Nous avons créé deux camps : celui des bons et celui des méchants. Les présentateurs du Journal Télévisé sont convaincus que la simplification, ça fait bien à la télé ; d’autres croient que ça aide le lecteur ou l’auditeur à comprendre la réalité.
Dans cette guerre, le méchant officiel c’est Mouammar Kadhafi. Il vient d’obtenir le rôle vedette après 42 années « d’abus, de détentions arbitraires, de disparitions, d’assassinats et d’attentats terroristes commandités dans des pays étrangers, en plus de financer les guérillas au Liberia et au Sierra Leone, entre autres pays d’Afrique ».
Les « bons », ce sont les rebelles de Benghazi, ceux que nous appelons « les civils », peut-être pour justifier la réplique guerrière. Dans la propagande, peu importe ce qu’on dit, seuls les résultats comptent. Des civils ? Ces « civils » qui arrivent jusqu’à nous à travers les images sont des miliciens juchés sur des chars, des hommes qui font feu avec des lance-roquettes antiaériens et qui descendent des avions.
Rien à voir avec la Place Tahrir du Caire.
Les rebelles civils de Libye ont une longue histoire d’antiaméricanisme armé et militant ; cela rend leur compagnie pour le moins douteuse. Le pari occidental en leur faveur est très risqué. Mais peut-être n’y avait-il pas d’autre choix.
La Libye a été le premier exportateur, per capita, de combattants étrangers en Irak, plus que l’Arabie Saoudite, berceau de Ben Laden et de la plupart des terroristes kamikazes du 11 septembre. La grande majorité des volontaires libyens, en Irak, venaient de l’Est de la Libye, c’est-à-dire de là où se trouvent les anti-Kadhafi que protège aujourd’hui la communauté internationale, y compris l’Espagne. L’activisme des Libyens de l’Est est connu des services de renseignement des États-Unis, comme l’explique Asian Tribune.
Selon un rapport du think tank Combating Terrorism Center, la ville libyenne de Darnah, de 80.000 habitants, a été la plus active : elle a fourni 52 combattants à l’Irak, plus que toute autre ville arabe. Le second groupe le plus nombreux venait de Riyad, capitale saoudienne de plus de quatre millions d’habitants. La capitale rebelle Benghazi en a envoyé 21.
En Libye, il y a une guerre civile. La communauté internationale intervient en faveur d’un camp en brandissant une résolution du Conseil de Sécurité. Ceux qui décident de la Loi internationale sont ceux-là mêmes qui se chargent de l’appliquer. On bombarde la Libye pour protéger des civils armés. Le Proche-Orient est une terre riche en injustices et en résolutions non appliquées. Contrevenants aux résolutions de première classe et contrevenants aux résolutions de seconde classe.
Caspar Weinberger fut le chef du Pentagone sous Ronald Reagan. C’était un homme intelligent qui dépensait trop d’argent en armes. C’est lui qui a établi la doctrine militaire pour les interventions des États-Unis à l’étranger, après le fiasco du Vietnam. Celle-ci comprenait trois points : une guerre doit compter sur l’appui de l’opinion publique ; une guerre doit avoir des objectifs clairs ; une guerre doit se ménager une porte de sortie.
Bush Fils a oublié la doctrine Weinberger en Afghanistan (2001) avec pour conséquence de bien mauvais résultats. Obama, prix Nobel de la Paix, a commencé une guerre (apparemment juste). Mais la guerre est un être vivant : elle évolue indépendamment de la volonté de celui qui la déclenche et de celui qui en est victime. On sait comment elles commencent ; jamais comment elles finissent.
Il y a des précédents dangereux qu’il ne faut pas oublier : la Somalie.
Il ne faut pas non plus oublier Sun Tzu et son livre : L’art de la Guerre :
« Ceux qui sont incapables de comprendre les dangers inhérents à l’utilisation des troupes sont également incapables de comprendre comment en faire un emploi profitable ».
Traduit de l'espagnol par Manuel Colinas pour Investig'Action