One point five to keep the planet alive, tel était l’engagement de ce sommet. Après quinze jours de négociations, la colère des militants du climat et des pays du Sud est grande et légitime. Comment poursuivre la lutte à présent ?
Les principales questions et résultats (manquants)
1,5°C. Le texte final mentionne explicitement que l’objectif devrait être de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C, et non à 2°C. C’est positif, mais il s’agit là uniquement de l’aspiration, de l’objectif.. Avec les plans nationaux actuels de tous les pays réunis, nous nous dirigeons vers un réchauffement catastrophique de 2,4°C.
Révision annuelle. Jusqu’à présent, un grand sommet sur le climat a eu lieu tous les cinq ans. Il sera désormais organisé chaque année. Chaque pays sera ensuite obligé d’évaluer ses plans climatiques par rapport aux objectifs et, si nécessaire, de les améliorer et de les rendre plus ambitieux. En soi, c’est une bonne chose. Toutefois, les pays pauvres, qui sont bien moins responsables des émissions historiques et disposent de beaucoup moins de moyens, seront désormais soumis à une pression tout aussi forte que les pays riches.
« Combustibles fossiles ». Cela semble incroyable, mais depuis la signature du protocole de Kyoto en 1997, pas un seul sommet n’a mentionné explicitement l’élimination progressive des combustibles fossiles. C’est aujourd’hui le cas pour la première fois. Le sommet a également donné lieu à de nouvelles promesses et alliances visant à éliminer progressivement l’utilisation des combustibles fossiles. Toutefois, un coup d’œil sur les détails montre qu’à court terme, celles-ci ne changeront pas grand-chose, voire rien du tout.
Pour éviter une crise climatique, la production de pétrole et de gaz devrait être réduite immédiatement et de façon constante de 3 % par an dès maintenant. Au lieu de cela, d’année en année ,la production ne cesse de poursuivre sa croissance (à l’exception de l’année covid 2020).
Subventions. Il a été convenu de supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles. Chaque année, le secteur bénéficie encore de quelque 5 900 milliards de dollars de subventions. Cette diminution ne doit pas être « progressive » mais immédiate et radicale. Les 5 900 milliards de dollars sont bien supérieurs à ce qui est nécessaire pour permettre une transition rapide vers l’énergie verte.
Garder sous terre. Selon la revue scientifique Nature, pour rester en dessous de 1,5°C, 89 % des réserves prouvées de charbon, 58 % des réserves de pétrole et 59 % des réserves de gaz doivent rester dans le sous-sol. Les lobbyistes du secteur des combustibles fossiles ont mis tout en œuvre pour empêcher que les accords conclus ne soient contraignants. Ils ont eu gain de cause.
Le charbon. Le charbon est le grand coupable, mais de nombreux pays du Sud en sont extrêmement dépendants. L’Inde, par exemple, dépend du charbon pour 70 % de son énergie, et la Chine pour près de 60 %. En partie sous l’influence de ces pays, le texte final a été assoupli : La « suppression progressive » (phase-out) de la combustion du charbon a été remplacée par une « réduction progressive » (phase down).
Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) espère « que les économies avancées prendront l’initiative et deviendront un exemple pour les pays émergents ». Si celles-ci ne le font pas, elles ne doivent pas s’attendre à ce que les pays émergents s’y mettent. »
Le méthane. Plus de 100 pays ont signé un accord visant à réduire les émissions de méthane de 30 % entre 2020 et 2030. C’était pourtant l’objectif le plus accessible du sommet. Cela pourrait réduire la température moyenne mondiale d’environ 0,1°C d’ici 2050. Ce dixième de degré ne représente toutefois que le réchauffement que nous avons connu depuis la COP21 à Paris en 2015.
L’équité climatique. Selon l’AIE, pour atteindre zéro émission, 4 000 milliards de dollars d’investissements annuels seront nécessaires jusqu’en 2030. Quelque 70 % de ce montant, soit 2 800 milliards de dollars, devraient aller aux pays émergents et pays en développement. Ils ont besoin de cet argent afin de réaliser leur propre transition énergétique, compenser les dommages causés par le réchauffement de la planète et leur permettre de s’adapter au changement climatique.
