Connaîtra-t-on la vérité sur l’assassinat@@ de Julien Lahaut?

En 1950, Julien Lahaut, le président du Parti communiste en Belgique, fut assassiné. Ses meurtriers et leurs commanditaires n’ont jamais été retrouvés. Le gouvernement fédéral vient de stopper l’ouverture d’une enquête d’historiens pour tenter de découvrir la vérité. Cet assassinat politique reste l’une des plus grandes énigmes politico-judiciaires de notre pays, avec entre autres les «tueries du Brabant wallon». «Le Palais» fut-il impliqué dans l’assassinat de Julien Lahaut, selon l’hypothèse que rappelle le quotidien La Libre Belgique ? Le journaliste Jean-Marie Chauvier fait le point, pour RésistanceS.be, sur cette affaire. Et le Parti socialiste propose une alternative pour rouvrir le «dossier Lahaut».

 

Le 18 août 1950 fut assassiné à Seraing, dans la région liégeoise, le président du Parti Communiste de Belgique (PCB), Julien Lahaut. Ce dernier était également une figure importante du mouvement ouvrier et de la Résistance. Ayant joué un rôle de premier ordre dans la lutte antinazie, le PCB devint après la Deuxième Guerre mondiale la troisième force politique en Belgique, après les partis catholique et socialiste, et avant le parti libéral de l’époque (voir notre deuxième encadré ci-dessous).

L’assassinat de Julien Lahaut survient quelques temps après l’abdication du roi Léopold III, dans un climat insurrectionnel, et la prestation de serment comme Prince Royal de son fils, le futur roi Beaudouin. On avait attribué à Julien Lahaut le cri poussé au cours de cette cérémonie: «Vive la République». Slogan qui devait initialement être entonné par l’ensemble du groupe parlementaire communiste, mais qui ne le fut que par un seul de ses députés, Glineur, de Charleroi. Lahaut ne l’avait donc pas scandé, mais murmuré avec les autres parlementaires du PCB. Néanmoins, c’est lui qui sera longtemps considéré comme son auteur.

Du même coup, le président et député communiste devenait l’homme à abattre pour les nationalistes-monarchistes purs et durs, l’extrême droite et les autres anticommunistes de l’époque. Pour éviter une hypothétique insurrection révolutionnaire, ces derniers étaient prêts à tout. Y compris à l’élaboration d’une stratégie de la tension visant à susciter une première révolte communiste, provoquée par l’assassinat de Lahaut par exemple, dont la répression aurait ensuite été justifiée. Le Parti communiste aurait dès lors pu être interdit, comme des députés libéraux et catholiques de l’avant-Guerre l’avaient déjà tenté de faire.

Gouvernement d’Ordre nouveau…

Julien Lahaut, en tant que leader des communistes belges, fut un des acteurs de ladite «Question royale». Dans l’Après-Guerre, cette «question» divisera la Belgique entre la gauche et la droite politique, les Wallons et les Flamands. Elle avait pour fond historique le rôle controversé du roi Léopold III sous l’occupation allemande.

Avant la Deuxième Guerre mondiale, le souverain était déjà connu pour ses opinions antiparlementaristes et sa séduction pour une forme de pouvoir autoritariste. Au début de l’occupation allemande, plusieurs personnalités belges, dont Henri De Man, l’ancien président du Parti ouvrier belge singularisé par son antimarxisme et connu comme leader du courant socialiste national (contre le courant socialiste internationaliste), se rapprochèrent du Palais royal. Dans l’objectif de mettre en place un gouvernement d’Ordre nouveau, sous l’autorisation des nazis. Une bonne partie du staff du roi Léopold III, issu des rangs de l’ultradroite monarchiste, antisocialistes, anticommunistes et antidémocratiques, favorisait cette solution.

Léon Degrelle, le chef du Mouvement rexiste, souhaitait lui aussi jouer un rôle clé dans ce plan, qui finalement n’aboutira pas. Néanmoins, De Man, Degrelle et d’autres personnalités proches du Palais royal se mirent au service des nazis dans la perspective de reconstruire une nouvelle Belgique sous leur conduite.

La lutte contre le bolchévisme se conjuguait alors au pluriel et était partagée par différents courants politiques, des royalistes nationalistes aux socialistes nationaux antimarxistes, en passant par l’extrême droite francophone (Rex, la Légion nationale…) et flamande (Verdinaso, VNV…).

Le Palais royal impliqué ?

Récemment, le Sénat a approuvé à l’unanimité la mise en route d’une enquête scientifique sur l’assassinat de Julien Lahaut. Or, le gouvernement belge vient de bloquer cette enquête, sous prétexte de problèmes budgétaires.

Personne n’est dupe de cette énième tentative d’étouffer la recherche de la vérité. Des historiens qui ont déjà travaillé sur le sujet affirment connaître les noms des assassins et leurs commanditaires.

On pouvait lire dans le quotidien catholique «La Libre Belgique», de ce 24 septembre, cette phrase surprenante : «Près de 60 ans après les événements, le dossier Lahaut reste sensible, d’aucuns se demandant si les milieux ultra-conservateurs, voire le Palais [royal] n’ont pas été mêlés à ce dossier».

Pour rappel, «La Libre Belgique» était en 1950 l’un des journaux de l’époque les plus engagés en faveur de Léopold III. L’évocation d’une implication possible des milieux monarchistes dans l’assassinat de Julien Lahaut par ce journal n’a encore suscité aucune vague. A une autre époque, les réactions outragées auraient été nombreuses. Etrange pays….

 
 
 
 
Pour protester contre le refus de la ministre Sabine Laruelle de débloquer les budgets nécessaires à l’enquête sur l’assassinat de Julien Lahaut, vous pouvez signer une pétition ici.  Par ailleurs, la députée européenne Véronique De Keyser a lancé une souscription publique pour financer une étude scientifique sur cet assassinat. Plus d’informations ici.
 

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