paradigme ».

L’opération a reçu l’approbation de Yair Lapid, le chef de l’opposition en Israël, qui l’a qualifiée de « justifiée et nécessaire » et a soutenu que l’objectif n’était pas de miner davantage l’Autorité palestinienne déjà affaiblie

Jénine, un symbole de la résistance palestinienne

Ismail Haniyeh, le chef de file du Hamas, a appelé les Palestiniens de Cisjordanie à venir en aide à Jénine, ajoutant que « le sang versé à Jénine déterminera la prochaine phase dans toutes les directions et sur tous les axes ».

Salah al-Arouri, dirigeant du Hamas en Cisjordanie, a quant à lui appelé « tous les combattants de Cisjordanie à se battre avec tous les moyens à leur disposition pour protéger Jénine et la mosquée al-Aqsa ».

Le Jihad islamique a affirmé qu’Israël ne parviendrait pas à désarmer Jénine, ajoutant que la ville « restera le symbole de la lutte et de l’inflexibilité contre l’occupation ».

Lundi, Al Jazeera rapporta que les factions de la résistance palestinienne à Gaza ont appelé le public à se rassembler autour de Jénine, évoquant la possibilité d’une réponse palestinienne plus forte au renforcement des opérations israéliennes.

Le camp de réfugiés de Jénine est densément peuplé : 14.000 Palestiniens vivent dans un espace de moins d’un demi-kilomètre carré.

Le camp de Jénine fait partie des dizaines de camps situés en Cisjordanie, à Gaza et dans les pays voisins, où vivent des millions de Palestiniens qui ont été chassés de leurs maisons et de leurs terres avant, pendant et après la création de l’État d’Israël en 1948, ainsi que leurs descendants.

Israël refuse aux réfugiés palestiniens le droit de retourner dans leurs maisons et de récupérer leurs propriétés sous prétexte qu’ils ne sont pas juifs, ceci dans le but de créer une majorité démographique.

L’incursion en cours dans le camp de réfugiés de Jénine présente des parallèles troublants avec l’invasion israélienne de 2002, au cours de laquelle au moins 52 Palestiniens et 23 soldats israéliens ont été tués.

Selon un témoin des conséquences de ce siège qui dura 11 jours, l’armée israélienne avait alors laissé « un paysage en ruines », avec « une odeur de mort » qui imprégnait le camp. Selon l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, plus de 400 maisons avaient été détruites, entraînant le déplacement d’un quart de la population du camp.

Certains observateurs décrivent les multiples raids meurtriers menés par Israël à Jénine et dans ses environs au cours de l’année et demie écoulée comme un massacre progressif :

Selon le décompte de The Electronic Intifada, depuis le début de l’année, plus de 180 Palestiniens ont été tués par les troupes, la police et les colons israéliens en Cisjordanie et à Gaza.

D’après Defense for Children International-Palestine, les forces israéliennes ont tué neuf enfants palestiniens dans la région de Jénine depuis le début de l’année.

Au cours de la même période, 28 personnes ont été tuées par des Palestiniens en Israël et en Cisjordanie dans le cadre de violences liées à l’occupation, ou sont décédées des suites de leurs blessures.

Source : The Electronic Intifada
Traduit de l’anglais par CV pour Investig’Action

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