Les 100 milliards d’aide par an promis à Copenhague en 2009 ne représentent qu’une fraction de ce qui est nécessaire, et même cette maigre promesse n’est pas tenue aujourd’hui. Ce sommet n’a pas été au-delà d’un vague appel à « mobiliser le financement climatique provenant de toutes les sources nécessaires pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, y compris une augmentation significative du soutien aux pays en développement, jusqu’à plus de 100 milliards de dollars par an ». Nulle part il n’est précisé comment ce financement se fera ni quel niveau il doit atteindre.
Déforestation. Plus de 100 dirigeants mondiaux se sont engagés à arrêter et à inverser la déforestation d’ici 2030. Le problème de cette belle promesse est qu’elle n’est ni applicable ni transparente. Il n’y a pas non plus de plan de financement pour ce projet et, de plus, entre-temps, l’exploitation forestière pourra se poursuivre en toute impunité.
Bilan
Comme souvent dans de tels sommets, les belles promesses et les appels polis fusent de toute part. Or, ce qui fait généralement défaut – et ce sommet-ci ne fait pas exception – c’est un plan d’action à long terme et un engagement concret de la part des participants. Nulle part il n’est question de caractère contraignant.
La bonne nouvelle est qu’on est arrivé à un consensus ainsi qu’à un accord sur le fait de se réunir à nouveau chaque année. L’autre bonne nouvelle est que la Chine et les États-Unis, les deux plus grands émetteurs, ont accepté de travailler en étroite collaboration malgré le climat très tendu entre eux. Cette coopération est une condition préalable importante pour la prise en main des dossiers à venir.
Le grand gagnant de ce sommet est le secteur des fossiles. Ses plus de 500 lobbyistes formaient la plus grande délégation à ce sommet sur le climat. Le secteur peut dormir sur ses deux oreilles ; malgré les belles promesses et les alliances, il conservera son emprise sur l’économie mondiale, du moins à court terme.
Les grands perdants sont les pays du Sud. Ils sont les moins responsables du réchauffement de la planète, mais en subissent les plus lourdes conséquences. Ils manquent également de ressources pour effectuer la nécessaire transition énergétique. Cependant, la justice climatique était l’une des principales revendications de la grande majorité du pays et des nombreux militants pour le climat.
Les pays du Nord ne sont pas disposés à assumer les coûts de leur dette climatique historique. Ils sont donc les principaux responsables de la dégradation actuelle du climat. Sans un transfert important de fonds – beaucoup plus conséquent que ce qu’ils promettent maintenant – nous courons droit à la catastrophe climatique.
Certes, le résultat aurait pu être pire encore. Mais nous ne pouvons ignorer le fait que les chefs de gouvernement ont finalement échoué. Lia Nicholson, négociatrice en chef pour Antigua-et-Barbuda et présidente de l’Alliance des petits États insulaires, qui compte 37 membres, a déclaré : « Nous sommes extrêmement déçus et nous ferons connaître nos griefs en temps voulu ».
« Notre combat est loin d’être terminé. Nous devons prendre conscience que c’est une bataille que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre » a déclaré Selwin Hart, sous-secrétaire général des Nations unies pour le changement climatique. Le secrétaire général des Nations unies, M. Guterres, a quant à lui rappelé l’urgence de la situation : « Notre fragile planète ne tient qu’à un fil. (…) Il est temps de passer en mode d’urgence. Sinon, notre chance de parvenir à zéro émissions sera elle-même réduite à zéro.»
Greta Thunberg est déjà tout à fait convaincue de cette urgence. Avec plusieurs jeunes militants pour le climat du monde entier, elle a introduit une requête auprès de M. Guterres afin que « l’urgence climatique » soit déclarée.
La véritable bataille ne se déroule pas au cours d’un tel sommet, mais en dehors. Cette bataille n’a pas encore commencé. C’est à nous d’établir d’autres rapports de force et d’obliger les chefs de gouvernement et l’élite économique à changer de cap. Une ligne de conduite qui ne préserve pas les profits des grands groupes de capitaux mais ceux de la planète. Une voie qui ne répercute pas les coûts sur l’homme ou la femme ordinaire, ni sur les pays du Sud.
Nous devrons tous chercher des formes de lutte qui permettront d’assurer la survie de notre planète de manière équitable.
Source originale: De Wereld Morgen
Traduit du néerlandais par Marc Vandepitte pour Investig’Action
Photo: Han Soete