Parmi tous les pays européens, c’est en Belgique que le fossé entre les élèves des milieux aisés et les élèves pauvres est le plus grand. Cela se traduit par une inégalité des résultats scolaires en fonction de l’ indice socio-économique des élèves. Il existe trop d’ écoles « ghetto de riches » et « ghetto de pauvres » où la mixité sociale est inexistante. Les conditions d’enseignement et d’apprentissage y sont terriblement différentes.
Avant fermeture des écoles
Dans ces conditions, le contact avec les parents, la communication avec les familles et les moyens dont disposent les établissements sont très différents d’une école à l’autre. Ainsi, telle école bénéficie déjà depuis longtemps d’un système de communication par gsm intégré à la gestion informatique des bulletins et de la discipline, telle autre école se débrouille avec des notes sur papier et des listes des présences encodées à la main par les éducateurs.
L’informatisation des écoles est un marché que veulent s’approprier les grandes transnationales du numérique. On assiste ainsi dans les établissements à la bataille des marques et des logiciels. Les pouvoirs organisateurs ou les chefs d’établissement s’en tirent selon leurs moyens et leurs priorités.
Jamais, au cours des 25 dernières années, la hiérarchie n’a proposé de système uniformisé et gratuit. Seule l’asbl infodidac, émanant du secrétariat général de l’enseignement libre (catholique), équipe la majorité des écoles de « Pro Eco », un logiciel de gestion de base, ne débouchant pas forcément sur la gestion informatisée et à distance des bulletins ou des communications aux familles.
Le degré de connexion des professeurs est fort inégal et dépend de l’établissement où ils travaillent, école ambitieuse ou école de relégation. Ajoutons que du côté des familles, l’accès à internet n’est pas gratuit et que les plus précaires se débrouillent comme ils peuvent. Si une très grande part des familles est connectée, tous ne le sont pas via un ordinateur. Le smartphone remplace souvent le PC et l’imprimante est inexistante chez les plus défavorisés.
La fermeture des écoles
La fermeture des écoles pour cause de pandémie révèle un peu plus la cruauté de ces inégalités. Ainsi, alors que les radios et les télévisions nous abreuvent de conseils pour occuper les enfants, les faire travailler à la maison, comment peut-on se débrouiller dans les familles où les parents travaillent mais restent dans des situations précaires. Que fait la caissière qui vit seule avec enfant(s) ? La famille qui vit chichement dans un petit appartement ? Si les plus petits peuvent encore être accueillis dans leurs écoles, qu’en est-il des adolescents ? Vont-ils avoir, seuls, la volonté de travailler leurs matières sur leur gsm ?
Les manuels papiers, utiles à l’heure du confinement, se sont raréfiés et que penser du sympathique conseil de s’adonner à la lecture dans un logement sans bibliothèque ? Comment organiser des coloriages sans matériel ? Et comment peut-on rester créatif quand on vit dans l’angoisse et la crainte d’un après-crise encore plus précaire ?
Même si beaucoup de familles s’organisent, il est certain que lorsque les écoles rouvriront leurs portes bien des inégalités se seront encore creusées.
Après le confinement…
Des décisions politiques en matière d’éducation peuvent améliorer la situation de nos écoles. Mais il ne s’agit pas d’obliger toutes les familles de s’équiper d’un matériel dont certaines ne pourront pas supporter les frais, même avec une aide financière. Ce n’est pas non plus aux seuls enseignants à créer les conditions idéales d’un enseignement plus juste.
Les décisions doivent être politiques. Il est indispensable d’organiser la mixité sociale dans les écoles et de garantir des écoles de qualité pour tous, de diversifier les outils offerts par les établissements (l’informatique n’étant qu’un outil parmi d’autres) et leur accès gratuit à tous les élèves. Un soutien scolaire de qualité pour tous devrait être organisé dans les établissements, les écoles resteraient idéalement accessibles après les heures de classe et l’ encadrement y serait renforcé. Toutes ces mesures dépendent de nos dirigeants politiques et d’un financement à la hauteur de l’excellence attendue.
Lorsque nous sortirons à nouveau dans les rues, il s’agira de nous montrer plus exigeants et plus ambitieux pour l’enseignement.[1]
Source: Investig’Action
Note:
[1] Voir les propositions de l’Aped : http://www.skolo.org/campagne-2020-de-laped/